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marqués ci-dessus; et outre cela il doit plusieurs fois considérer son état, le redresser et accommoder, et enfin, au moins une fois l'année, il doit démonter et regarder par le menu toutes les pièces, c'est-à-dire, toutes les affections et passions de celui-ci, afin de réparer tous les défauts qui y peuvent être. Et comme l'horloger oint avec quelque huile délicate, afin que les mouvements se fassent plus doucement et qu'ils soient moins sujets à la rouillure, ainsi la personne dévote, après la pratique de ce démontement de son cœur, pour le bien renouveler, le doit oindre par les sacrements de la confession et de l'eucharistie; cet exercice réparera vos forces abattues par le temps, échauffera votre cœur, fera reverdir vos propos et refleurir les vertus de votre esprit.

Les anciens chrétiens le pratiquaient soigneusement au jour anniversaire du baptême de notre Seigneur, auquel, comme dit saint Grégoire, évêque de Nazianze, ils renouvelaient la profession et les protestations qui se font en ce sacrement. Faisons-en de même, ma chère Philothée, nous y disposant très-volontiers et nous y employant fort sérieusement.

Ayant donc choisi le temps convenable, selon l'avis de votre père spirituel, et vous étant un peu plus retirée en la solitude, et spirituelle et réelle, que d'ordinaire, vous ferez une ou deux, ou trois méditations sur les points suivants, selon la méthode que je vous ai donnée en la seconde partie.

CHAPITRE II.

Considération sur le bénéfice que Dieu nous fait, nous appelant à son service, selon la protestation mise en la première partie.

I. Considérez les points de votre protestation; le premier, c'est d'avoir quitté, rejeté, détesté, renoncé pour jamais

tout péché mortel; le second, c'est d'avoir dédié et consacré votre âme, votre cœur, votre corps, avec tout ce qui en dépend, à l'amour et service de Dieu; le troisième, c'est que, s'il vous arrivait de tomber en quelque mauvaise action, vous vous en releviez soudainement, moyennant la grâce de Dieu. Mais ne sont-ce pas là de belles, justes, dignes et généreuses résolutions? Pensez bien en votre âme combien cette protestation est sainte, raisonnable et désirable.

II. Considérez à qui vous avez fait cette protestation, car c'est à Dieu. Si les paroles raisonnables données aux hommes nous obligent étroitement, combien plus celles que nous avons données à Dieu? « Ah! Seigneur, disait David, » c'est à vous que mon cœur l'a dit; mon cœur a projeté » cette bonne parole; jamais je ne l'oublierai. »

III. Considérez en présence de qui, car ç'a été à la vue de toute la cour céleste. Hélas! la sainte Vierge, saint Joseph, votre bon ange, saint Louis, toute cette bénite troupe vous regardait et soupirait sur vos paroles des soupirs de joie et d'approbation, et voyait, des yeux d'un amour indicible, votre cœur prosterné aux pieds du Sauveur, qui se consacrait à son service. On fit une joie particulière pour cela parmi la Jérusalem céleste, et maintenant on en fera la commémoration, si de bon cœur vous renouvelez vos résolutions.

IV. Considérez par quels moyens vous fites votre protestation. Hélas! combien Dieu vous fut doux et gracieux en ce temps-là. Mais dites, en vérité, ne fûtes-vous pas conviée par de doux attraits du Saint-Esprit? Les cordes avec lesquelles Dieu tira votre petite barque à ce port salutaire ne furent-elles pas d'amour et charité? Comment vous alla-t-il amorçant avec son sucre divin? Par les sacrements, par la lecture, par l'oraison, Hélas! chère Philothée, vous dormiez, et Dieu veillait sur vous et pensait sur votre cœur des pensées de paix; il méditait pour vous des méditations d'amour.

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V. Considérez en quel temps Dieu vous tira à ces grandes résolutions; car ce fut en la fleur de votre âge. Ah! quel bonheur d'apprendre tôt ce que nous ne pouvons savoir que trop tard. Saint Augustin ayant été tiré à l'âge de trente ans s'écriait : « O ancienne beauté, comment t'ai-je si tard » connue? Hélas! je te voyais et ne te considérais point. Et vous pourrez bien dire : O douceur ancienne, pourquoi ne t'ai-je plus tôt savourée? Hélas, néanmoins encore ne le méritiez-vous pas alors; et partant, reconnaissant quelle grâce Dieu vous a faite de vous attirer en votre jeunesse, dites avec David: « O mon Dieu, vous m'avez éclairée et >> touchée dès ma jeunesse; jusqu'à jamais j'annoncerai >> votre miséricorde. » Que si ç'a été en votre vieillesse hélas! Philothée, quelle grâce, qu'après avoir ainsi abusé des années précédentes, Dieu vous ait appelée avant la mort, et qu'il ait arrêté la course de votre misère, au temps auquel si elle eût continué, vous étiez éternellement misérable.

