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nauté internationale, telle qu'on l'a conçue jusqu'à une époque toute récente, pour la proposer comme remède à tous les maux de la vie internationale. Dans cette conception, la communauté internationale elle-même n'est que l'union momentanée, politique des Etats et, dans sa manière d'agir, peut se comporter comme chacun des Etats qui la composent (1).

Or, l'idée qui se dégage très clairement de ce raisonnement est celle-ci la communauté internationale elle aussi n'est pas libre dans le choix de ses moyens d'action : il faut, en tout cas, pour trouver une base juridique à ses actes, ne pas se contenter du fait brutal de l'intervention collective; il faut chercher les limites plus précises de son pouvoir d'agir. Ces limites peuvent se trouver dans une «< communauté internationale constitutionnellement organisée» (2). Cette délimitation est d'autant plus indispensable que nous voyons, au cours du XIXe siècle, la communauté internationale se faire, pour ainsi dire, une profession d'intervenir dans les affaires intérieures des Etats, sous des prétextes les plus divers.

Pour cette raison, le principe de l'équilibre, mis à la base des relations internationales pendant si longtemps et qui a abouti, nous le verrons, dans ses conséquences extrêmes, à la théorie des compensations aux Congrès de Vienne et de Berlin (1815-1878) a été justement critiqué (3).

(1) Tchernoff, loc. cit..

(2) L'expression est de M. Georges Scelle, Essai de systématique du droit international, p. 15, note 1.

(3) V. sur ce point la note de A. Pillet: Recherches sur les droits fondamentaux des Etats, p. 52.

Notre enquête sur l'époque qui précède la Révolution est terminée. Maintenant notre système va changer. Le but de la vie publique, de l'activité sociale de l'Etat va être clairement désigné. Une lutte s'engagera entre les traditions du passé et les aspirations de l'avenir. Cette lutte, déjà si ardente et si difficile dans le domaine du droit public interne est encore plus acharnée sur le terrain des rapports internationaux. Le but visé sera et restera l'Eat pour l'individu, à n'importe quelles conditions, dût-on nier l'existence de l'Etat lui-même.

Mais il faudra compter avec des situations transactionnelles, avec la loi de l'évolution qui n'opère que très lentement, avec la grande loi de la continuité.

Pendant des siècles, dit Holtzendorff (1), le Droit des gens a procédé d'une abstraction universelle et imparfaitement conçue celle d'un Etat universel à créer ou à rétablir dans sa prétendue perfection naturelle et devant laquelle l'Etat historique était considéré comme une entrave. Ce n'est que récemment, que les sciences sociales, envisagées dans leur ensemble, ont reconnu de toutes parts l'Etat historique, comme base du développement et de la réalisation de l'idée de droit.

Mais il ne suffit pas que l'Etat historique, ayant pris conscience de ses droits, puisse opposer désormais une résistance à toute tentative d'absorption, dans une organisation où son individualité ne serait pas effacée, mais où sa capricieuse volonté trouvera des limites juridiques, nettement dessinées. Il faut que la notion, le fondement

(1) Introduction, p. 35, op. cit.

même

et nous dirons encore plus le mot même de la souveraineté change. Si celle-ci repose sur le fait brutal de la conquête, sur la force, cette force aura beau se montrer respectueuse de certains principes de droit, c'est là toujours une force qui reste arbitraire dans ses manifestations et rien ne l'empêche d'aspirer toujours à sortir des limites de son domaine naturel propre, pour empiéter sur le domaine d'autrui.

TROISIÈME PARTIE

LES MINORITÉS, L'ETAT ET LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE, DEPUIS LA RÉVOLUTION FRANÇAISE JUSQU'A LA CRÉATION DE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS & JUSQU'AUX TRAITÉS DE 1919-1920-1923.

Il est hors de doute que les principes de 1789 ont exercé une influence sérieuse dans le domaine du Droit des gens. En effet ils avaient pour but de renverser les bases du système social et politique, en vigueur jusqu'alors, et de leur en substituer de nouvelles. C'était précisément le corps de la Société dans son ensemble, qui constituait l'objet de l'œuvre révolutionnaire; et par conséquent aucune de ses formes historiques ne pouvait être négligée ni laissée en dehors. L'action devait porter sur l'homme et sur l'Etat, mais elle ne devait pas s'en tenir là. Suivant son cours naturel elle devait se répandre dans un autre milieu social, dans l'association des Etats.

Ici même il y avait beaucoup à faire, quoique les innovations à introduire n'eussent été qu'une conséquence de ce qu'on venait d'accomplir à l'égard de l'Etat même. Dans la sphère du Droit international, il ne s'agit donc, à la vérité, que d'un contre-coup ou d'un écho, en quelque sorte, des principes de 1789; ce qui devait, du reste,

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