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partie toute nouvelle, relative à l'extension de la compétence pénale

des juges de paix.

Longuement discutée à la Chambre, la proposition fut finalement adoptée le 9 février 1904.

Transmise aussitôt au Sénat, elle y fut votée le 24 mars 1905, mais la haute Assemblée en, disjoignit toute la partie qui organisait la compétence pénale.

La Chambre vota définitivement, le 27 juin, le texte adopté par le Sénat, qui est ainsi devenu la loi du 12 juillet 1905.

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Économie de la nouvelle loi. Comme l'indique son titre, la loi nouvelle ne se borne pas à modifier et étendre la compétence civile du juge de paix elle est aussi une loi de réorganisation de l'institution, puisque, dans le titre II, elle fixe le nombre de ces magistrats, leur traitement et les conditions nouvelles exigées pour leur nomination.

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I. COMPETENCE CIVILE. - Le taux de la compétence générale des juges de paix, pour les actions purement personnelles et mobilières, est fixé à 300 francs en dernier ressort et à 600 francs à charge d'appel (art. 1er) (1). Le texte de l'article 2, qui est relatif aux contestations entre hôteliers et aubergistes et les voyageurs ou locataires, entre les voyageurs et les entrepreneurs de transports, les carrossiers ou autres ouvriers, etc., ne diffère de l'article 2 de la loi de 1838 que par l'élévation à 300 francs du taux de compétence sans appel et par l'addition du paragraphe 4 concernant les contestations à l'occasion des correspondances et objets recommandés et des envois de valeur déclarée, grevés ou non de remboursement.

Dans l'article 3, qui vise les actions relatives aux loyers et fermages, congés, résiliations de baux, expulsions de lieux, etc., le taux de compétence du dernier ressort est également porté de 100 francs à 300 francs et le prix de location, qui est la limite de la compétence, fixé à 600 francs, au lieu de 200 et 400 francs, comme le portait la loi de 1838.

L'article reproduit l'ancien texte du même article de la loi de 1838 et du paragraphe 2 de l'ancien article 5, en élevant à 300 francs, au lieu de 100 francs, la compétence en matière de réparations locatives, d'indemnités réclamées par le locataire ou fermier pour non-jouis

sance, etc.

L'article 5 fixe également à 300 francs en dernier ressort et, en premier ressort, a quelque valeur que la demande puisse s'élever, la compétence pour les contestations relatives aux engagements respectifs des gens de travail et de ceux qui les emploient; des maitres, domestiques ou gens de service à gages; des maîtres ou patrons et de leurs ouvriers

(1) Le premier projet voté par la Chambre des députés élevait à 1.500 francs le chiffre de la compétence à charge d'appel.

ou apprentis; pour les contestations relatives au payement des nourrices.

Le même taux de compétence est déterminé par l'article 6 pour les actions relatives aux dommages faits aux champs, fruits et récoltes, pour les actions relatives à l'élagage des arbres et haies, au curage des fossés, etc.; pour les actions civiles pour diffamations ou injures publiques et non publiques; pour les mêmes actions, pour rixes et voies de fait, etc.; pour toutes les demandes relatives aux vices rédhibitoires, dans les cas prévus par la loi du 2 août 1884; pour les contestations entre les compagnies de chemins fer ou autres transporteurs et les expéditeurs ou destinataires, relatives à l'indemnité en cas de perte, d'avarie ou de détournement d'un colis postal.

L'article 7 élève à 600 francs, au lieu de 150 francs, la compétence, en premier ressort, des juges de paix pour les demandes en pension alimentaire fondées sur les articles 205 et suivants du Code civil.

Il donne connaissance au juge de paix, à charge d'appel, comme l'ancien article 6 de la loi de 1838 :

1o Des entreprises commises dans l'année sur les cours d'eau servant à l'irrigation des propriétés et au mouvement des usines; dénonciations de nouvelle oeuvre, complaintes, actions en réintégrande et autres actions possessoires fondées sur des faits également commis dans l'année ;

2o Des actions en bornage et de celles relatives à la distance de plantation des arbres et haies, lorsque les titres de propriété ne sont pas. contestés;

30 Des actions relatives aux constructions et travaux énoncés dans l'article 674 du Code civil, lorsque la propriété ou la mitoyenneté ne sont pas contestées;

40 Des demandes en payement des droits de place perçus par les communes ou leurs concessionnaires, lorsqu'il n'y a pas de contestation sur le règlement qui est la base de la demande.

L'article 8 de la loi nouvelle dispose que, lorsque plusieurs demandes formulées par la même partie contre le même défendeur seront réunies dans la même instance, le juge de paix ne pourra prononcer qu'en prenier ressort, si leur valeur totale s'élève au-dessus de 300 francs. (Le taux était de 100 francs sous la loi de 1838.)

L'article 9 fixe également à 300 francs le taux de compétence, en dermier ressort, pour les demandes formées par plusieurs demandeurs contre plusieurs défendeurs collectivement et en vertu d'un titre commun, si la part afférente à chacun des demandeurs n'est pas supérieure à cette somme.

Les articles 10 et 11 déterminent la compétence en matière de demandes reconventionnelles ou en compensation.

Les articles 12, 13 et 14 donnent compétence au juge de paix pour les actions en validité et en nullité d'offres réelles, en validité, nullité et mainlevée de saisies sur débiteurs forains, en validité, nullité et

mainlevée de saisies-arrêts et oppositions (autres que celles concernant l'enregistrement et les contributions indirectes), lorsque les causes n'excèdent pas les limites de leur compétence.

L'article 15 donne compétence exclusive au juge de paix pour procéder, à défaut d'accord entre les créanciers opposants et le saisi, à la distribution par contribution de toute somme saisie qui n'excède pas 600 francs en principal.

