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sit si heureusement, qu'enfin ils furent tous sept très-saints. Mais les enfants étant venus au monde et commençant à se servir de la raison, les pères et mères doivent avoir un grand soin de leur imprimer la crainte de Dieu au cœur. La bonne reine Blanche fit ardemment cet office à l'endroit du roi saint Louis, son fils, car elle disait souventes fois : « J'ai» merais mieux, mon cher enfant, vous voir mourir de>> vant mes yeux, que de vous voir commettre un seul péché » mortel. » Ce qui demeura tellement gravé en l'âme de ce saint fils, que, comme lui-même racontait, il ne fût jour de sa vie, auquel il ne lui en souvînt, mettant peine tant qu'il lui était possible de bien garder cette divine doctrine. Certes, les races et générations sont appelées en notre langage maisons, et les Hébreux mêmes appellent la génération des enfants, édification de maison. Car c'est en ce sens qu'il est dit, que Dieu édifia des maisons aux sages-femmes d'Égypte. Or, c'est pour montrer que ce n'est pas faire une bonne maison, de fourrer beaucoup de biens mondains en elle, mais de bien élever les enfants en la crainte de Dieu et en la vertu. En quoi on ne doit épargner aucune sorte de peine ni de travaux, puisque les enfants sont la couronne du père et de la mère.

Ainsi, sainte Monique combattit avec tant de ferveur et de constance les mauvaises inclinations de saint Augustin, que l'ayant suivi par mer et par terre, elle le rendit plus heureusement enfant de ses larmes, par la conversion de l'âme, qu'il n'avait été enfant de son sang par la génération de son corps.

Saint Paul laisse en partage aux femmes le soin de la maison; c'est pourquoi plusieurs ont cette véritable opinion, que leur dévotion est plus fructueuse à la famille que celle des maris, qui, ne faisant pas une si ordinaire résidence entre les domestiques, ne peuvent pas par conséquent les adresser si aisément à la vertu. A cette considération, Salomon, en ses proverbes, fait dépendre le bonheur de toute

la maison du soin et de l'industrie de cette femme forte qu'il décrit.

Il est dit dans la Genèse, qu'Isaac voyant sa femme Rébecca stérile, pria le Seigneur pour elle, ou selon l'Hébreu, il pria le Seigneur vis-à-vis d'elle, parce que l'un priait d'un côté de l'oratoire, et l'autre de l'autre; aussi l'oraison du mari faite en cette façon fut exaucée. C'est la plus grande et plus fructueuse union du mari et de la femme, que celle qui se fait en la sainte dévotion, à laquelle ils se doivent entreporter l'un l'autre à l'envi. Il y a des fruits, comme le coing, qui, pour l'âpreté de leur suc, ne sont guères agréables qu'en confiture. Il y en a d'autres qui, pour leur tendreté et délicatesse, ne peuvent durer s'ils ne sont aussi confits, comme les cerises et abricots. Ainsi, les femmes doivent souhaiter que leurs maris soient confits au suc de la dévotion. Car l'homme sans dévotion est un animal sévère, âpre et rude; et les maris doivent souhaiter que leurs femmes soient dévotes, car sans la dévotion la femme est grandement fragile et sujette à déchoir ou ternir en la vertu. Saint Paul a dit que « l'homme infidèle est sanctifié par la » femme fidèle, et la femme infidèle par l'homme fidèle ; » parce qu'en cette étroite alliance du mariage, l'un peut aisément tirer l'autre à la vertu. Mais quelle bénédiction estce, quand l'homme et la femme fidèles se sanctifient l'un l'autre en une vraie crainte du Seigneur!

Au demeurant, le support mutuel de l'un pour l'autre doit être si grand, que jamais tous deux ne soient courroucés ensemble et tout-à-coup, afin qu'entre eux il ne se voie de la dissension et du débat. Les mouches à miel ne peuvent s'arrêter en un lieu où les échos et retentissements ou redoublements de voix se font ; ni le Saint-Esprit, certes, en une maison en laquelle il y ait du débat, des répliques et redoublements, crieries et altercations.

Saint Grégoire de Nazianze témoigne que de son temps les mariés faisaient fête au jour anniversaire de leur ma

riage. Certes, j'approuverais que cette coutume s'introduisît, pourvu que ce ne fût point avec des appareils de récréations mondaines et sensuelles; mais que les maris et femmes, confessés et communiés en ce jour-là, recommandassent à Dieu, plus fervemment que d'ordinaire, le progrès de leur mariage, renouvelant les bons propos de se sanctifier de plus en plus, par une réciproque amitié et fidélité, et reprenant haleine en notre Seigneur, pour le support des charges de leur vocation.

CHAPITRE XXXVIII.

Avis pour les veuves.

Saint Paul instruit tous les prélats en la personne de son Timothée, disant: « Honore les veuves qui sont vraiment » veuves. » Or, pour être vraiment veuves, ces choses sont requises.

