Images de page
PDF
ePub

pas chéri

ment. Par exemple, vous vous accusez de n'avoir le prochain comme vous deviez, c'est peut-être parce qu'ayant vu quelque pauvre fort nécessiteux, lequel vous pouviez aisément secourir et consoler, vous n'en avez eu nul soin. Eh bien! accusez-vous de cette particularité, et dites: Ayant vu un pauvre nécessiteux, je ne l'ai pas secouru comme je pouvais, par négligence ou par dureté de cœur, ou par mépris, selon que vous connaîtrez l'occasion de cette faute. De même, ne vous accusez pas de n'avoir pas prié Dieu avec telle dévotion comme vous le devez; mais si vous avez eu des distractions volontaires, ou que vous ayez négligé de prendre le lieu, le temps et la contenance requise pour avoir attention en la prière, accusezvous-en tout simplement, selon que vous trouverez y avoir ́manqué, sans alléguer cette généralité, qui ne fait ni froid ni chaud en la confession.

Ne vous contentez pas de dire vos péchés véniels quant au fait, mais accusez-vous du motif qui vous a induit à les commettre. Par exemple, ne vous contentez pas de dire que vous avez menti, sans intéresser personne; mais dites si ça été ou par vaine gloire, afin de vous louer et excuser, ou par vaine joie, ou par opiniâtreté. Si vous avez péché ́à jouer, expliquez si ça été pour le désir du gain ou pour le plaisir de la conversation; et ainsi des autres. Dites si vous vous êtes longuement arrêtée en votre mal, d'autant que la longueur du temps accroît pour l'ordinaire de beaucoup le péché, y ayant bien de la différence entre une vanité passagère, qui se sera écoulée en notre esprit l'espace d'un quart d'heure, et celle en laquelle notre cœur aura trempé un jour, deux jours, trois jours; il faut donc dire le fait, le motif et la durée de nos péchés. Car, encore que communément on ne soit pas obligé d'être si pointilleux en la déclaration des péchés véniels, et que même on ne soit pas tenu absolument de les confesser, si est-ce que ceux qui veulent bien épurer leurs âmes pour mieux atteindre à

la sainte dévotion, doivent être soigneux de bien faire connaître au médecin spirituel le mal pour petit qu'il soit, duquel ils veulent être guéris.

N'épargnez point de dire ce qui est requis pour bien faire entendre la qualité de votre offense, comme le sujet que vous avez eu de vous mettre en colère, ou de supporter quelqu'un en son vice. Par exemple, un homme qui me déplaît, me dira quelque légère parole pour rire, je la prendrai en mauvaise part et me mettrai en colère. Que si un autre qui m'eût été agréable en eût dit une plus âpre, je l'eusse prise en bonne part. Je n'épargnerai donc point de dire : Je me suis relâchée à dire des paroles de courroux contre une personne, ayant pris de lui en mauvaise part quelque chose qu'il m'a dit, non point pour la qualité des paroles, mais parce que celui-là m'était désagréable; et s'il est encore besoin de particulariser les paroles pour vous bien déclarer, je pense qu'il serait bon de les dire, car, s'accusant ainsi naïvement, on ne découvre pas seulement les péchés qu'on a faits, mais aussi les mauvaises inclinations, coutumes, habitudes et autres racines du péché, au moyen de quoi le père spirituel prend une plus entière connaissance du cœur qu'il traite et des remèdes qui lui sont propres. Il faut néanmoins toujours tenir couvert le tiers qui aura coopéré à votre péché, tant qu'il sera possible.

Prenez garde à une quantité de péchés qui vivent et règnent bien souvent insensiblement dans la conscience, afin que vous les confessiez et que vous puissiez vous en purger; et, à cet effet, lisez diligemment les chapitres VI, XXVI, XXVII, XXVIII, XXXIV et XXXV de la troisième partie, et le chapitre VII de la quatrième partie. Ne changez pas aisément de confesseur; mais en ayant choisi un, continuez à lui rendre compte de votre conscience, aux jours qui sont destinés pour cela, lui disant naïvement et franchement les péchés que vous aurez commis, et de temps en temps, comme serait de mois en mois, ou de deux mois en deux mois, dites-lui encore l'état

de vos inclinations, quoique par celles-ci vous n'ayez pas péché, comme si vous êtes tourmentée de la tristesse, du chagrin, ou si vous êtes portée à la joie, aux désirs d'acquérir des biens et semblables inclinations.

CHAPITRE XX.

De la fréquente communion.

