Images de page
PDF
ePub

circulation et d'émigration des minorités non musulmanes, compatible avec la défense nationale et l'ordre public, laissés à l'entière appréciation du gouvernement turc; dans l'article 40, le terme significatif du traité de Sèvres (article 148) « représentants qualifiés des communautés intéressées» ont été remplacés par « représentants qualifiés des établissements et institutions intéressés. » Ce qui a eu pour conséquence comme nous l'avons déjà remarqué -de supprimer l'organisation représentative des minorités dans le droit public ottoman. L'article 41, relatif aux statuts familial et personnel des individus minoritaires, prévoit des Commissions temporaires spéciales, composées en nombre égal de représentants du gouvernement turc et ce qui étonne de représentants de chacune des minorités intéressées, départagés en cas de divergence par un surarbitre choisi parmi les jusrisconsultes européens par le Conseil de la Société des Nations et le gouvernement turc. L'article 42, qui rappelle l'article II du traité avec la Pologne, relatif au jour de repos hebdomadaire des Juifs, comme l'article 150 du traité de Sèvres, se réfère au repos hebdomadaire des minorités religieuses en Turquie. Enfin l'article 44 établit la réciprocité de traitement des minorités musulmanes en Grèce. $ 4. C'est tout. C'est trop peu! Ces dispositions ne répondent aucunement à la réalité des situations minoritaires en Turquie. Dans un pays du genre de l'Etat ottoman, rajeuni par les sentiments de nationalisme intransigeant et sectaire, où les non-Musulmans sont perpétuel lement soumis à un arbitraire inspiré par le fanatisme religieux et le chauvinisme local, et placés hors la loi, de

-

par la nature même du droit public ottoman, les garanties communes ne peuvent suffire. Renonçant à maintenir les clauses spéciales de Sèvres, la diplomatie européenne a avoué son impuissance à établir une protection efficace des minorités en Turquie et n'a pas tenu compte des réalités particulières de ce pays. Elle a oublié que la Turquie d'Agora demeure l'antique Puissance musulmane et fanatique, intruse dans un pays où son règne fut et sera encore plus que jamais un long asservissement.

L'abrogation des Capitulations, résultant de la Convention relative au régime des étrangers en Turquie (art. 1o) sans garanties compensatrices efficaces et la renonciation à la constitution du Home national arménien, comme contraire à l'indivisibilité de la patrie turque », constitue un abandon par lequel les diplomates européens de 1923 laissent sciemment l'individu, le citoyen et les minorités à l'arbitraire illimité des Turcs et qui n'ouvre pas au régime actuel de larges perspectives d'avenir.

La diplomatie française surtout étonne renonçant à la tradition républicaine de ce pays qui a suscité tant d'admiration et qui a fait sa grandeur, par son attitude inerte, passive, effacée que nous montrent les procès-verbaux de Lausanne, lorsqu'il s'est agi de défendre les droits de l'homme, du citoyen et des membres des familles les plus faibles de l'humanité, elle s'est inscrite en faux contre les grands principes proclamés par la Révolution française. $ 5. Plus encore après de pénibles discussions, qu'il vaut mieux passer sous silence, les plénipotentiaires de "'Europe civilisée ont souscrit à une innovation honteuse exigée par les Turcs, comme étant la seule solution pos

sible du problème minoritaire : c'est l'exode obligatoire, en masse, prévu par l'accord gréco-turc du 30 janvier 1923, des populations musulmanes en Grèce

sauf celles

de Thrace et celles grecques en Turquie Constantinople excepté. Cette « protection» des minorités à la turquà, la seule mesure de sauvegarde instamment réclamée par les Turcs, était le départ des minorités avec garantie de la vie sauve : elle condamne les troupeaux humains à quitter leurs foyers, leurs tombes, leurs biens, la terre natale, tout ce qui leur est le plus cher, et ne sauvegarde rien, hors la vie.

Le droit à la vie, c'est à cela que nous ramène la protection des minorités à la Conférence de Lausanne. La seule solution, c'est l'exode des femmes, des enfants, des vieillards en masse, comme les troupeaux de bêtes de somme. Elle contitue l'aveu des Turcs eux-mêmes de l'incompatibilité de la vie des minorités avec l'existence même de l'Etat turc.

C'est à cela à peu près que se ramène la protection internationale de certains animaux. Trois ans avant la Conférence de Lausanne les Etats-Unis signèrent avec la République du Mexique et des Etats de l'Amérique Cen· trale et du Sud une convention plus libérale, concernant la protection des oiseaux migrateurs, émigrant temporairement et volontairement, ceux-ci - des Etats-Unis dans ces pays.

C'est une honte pour l'humanité, un défi jeté à la civilisation et que celle-ci n'a pas relevé.

Les Puissances à ce qu'il paraît devant la nécessité que la Paix exige.

ont dû s'incliner

Elles ont si vite oublié la profonde parole de celui qui vient de s'éteindre à Washington :

« Le Droit est une chose plus précieuse que la Paix. »

Paris, 1923-1924.

BIBLIOGRAPHIE

des ouvrages et articles consultés et cités (1)

Acte final de la session de la Havane de l'Institut Américain du Droit International, New-York, 1917.

ADELSWAERD (Baron d'). Le droit des Minorités nationales (rapport à la XX Conférence interparlementaire, à Vienne, 28-30 août 1922). ABBY (Professeur P.). Le droit des Minorités (rapport à la conférence de l'Union internationale des Associations pour la S. D. N., à Prague, 4-8 juin 1922). Bruxelles, 1922.

Aide-Mémoire sur les Droits des Minorités en Turquie, présenté par l'Association nationale ottomane pour la S. D. N. Constantinople, 1922. ALVAREZ. Bases fondamentales du Droit international. Projet présenté à l'Institut du Droit américain international. (V. Acte final de la session de la Havane).

ANGEBERG (Comte d'). Recueil des traités, conventions et actes diplomatiques concernant la Pologne. Paris, 1862.

ANGEBERG. Le Congrès de Vienne, Paris, 1864.

AUER (De). The protection of national minorities (communication au XXX• Congrès de l'International Law Association, La Haye, 1921).

AUERBACH (Bertrand). Les races et nationalités de l'Autriche-Hongrie. Paris, 1917.

BAIE (Eugène). Le Droit des Nationalités, Paris, 1915.

BAUER (Otto). Nationalitätenfrage und Socialdemokratie. Wien, 1907.

BÉNÈS. Le problème des Allemands de Bohême (V. La Paix des Peuples, du 10 avril 1919).

BRUDANT. L'Etat et l'individu.

BIDERMANN. La loi hongroise sur les nationalités dans ses rapports avec le passé et le présent de la Hongrie (V. Revue D. I., 1869).

(1) Nous croyons utile de recommander cette bibliographie à ceux qui s'occuperont du même sujet. En ce qui concerne spécialement les Minorités, nous la considérons comme la plus complète qui ait été faite jusqu'à présent.

« PrécédentContinuer »