I°. Que non-seulement la veuve soit veuve de corps, mais aussi de cœur, c'est-à-dire, qu'elle soit résolue d'une résolution inviolable de se conserver en l'état d'une chaste viduité. Car les veuves, qui ne le sont qu'en attendant l'occasion de se remarier, ne sont séparées des hommes que selon la volupté du corps; mais elles sont déjà conjointes avec eux selon la volonté du cœur. Que la vraie veuve, pour se confirmer en l'état de viduité, veut offrir à Dieu en vœu son corps et sa chasteté, elle ajoutera un grand ornement à sa viduité et mettra en grande assurance sa résolution; car voyant qu'après le vœu il n'est plus en son pouvoir de quitter sa chasteté, sans quitter le paradis, elle sera si jalouse de son dessein, qu'elle ne permettra pas seulement aux plus simples pensées du mariage d'arrêter en son cœur un seul moment, si bien que ce vœu sacré mettra une forte barrière entre son âme et toutes sortes de projets contraires à sa résolution. Certes, saint Augustin conseille

extrêmement ce vou à la veuve chrétienne; et l'ancien et docte Origène passe bien plus avant, car il conseille aux femmes mariées de se vouer et destiner à la chasteté viduale, en cas que leurs maris viennent à trépasser devant elles, afin qu'entre les plaisirs sensuels qu'elles pourront avoir en leur mariage, elles puissent néanmoins jouir du mérite d'une chaste viduité, par le moyen de cette promesse anticipée. Le vœu rend les œuvres faites ensuite de celui-ci plus agréables à Dieu, fortifie le courage pour les faire, et ne donne pas seulement à Dieu les œuvres qui sont comme les fruits de notre bonne volonté, mais lui dédie encore la volonté même, qui est comme l'arbre de nos actions. Par la simple chasteté nous menons notre corps à Dieu, retenant pourtant la liberté de le soumettre d'autres fois aux plaisirs sensuels; mais par le vœu de chasteté nous lui en faisons un don absolu et irrévocable, sans nous réserver aucun pouvoir de nous en dédire, nous rendant ainsi heureusement esclaves de celui-ci, la servitude duquel est meilleure que toute royauté. Or, comme j'approuve infiniment les avis de ces deux grands personnages, aussi dési rerais-je que les âmes qui seront si heureuses que de les vouloir employer le fissent prudemment, saintement et solidement, ayant bien examiné leurs courages, invoqué l'inspiration céleste et pris le conseil de quelque sage et dévot directeur, car ainsi le tout se fera plus fructueusement.

Ilo. Outre cela, il faut que ce renoncement de secondes noces se fasse purement et simplement, pour avec plus de pureté contourner toutes ses affections en Dieu et joindre de toutes parts son cœur avec celui de sa divine Majesté; car si le désir de laisser les enfants riches, ou quelqu'autre sorte de prétention mondaine arrête la veuve en viduité, elle en aura peut-être de la louange, mais non pas certes devant Dieu, puisque devant Dieu rien ne peut avoir une véritable louange, que ce qui est fait pour Dieu.

III°. Il faut de plus que la veuve, pour être vraiment veu

soit séparée et volontairement destituée des contentements profanes. « La veuve qui vit en délices, dit saint « Paul, est morte en vivant. » Vouloir être veuve, et se plaire néanmoins d'être muguètée, caressée, cajolée; se vouloir trouver aux bals, aux danses et aux festins; vouloir être parfumée, attifée et mignardée, c'est être une veuve vivante au corps, mais morte quant à l'âme. Qu'importe-il, je vous prie, que l'enseigne du logis d'Adonis et de l'amour profane soit fait d'aigrettes blanches perchées en guise de panache, ou d'un crêpe étendu en guise de rets tout autour du visage? Souvent même le noir est mis avec davantage de vanité sur le blanc, pour en rehausser la couleur; et la veuve ayant fait essai de la façon avec laquelle les femmes peuvent plaire aux hommes, jette de plus dangereuses amorces dans leurs esprits. La veuve donc qui vit en ces folles délices vivante est morte, et n'est à proprement parler, qu'une idole de viduité.

« Le temps de retrancher est venu, la voix de la tourte» relle a été ouïe en notre terre, » dit le Cantique; le retranchement des superfluités mondaines est requis, à quiconque veut vivre pieusement; mais il est surtout nécessaire à la vraie veuve, qui, comme une chaste tourterelle, vient tout fraîchement déplorer, gémir, et lamenter la perte de son mari. Quand Noémi revint de Moab en Bethleem, les femmes de la ville qui l'avaient connue au commencement de son mariage s'entre-disaient l'une à l'autre : N'est-ce point ici Noémi? Mais elle répondit: Ne m'appelez point je vous prie, Noémi (car Noémi veut dire gracieuse et belle); mais appelez-moi Mara, car le Seigneur a rempli mon âme d'amertume. Ce qu'elle disait, d'autant que son mari lui était mort; ainsi la veuve dévote ne veut jamais être appelée et estimée ni belle, 'ni gracieuse, se contentant d'être ce que Dieu veut qu'elle soit, c'est-à-dire, humble et abjecte à ses yeux.

Les lampes desquelles l'huile est aromatique jettent une

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