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tive, administrative, religieuse et judiciaire. Ils ont une diète locale et une représentation propre au Parlement de Prague, ce qui fait d'eux une véritable minorité organisée, ayant des représentants qualifiés qui peuvent parler en son nom tant aux autorités internes qu'à la Société internationale.

Mais le gouvernement de ce pays a tardé à organiser le régime prévu par le traité, malgré le rappel qui lui a été adressé par le Conseil de la Société des Nations le 14 janvier 1922. Il invoque pour justifier ce retard <<< la faible culture de la population ruthène » (1). Combien faudraitil attendre l'émancipation des habitants de ce pays ? (2).

Comme autrefois les centralistes autrichiens, les traités se sont efforcés d'établir les dispositions relatives aux minorités sous forme impersonnelle et générale. Elles constituent des droits sans qu'il y ait un sujet de droit juridiquement capable d'intenter une action en justice interne ou internationale (3).

(1) V. Rapport du prof. RUYSSEN à Prague, 1922, La situation actuelle des minorités en Tchéco-Slovaquie.

(2) C'est aussi par la faible culture de cette population que les journaux de Prague expliquent l'élection des sept communistes (sur 13 partis en compétition) que la Ruthènie a envoyé au Parlement de Prague, lors de sa première consultation électorale, au mois de mars 1924. Le communisme dans ce pays n'est pas, comme semble l'affirmer Le Temps, l'expression de l'ignorance de cette population « complètement illettrée et qui s'est laissée prendre aux promesses de la démagogie communiste », mais il constitue indéniablement la manifestation la plus juste et la plus éloquente d'un profond mouvement de mécontentement d'une minorité consciente de son unité et de sa misère.

(3) Duparc, op. cit., p. 292.

CHAPITRE V

Les Minorités et la communauté internationale

SI. Mais la plus grande défectuosité de la protection internationale des minorités se révèle dans l'insuffisante garantie des droits qui ont été sanctionnés par les traités internationaux. La conception d'un droit implique la possibilité de le faire valoir, autrement c'est un nudum jus. La notion du droit, nous le répétons, appartient au domaine du droit public et non à celui de la politique. Comme on le sait, les considérations politiques diffèrent de beaucoup du droit public. Ainsi le droit de propriété que les minorités invoquent le plus souvent et que dernièrement les colons allemands de Pologne invoquaient aussi, ne dépend pas de circonstances politiques mais est simplement un droit qui au besoin doit être assuré par la procédure juridique, et non par des négociations d'un ordre diplomatique ou politique. Les droits des minorités --s'ils méritent ce nom doivent donc se conformer au même principe; sinon ce ne sont pas des droits.

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§ 2. Pourtant, jusqu'ici, ils ont revêtu un caractère semi-politique et semi-juridique. Il faut admettre que la procédure de la Société des Nations, dans le cas de différends surgis par rapport au droit des minorités, est équivoque et ne supporte par le raisonnement juridique. Les minorités qui se plaignent d'une lésion de leurs droits ne sont pas autorisées à intenter un procès; elles doivent se

contenter d'une pétition adressée au président du Conseil de la Société des Nations. Ceci seul témoigne que ce procédé est un appel hybride fondé en partie sur l'idée de justice et en partie sur l'espoir de gagner la sympathie politique du Conseil de la Société des Nations.

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§ 3. Si le rapport Tittoni du 22 octobre 1920 dit que le droit des membres du Conseil de signaler les infractions ou les dangers d'infraction n'exclut point la faculté « des minorités elles-mêmes de les signaler », il ne faut prendre ces termes que comme une simple abréviation des termes des traités : « des personnes appartenant à des minorités de race, de langue ou de religion. »>

$ 4. En principe, chacun a la faculté d'adresser à la Société des Nations des pétitions ou des informations relatives à la protection des minorités. Ce n'est pas un privilège des personnes appartenant à des minorités.

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$ § 5. Les traités des minorités n'ont pas créé non plus d'organismes ayant le droit de parler et d'agir au nom des minorités, réservant aux seuls membres du Conseil le droit de les protéger. Dans ces circonstances, si des pétitionnaires, formulant une demande, se réfèrent à l'autorisation de la minorité et prétendent parler au nom de la minorité, cela n'a aucune base juridique (1).

$ 6. De plus la pétition doit être approuvée d'abord par le Secrétariat général. Une fois ce stage heureusement terminé, la pétition est soumise au président du Conseil qui remarquons-le n'est pas un juge mais un

(1) C'est aussi, d'après ce que nous croyons savoir, l'interprétation juridique des gouvernements de la Petite Entente.

homme politique. Il désigne deux membres du Conseil qui devront former, de concert avec lui, un Comité ad hoc, dit Comité des trois. Après avoir invité le Gouvernement en question à donner son avis et après l'avoir obtenu, le Comité décide si la pétition doit rester sans suite ou si elle sera prise en considération.

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$ 7. Il faut observer que la présentation des pétitions ou des informations au Secrétariat, leur communication aux membres du Conseil, leur examen par le Conseil des Trois, ne constituent aucun acte juridique; ce n'est que l'appel fait au Conseil par l'un des membres qui le constitue.

En effet, la procédure dont les pétitions font l'objet n'est qu'une sorte de service d'informations à l'usage des membres du Conseil pour leur faciliter l'accomplissement de leur devoir, en ce qui concerne la protection des minorités. Ce ne sont pas des plaintes au sens technique du mot, de même que les observations présentées par les gouvernements intéressés ne sont pas des réponses à ces pétitions mais des simples informations. Elles ne doivent être communiquées aux membres de l'Assemblée générale que sur demande de l'Etat intéressé ou sur décision du Conseil prise en vertu de cette stipulation des traités : « Et que le Conseil pourra procéder de telle façon et donner de telles instructions qui paraîtront appropriées et efficaces dans la circonstance. »

$ 8. Une fois la pétition soumise au Conseil en conformité de l'article 4, § 5, du Pacte, un représentant du Gouvernement inculpé est invité à prendre part à la session du Conseil. Aucun représentant de la minorité en

question ne peut être admis, puisque personne ne peut parler en son nom. Même dans le cas où un représentant qualifié existerait il ne pourra pas être reçu par le Conseil, car, suivant les principes du droit international classique, seuls les Etats peuvent participer aux travaux du Conseil et de l'Assemblée de la Société des Nations et plaider devant la Cour internationale de La Haye.

Le résultat de la délibération peut être ou bien que toute l'affaire est classée ou bien qu'une résolution émane du Conseil exprimant son opinion sur la matière. Le Conseil peut aussi en appeler, en cas d'un désaccord dans le genre de ceux prévus par l'article 14 du Pacte, à la Cour permanente de Justice à La Haye. Dans cette Cour aucun représentant des minorités n'est admis. Cela est d'autant plus grave qu'une décision de la Cour permanente sur une affaire touchant aux droits des minorités est, dans tous les cas, sans appel et aura la même force et valeur qu'une décision rendue en vertu de l'article 13 du Pacte.

$ 9. - C'est ainsi que l'infortunée pétition, après avoir été sujette pas moins de trois fois à l'éventualité d'un rejet, est finalement jugée digne de former l'objet des délibérations du Conseil dans l'absence d'un représentant des plaignants, tandis que le Gouvernement contre lequel la plainte est dirigée est maître de la situation et peut expliquer les choses à sa façon, sans crainte d'être contredit par son adversaire. Tout le procès se déroule à huis clos, sans que la minorité ait la possibilité de répliquer. $10. Certes, le Secrétariat général organisation véritablement internationale auquel incombe le réglement prélminaire de litiges survenus ou de plaintes pro

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