On dit que Mithridate, roi de Pont, ayant inventé le mithridate, renforça tellement son corps par celui-ci, que s'esstyant après de s'empoisonner pour éviter la servitude des Romains, jamais il ne lui fut possible. Le Sauveur a institué ce sacrement très-auguste de l'Eucharistic, qui contient réellement sa chair et son sang, afin que qui le mange vive éternellement. C'est pourquoi quiconque en use souvent avec dévotion, affermit tellement la santé et la vie de son âme, qu'il est presque impossible qu'il soit empoisonné d'aucune sorte de mauvaise affection. On ne peut être nourri de cette chair de vie et vivre des affections de mort; et comme les hommes demeurant au paradis terrestre, pouvaient ne mourir point selon le corps, par la force de ce fruit vital que Dieu y avait mis, ainsi, peuvent-ils ne point mourir spirituellement par la vertu de ce sacrement de vie. Que si les fruits les plus tendres et sujets à corruption, comme sont les cerises, les abricots et les fraises, se conservent aisément toute l'année, étant confits au sucre et au miel, ce n'est pas merveille si nos cœurs, quoique frêles et imbécilles, sont préservés de la corruption du péché, lorsqu'ils sont sucrés et emmiellés de la chair et du sang incorruptibles du Fils de Dieu.

O Philothée, les Chrétiens qui seront damnés demeureront sans réplique, lorsque le juste juge leur fera voir le tort qu'ils ont eu de mourir spirituellement, puisqu'il leur était si aisé de se maintenir en vie et en santé par la man

ducation de son corps, qu'il leur avait laissé à cette intention. Misérables, dira-t-il, pourquoi êtes-vous morts, ayant à commandement le fruit et la viande de vie?

De recevoir la communion de l'Eucharistie tous les jours, ni je ne le loue, ni je ne le vitupère; mais de communier tous les jours de dimanche, je le suade ct en exhorte un chacun, pourvu que l'esprit soit sans aucune affection de pécher. Ce sont les propres paroles de saint Augustin, avec lequel je ne vitupère, ni ne loue absolument que l'on communie tous les jours; mais je laisse cela à la discrétion du père spirituel de celui qui se voudra résoudre sur ce point; car la disposition requise pour une si fréquente communion devant être fort exquise, il n'est pas bon de la conseiller généralement. Et parce que cette disposition-là, quoique exquise, se peut trouver en plusieurs bonnes âmes, il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader généralement un chacun. Ainsi cela se doit traiter par la considération de l'état intérieur d'un chacun en particulier. Ce serait imprudence de conseiller indistinctement à un chacun cet usage si fréquent; mais ce serait aussi imprudence de blâmer aucun pour celui-ci, et surtout quand il suivrait l'avis de quelque digne directeu". La réponse de sainte Catherine de Sienne fut gracieuse, quand lui étant opposé, à la raison de sa fréquente communion, que saint Augustin ne louait ni ne vitupérait de communier tous les jours. Eh bien, ditelle, puisque saint Augustin ne le vitupère pas, je vous prie que vous ne le vitupériez pas non plus; et je me contenterai.

Mais Philothée, vous voyez que saint Augustin exhorte et conseille bien fort que l'on communie tous les dimanches; faites-le donc tant qu'il vous sera possible, puisque, comme je présuppose, vous n'avez nulle sorte d'affection au péché mortel, ni aucune affection au péché véniel. Vous êtes en la vraie disposition que saint Augustin requiert, et encore plus excellente, parce que non-seulement vous n'a

vez pas l'affection de pécher, mais vous n'avez pas même l'affection du péché. Si bien que, quand votre père spirituel le trouverait bon, vous pourriez utilement communier encore plus souvent que tous les dimanches.

Plusieurs légitimes empêchements peuvent néanmoins vous arriver, non point de votre côté, mais de la part de ceux avec lesquels vous vivez, qui donneraient occasion au sage conducteur de vous dire que vous ne communiiez pas si souvent. Par exemple, si vous êtes en quelque sorte de sujétion, et que ceux à qui vous devez de l'obéissance ou de la révérence soient si mal instruits ou si bizarres qu'ils s'inquiètent et troublent de vous voir si souvent communier, à l'aventure, toutes choses considérées, sera-t-il bon de condescendre en quelque sorte à leur infirmité, et ne communier que de quinze jours en quinze jours; mais cela s'entend en cas qu'on ne puisse aucunement vaincre la difficulté. On ne peut pas bien arrêter ceci en général; il faut faire ce que le père spirituel dira, bien que je puisse dire assurément que la plus grande distance des communions est celle de mois à mois, entre ceux qui veulent servir Dieu dévotement.

Si vous êtes bien prudente, il n'y a ni père, ni mère, ni mari, ni femme, qui vous empêche de communier souvent. Car, puisque le jour de votre communion vous ne laisserez pas d'avoir le soin qui est convenable à votre condition, que vous en serez plus douce et plus gracieuse en leur endroit et que vous ne leur refuserez nulle sorte de devoirs, il n'y a pas d'apparence qu'ils veuillent vous détourner de cet exercice, qui ne leur apportera aucune incommodité, sinon qu'ils fussent d'un esprit extrêmement coquilleux et déraisonnable. En ce cas, comme j'ai dit, à l'aventure que votre directeur voudra que vous usiez de condescendance.

Il faut que je dise ce mot pour les gens mariés. Dieu trouvait mauvais, en l'ancienne loi, que les créanciers fissent exaction de ce qu'on leur devait les jours de fête ; mais il

« PrécédentContinuer »