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publique, ces conclusions auraient pu produire une action bienfaisante par des voies essentiellement pacifiques (1).

$ 4, En étudiant l'individu et l'Etat dans l'ordre international moderne, nous avons vu en vertu de quels principes supérieurs la communauté internationale peut prétendre à la protection des minorités.

Ce principe de contrôle se trouve dans la véritable nature de la communauté des Etats. Celle-ci nous apparaît d'abord comme reposant sur l'analogie des fonctions civilisatrices de tous les Etats en vue de faire respecter le droit de l'homme, du citoyen et des groupements inférieurs. Elle s'impose à tous les Etats, comme reposant sur l'universalité de la nature humaine. Cette forme de collaboration est de nature juridique. Pour cette raison nous n'aimons pas beaucoup cette notion d'une Société humaine (2) qu'on place à côté de la communauté internationale proprement dite et envers laquelle les membres de celle-ci ne sont tenus que de devoirs moraux.

En tant qu'il s'agit de respecter le droit de l'individu, l'obligation réciproque des Etats est de nature juridique, ne relevant pas du domaine de la morale universelle, mais du domaine du droit.

Lorsque les Etats ne respectent pas les droits des indi

(1) Nous insistons particulièrement sur ce point, car, à notre avis, ni les rédacteurs des traités des minorités, ni les ouvrages écrits à ce sujet n'ont suffisamment remarqué l'importance capitale de l'enquête internationale pour la protection des minorités.

(2) L'expression est de M. PILLET, Le Droit International Public, ses éléments constitutifs, son domaine, son objet, dans la R. G. D. P., 1892, pp. 1-32.

vidus et manquent à leur tâche civilisatrice, ils n'ont pas leur raison d'être, leur cause; et la communauté internationale sera dans la nécessité d'imposer les restrictions à l'action normale de la souveraineté étatique. Ces restrictions seront légitimes en tant qu'elles tendent à soustraire l'individu à un traitement que le sentiment unanime de la société civilisée s'accorde à condamner (1).

$ 5. Cependant il ne faut pas oublier que c'est surtout dans l'intérieur de chaque Etat, dans les rencontres quotidiennes des hommes de nationalités, de religions, de races, de couleurs diverses, dans le rapprochement des mœurs, dans l'union de l'humanité opérée sur chaque parcelle du globe, qu'il faut rechercher les germes et la source des progrès destinés à améliorer la situation de l'individu minoritaire. C'est là l'action de la coutume.

Il est vrai que c'est au souverain local qu'appartient, en premier lieu, le droit de constater le mouvement de la coutume et de consacrer législativement le progrès réalisé dans le rapport entre la majorité et la minorité; mais il est vrai aussi que souvent un Etat n'a consenti à accorder des droits aux individus minoritaires que le couteau sur la gorge. Il y a des cas où l'intervention d'une force ex

(1) Nous verrons quels sont les moyens de protection que la communauté internationale (dont les manifestations se matérialisent dans le fait de l'intervention collective exceptionnelle de plusieurs Etats civilisés jusqu'à la création de la Société des Nations) possédait à l'égard d'une collectivité internationale, qui, par suite d'un vice de son organisation interne, ou par suite d'un vice de la notion même de l'autorité étatique, se trouve incapable de remplir ses devoirs envers ses sujets. La question sera étudiée à sa place, dans le chapitre 4 de cette Partie et dans la 5o Partie.

terne est indispensable pour imposer à un souverain local des règles plus humaines dans son attitude envers les minorités.

Mais une fois la règle imposée, quand nous nous trouvons, non en présence des collectivités puissantes, mais des hommes, c'est la coutume qui agit le plus sûrement

CHAPITRE IV

Les minorités, dans le Droit international du XIX siècle

Les grands principes proclamés par la Révolution, aboutissement logique de toutes les transformations d'idées opérées par la philosophie du XIXe siècle, notamment celui de la liberté de conscience et de la souveraineté nationale, devaient, malgré toute la réaction du commencement du XIX° siècle, trouver bientôt leur écho dans les Constitutions nationales et dans le Droit des gens.

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Dans l'ordre international des faits, quoique les nationalités soient écrasées par les dynasties restaurées, de quelque façon que l'on entende la nationalité « l'œuvre de Metternich en est la négation réfléchie » (1), et quoique la Sainte Alliance se soit donné pour mission de faire régner en Europe un droit public chrétien, malgré toute la puissance de cette alliance des monarques, dont la politique internationale était dirigée contre les peuples et contre toutes les manifestations démocratiques, les forces vives des principes de la Révolution devaient finir par s'imposer.

a) Le mouvement général du monde après la Révolution amenait à une laïcisation progressive de l'Etat, comme de tous les phénomènes sociaux, de même qu'aujourd'hui il tend à internationaliser l'Etat. Le Congrès

(1) Henri HAUSER, Le principe des nationalités, p, 23.

de 1815 ne pouvait pas aller contre ce premier courant.

b) De même le principe des nationalités, que la Révolution avait suscité contre le principe du droit divin de la monarchie, avait fait des progrès et, malgré les idées des hommes d'Etat de 1815, a réussi à trouver son application au Congrès de Vienne dans les stipulations concernant la minorité nationale polonaise.

I. Les minorités religieuses au Congrès de Vienne.

Les minorités religieuses au Congrès de Vienne sont les Belges réunis aux Hollandais, dans l'Etat des PaysBas, et les sujets catholiques du duc de Savoie, cédés à la République de Genève.

§ 1. Le protocole du 29 mars 1915, relatif au passage de certains territoires sardes sous la domination de Genève, assure aux habitants catholiques de la partie cédée l'égalité des droits avec les protestants genevois.

Ce protocole est remarquable par la façon précise, minutieuse, dont il règle la condition des catholiques, en ce qui concerne leurs écoles, leurs églises, l'organisation de leurs municipalités, les dépenses pour leurs institutions propres. Ce protocole établit la différenciation collective des minorités catholiques dans Genève protestante, dans tout ce domaine du droit religieux, civil, administratif où l'assimilation avec la majorité religieuse protestante, confondue avec la République, n'était pas possible. Et enfin, l'article 13 du même protocole établit une sanction qui consiste dans le droit appartenant au roi de Sardaigne de porter à la connaissance de la Diète helvétique et d'appuyer par le canal de ses agents diplomatiques auprès

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