chose qui puisse arriver? Et cette résolution a-t-elle duré dès votre protestation jusqu'à présent? En cette résolution consiste le fondement de la vie spirituelle. II. Quel est votre cœur à l'endroit des commandements de Dieu? Les trouvez-vous bons, doux, agréables? Ah! ma fille, qui a le goût en bon état et l'estomac sain, aime les bonnes viandes et rejette les mauvaises. III. Quel est votre cœur à l'endroit des péchés véniels? On ne saurait se garder d'en faire quelqu'un par-ci, par-là : mais y en a-t-il point auquel vous ayez une spéciale inclination? et, ce qui serait le pis, y en a-t-il point auquel vous ayez affection et amour? IV. Quel est votre cœur à l'endroit des exercices spirituels? Les aimez-vous? les estimez-vous? vous fàchent-ils point? en êtes-vous point dégoûtée? auquel vous vous sentez plus ou moins inclinée? ouïr la parole de Dieu, la lire, en deviser, méditer, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les avis spirituels, s'apprêter à la communion, se communier, restreindre ses affections, qu'y a-t-il en cela qui répugne à votre cœur? Et si vous trouvez quelque chose à quoi ce cœur ait moins d'inclination, examinez d'où vient ce dégoût qu'est-ce qui en est la cause? V. Quel est votre cœur à l'endroit de Dieu même ? Votre cœur se plaît-il à se ressouvenir de Dieu? n'en ressent-il point de douceur agréable? « Ah! dit David, je me suis >> ressouvenu de Dieu, et m'en suis délecté. » Sentez-vous en votre cœur une certaine facilité à l'aimer, et un goût particulier à savourer cet amour? Votre cœur se recrée-t-il point à penser à l'immensité de Dieu, à sa bonté, à sa suavité? Si le souvenir de Dieu vous arrive parmi les occupations du monde et les vanités, ne se fait-il point faire place? ne saisit-il point votre cœur? ne vous semble-t-il point que votre cœur se tourne de son côté, et en certaine façon lui va au devant? Il y a certes des âmes comme cela. VI. Si le mari d'une femme revient de loin, tout aussitôt que cette femme s'aperçoit de son retour et qu'elle 'sent sa voix, quoiqu'elle soit embarrassée d'affaires, et retenue par quelque violente considération dans la presse, néanmoins son cœur n'est pas retenu; mais elle abandonne les autres pensées pour penser à ce mari venu. Il en prend de même aux âmes qui aiment bien Dieu; quoiqu'elles soient empressées, quand le souvenir de Dieu s'approche d'elles, elles perdent presque contenance à tout le reste, pour l'aise qu'elles ont de voir ce cher souvenir revenu, et c'est un extrêmement bon signe. VII. Quel est votre cœur à l'endroit de Jésus-Christ, Dieu et homme? Vous plaisez-vous autour de lui? les mouches à miel se plaisent autour de leur miel, et les guêpes autour des puanteurs ainsi les bonnes âmes prennent leur contentement autour de Jésus-Christ, et ont une extrême tendreté d'amour en son endroit ; mais les mauvais se plaisent autour des vanités. VIII. Quel est votre cœur à l'endroit de Notre-Dame, des saints, et de votre bon ange? Les aimez-vous fort? avez-vous une spéciale confiance en leur bienveillance? leurs images, leurs vies, leurs louanges vous plaisent-elles? IX. Quant à votre langue, comme parlez-vous de Dieu? Vous plaisez-vous d'en dire du bien selon votre condition et suffisance? Aimez-vous à chanter les cantiques? X. Quant aux œuvres, pensez si vous avez à cœur la gloire extérieure de Dieu, et de faire quelque chose à son honneur; car ceux qui aiment Dieu, aiment avec David l'ornement de sa maison. Sauriez-vous remarquer d'avoir quitté quelque affection, et renoncé à quelque chose pour Dieu? car c'est un bon signe d'amour, de se priver de quelque chose en faveur de celui qu'on aime. Qu'avez-vous donc ci-devant quitté pour l'amour de Dieu ? CHAPITRE V. Examen de votre état envers vous-même. I. Comme vous aimez-vous vous-même? Ne vous aimezvous point trop pour ce monde? Si cela est, vous désirez de demeurer toujours ici, et aurez un extrême soin de vous établir en cette terre ; mais si vous vous aimez pour le ciel, vous désirerez, au moins acquiescerez aisément, de sortir d'ici bas à l'heure qu'il plaira à notre Seigneur. II. Tenez-vous bon ordre en l'amour de vous-même? Car il n'y a que l'amour désordonné de nous-mêmes qui nous ruine. Or l'amour