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Considérez les effets de cette vocation, vous trouverez, je pense, en vous de bons changements, comparant ce que vous êtes avec ce que vous étiez. Ne prenez-vous point à bonheur, de savoir parler à Dieu par l'oraison? d'avoir affection à le vouloir aimer? d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquiétaient? d'avoir évité plusieurs péchés et embarras de conscience? et enfin, d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussiez pas fait, vous unissant à cette souveraine source de grâces éternelles? Ah! que ces grâces sont grandes ! Il faut, ma Philothée, les peser au poids du sanctuaire; c'est la main dextre de Dieu qui a fait tout cela. « La bonne main de » Dieu, dit David, a fait vertu : sa dextre m'a relevé. Ah!

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je ne mourrai pas, mais je vivrai et raconterai de cœur, » de bouche et par ceuvres, les merveilles de sa bonté. » Après toutes ces considérations, lesquelles, comme vous voyez, fournissent tout plein de bonnes affections, il faut simplement conclure par l'action de grâces, et une prière

affectionnée d'en bien profiter, se retirant avec humilité et grande confiance en Dieu, réservant de faire l'effort des résolutions après le deuxième point de cet exercice.

CHAPITRE III.

De l'examen de notre âme, sur son avancement en la vie
dévote.

Ce second point de l'exercice est un peu long, et pour le pratiquer, je vous dirai qu'il n'est pas requis que vous le fassiez tout d'une traite, mais à plusieurs fois; comme prenant ce qui regarde votre déportement envers Dieu pour un coup; ce qui vous regarde vous-même pour l'autre; ce qui concerne le prochain pour l'autre ; et la considération des passions pour le quatrième. Il n'est pas requis ni expédient que vous le fassiez à genoux, sinon le commencement et la fin, qui comprend les affections. Les autres points de l'examen, vous les pouvez faire utilement en vous promenant, et encore plus utilement au lit, si par aventure vous y pouvez être quelque temps sans assoupissement et bien éveillée; mais pour ce faire, il faut les avoir bien lus auparavant. Il est néanmoins requis de faire ce second point en trois jours et deux nuits pour le plus, prenant de chaque jour et de chaque nuit quelque heure, je veux dire quelque temps, selon que vous pourrez. Car si cet exercice ne se faisait qu'en des temps fort distants les uns des autres, il perdrait sa force et donnerait des impressions trop lâches. Après chaque point de l'examen, vous remarquerez en quoi vous vous trouverez avoir manqué, et en quoi vous avez du défaut, et quels principaux détraquements vous avez ressentis, afin de vous en déclarer pour prendre conseil, résolution et confortement d'esprit. Bien qu'aux jours que vous ferez cet exercice et les autres, il ne soit pas requis de faireabsolue retraite des conversations, pourtant

faut-il en faire un peu, surtout vers le soir, afin que vous puissiez gagner le lit de meilleure heure et prendre le repos du corps et de l'esprit, nécessaire à la considération. Et parmi le jour, il faut faire de fréquentes aspirations à Dieu, à Notre-Dame, aux Anges, à toute la Jérusalem céleste; il faut encore que le tout se fasse d'un cœur amoureux de Dieu et de la perfection de votre âme. Pour donc bien commencer cet examen :

I. Mettez-vous en la présence de Dieu;

II. Invoquez le Saint-Esprit, lui demandant lumière et clarté, afin que vous puissiez bien connaître, avec saint Augustin, qui s'écriait devant Dieu en esprit d'humilité : «< O Seigneur, que je vous connaisse et que je me con»> naisse! » Et saint François qui interrogeait Dieu, disant : « Qui êtes-vous, et qui suis-je?» Protestez de ne vouloir remarquer votre avancement pour vous en réjouir en vousmême, mais pour vous réjouir en Dieu; ni pour vous en glorifier, mais pour glorifier Dieu et l'en remercier.

Protestez que si, comme vous pensez, vous découvrez d'avoir peu profité, ou bien d'avoir reculé, vous ne voulez nullement pour tout cela vous abattre, ni refroidir par aucune sorte de découragement ou relâchement de cœur; mais qu'au contraire vous voulez vous encourager et animer davantage, vous humilier et remédier aux défauts, moyennant la grâce de Dieu.

Cela fait, considérez doucement et tranquillement, comme jusqu'à l'heure présente vous vous êtes comportée envers Dieu, envers le prochain, et à l'endroit de vous-même.

CHAPITRE IV.

Examen de l'état de notre âme envers Dieu.

I. Quel est votre cœur contre le péché mortel? Avez-vous une résolution forte à ne le jamais commettre pour quelque

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