ordonné veut que nous aimions plus l'âme que le corps, que nous ayons plus de soin d'acquérir les vertus que toute autre chose, que nous tenions plus de compte de l'honneur céleste, que de l'honneur bas et caduque. Le cœur bien ordonné dit plus souvent en soimême: Que diront les anges, si je pense à telle chose; que non pas Que diront les hommes? III. Quel amour avez-vous à votre cœur? Ne vous fâchezvous point de le servir en ses maladies? hélas! vous lui devez ce soin de le secourir et faire secourir quand ses passions le tourmentent, et laisser toutes choses pour cela. IV.Que vous estimez-vous devant Dieu? Rien sans doute; or, il n'y a pas grande humilité en une mouche de ne s'estimer rien au prix d'une montagne, ni en une goutte d'eau de se tenir pour rien en comparaison de la mer, ni à une bluette ou étincelle de feu, de se tenir pour rien au prix du soleil; mais l'humilité gît à ne point nous sur-estimer aux autres, et à ne vouloir pas être sur-estimées par les autres. A quoi en êtes-vous pour ce regard? V. Quant à la langue, ne vous vantez-vous point ou d'un biais, ou d'un autre? ne vous flattez-vous point en parlant de vous? VI. Quant aux œuvres, ne prenez-vous point de plaisir contraire à votre santé? je veux dire, de plaisir vain, inutile, trop de veillées sans sujet, et autres semblables. CHAPITRE VI. Examen de l'état de notre âme envers le prochain. Il faut bien aimer le mari et la femme d'un amour doux et tranquille, ferme et continuel, et que ce soit en premier lieu parce que Dieu l'ordonne et le veut. J'en dis de même des enfants et proches parents, et encore des amis, chacun selon son rang. Mais pour parler en général, quel est votre cœur à l'endroit du prochain? L'aimez-vous bien cordialement, et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien représenter certaines gens ennuyeux et maussades: car c'est là qu'on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effet, ou par paroles. Examinez bien si votre cœur est franc en leur endroit, et si vous avez grande contradiction à les aimer. N'êtes-vous point prompte à parler du prochain en mauvaise part? surtout de ceux qui ne vous aiment pas? Ne faites-vous point de mal au prochain ou directement ou indirectement? Pour peu que vous soyez raisonnable, vous vous en apercevrez aisément. CHAPITRE VII. Examen sur les affections de notre âme. J'ai étendu ainsi au long ces points, en l'examen desquels gît la connaissance de l'avancement spirituel qu'on a fait. Car, quant à l'examen des péchés, cela est pour les confessions de ceux qui ne pensent point à s'avancer. Or, il ne faut néanmoins pas se travailler sur un chacun de ces articles, sinon tout doucement, considérant en quel état notre cœur a été touchant ceux-ci, dès notre résolution, et quelles fautes notables nous y avons commises. Mais pour abréger le tout, il faut réduire l'examen à la recherche de nos passions, et s'il nous fâche de considérer si fort par le menu comme il a été dit, nous pouvons ainsi nous examiner quels nous avons été et comme nous nous sommes comportés : En notre amour envers Dieu, envers le prochain, envers nous-mêmes. En notre haine envers le péché qui se trouve en nous; envers le péché qui se trouve dans les autres, car nous devons désirer l'exterminement de l'un et de l'autre. En nos désirs touchant les biens, touchant les plaisirs, touchant les honneurs. En la crainte des dangers de pécher et des pertes des biens de ce monde; on craint trop l'un et trop peu l'autre. En espérance trop misc, peut-être, au monde et en la créature, et trop peu mise en Dieu et dans les choses éternelles. En la tristesse, si elle est trop excessive pour choses vaines. En la joie, si elle est excessive et pour choses indignes. Quelles affections enfin tiennent notre cœur empêché? Quelles passions le possèdent? En quoi s'est-il principalement détraqué? Car par les passions de l'âme on reconnaît son état en les tâtant l'une après l'autre ; d'autant que, comme un joueur de luth, pinçant toutes les cordes, celles qu'il trouve dissonnantes il les accorde, ou les tirant, ou les lâchant, ainsi, après avoir tâté l'amour, la haine, le desir, la crainte, l'espérance, la tristesse et la joie de notre âme, si nous les |