L'article 16 concède au juge de paix le droit d'autoriser une femme mariée à ester en jugement devant son tribunal, en cas de refus du mari, et les mineurs dans les cas prévus par l'article 5 de la loi.

Enfin, l'article 17 donne connaissance au juge de paix des actions en payement des frais faits ou exposés devant eux,

II. ORGANISATION DES JUSTICES DE PAIX. Le titre II de la loi est consacré à l'organisation des justices de paix; c'est l'œuvre de la commission de réforme judiciaire de la Chambre des députés.

Comme la loi du 24 août 1790, la loi du 12 juillet 1905 décide qu'il doit y avoir un juge de paix et deux suppléants par canton, même dans le département de la Seine, où plusieurs cantons fort populeux en étaient dépourvus (1) (art. 18).

Toutefois, la réunion de deux ou plusieurs justices de paix sous la juridiction d'un seul magistrat peut, en vertu de l'article 41 de la loi de finances du 26 février 1901, être autorisée dans les communes divisées en plusieurs cantons.

La ville de Paris échappe, cependant, à la règle maintenue par l'article 18; elle est divisée en vingt arrondissements et c'est dans chaque arrondissement qu'est instituée une justice de paix. En outre, et en plus des vingt juges de paix, la loi crée deux juges de paix exclusivement chargés d'assurer, avec des suppléants, le service du tribunal de simple police de Paris. Auparavant, ce service était fait, à tour de rôle, par chacun des vingt juges de paix d'arrondissement. Cette innovation aura pour avantage, comme le disait avec raison le garde des sceaux, de décharger ces vingt juges de paix, très occupés, d'un surcroît de travail fort lourd et de constituer, en matière de simple police, une unité de jurisprudence très désirable et qui était loin d'exister sous la législation précédente.

Nomination des juges de paix. La loi nouvelle augmentant sensiblement la compétence des juges de paix, il ne pouvait plus suffire, pour être juge de paix, d'être, comme le demandait Thouret, « un homme de

(1) Avant la loi du 12 juillet 1903, un certain nombre de cantons n'avaient pas de juges de paix: Vichy (réuni à Cusset); Biarritz (rattaché à Bayonne); Sotteville-les-Rouen (réuni à Grand-Couronne), et dans le département de la Seine Asnières, Aubervilliers, Boulogne, Clichy, Levallois-Perret, Noisy-leSec, Puteaux, Saint-Ouen, Ivry, Montreuil, Nogent-sur-Marne, Saint-Maur, Vanves.

cœur ayant quelque peu d'expérience et d'usage ». Il était nécessaire, en raison des questions nombreuses et délicates qui se présentent chaque jour à l'audience, que le magistrat cantonal, juge unique,« se recom«mandât à la confiance de ses justiciables non seulement par son carac«<tère et l'honorabilité de sa vie, mais aussi par l'autorité que donnent « une capacité éprouvée et une indépendance garantie » (1).

Aussi la Chambre des députés a-t-elle énergiquement voulu que la loi, étendant la compétence des juges de paix, exigeât en même temps de ces magistrats certaines conditions de capacité et leur accordât, en retour, un traitement plus élevé.

La loi du 24 août 179) et la constitution du 5 fructidor an III avaient fixé à trente ans l'âge requis pour être nommé juge de paix. La loi du 12 juillet 1905 a réduit à vingt-sept ans l'âge exigé du candidat à ces fonctions et à celles de suppléant.

Mais aucune limite d'âge n'a été imposée et les juges de paix ne peuvent être mis à la retraite à soixante-dix ans, comme les magistrals de première instance et d'appel.

Les personnes qui doivent être nommées juges de paix peuvent être divisées en trois catégories :

1o Les anciens juges de paix, sans qu'un nombre d'années d'exercice soit imposé;

2o Les candidats qui sont pourvus d'un diplôme, d'un brevet ou d'un certificat de capacité délivré par une Faculté de droit et qui justifient, en outre, du stage prescrit par les deux premiers paragraphes de l'article 19, ou de l'exercice de fonctions publiques;

3o Les candidats qui, à défaut de diplôme, de breve! ou de certificat de capacité, ont acquis l'expérience et la pratique des affaires par l'exercice de certaines professions pendant dix ans (2).

Traitements. La nouvelle loi ramène à quatre, au lieu de neuf, les classes des justices de paix, outre Paris qui est hors classe.

La première classe (traitement 5.000 francs) comprend les justices de paix des villes dont la population atteint 80.000 habitants.

La deuxième classe (traitement 3.500 francs) comprend les justices de paix des villes dont la population atteint 20.000 habitants.

La troisième classe (traitement de 3.000 francs) comprend les justices. de paix des chefs-lieux judiciaires ou administratifs dont la population est inférieure à 20.000 habitants, ou du canton dont la population totale dépasse 20.000 habitants.

(1) Cruppi, Commentaire de la loi, Introduction, p. 9.

(2) La Chambre des députés voulait exiger de tous les candidats de diplôme de licencié en droit ou tout au moins le certificat de capacité, indépendamment de l'exercice de certaines fonctions ou de stages. Le Sénat, cédant à des considérations étrangères à la bonne administration de la justice, a, d'une façon regrettable, trop élargi les cadres du recrutement, ce qui a soulevé, comme le fait remarquer M. Cruppi dans son rapport, de vives critiques au sein de la commission de la Chambre.

La quatrième classe comprend tous les autres cantons (traitement 2.500 francs).

Aux termes de l'article 25, après sept années passées dans la même classe, les juges de paix compris dans les deux dernières catégories, peuvent, par décret, être élevés sur place au traitement supérieur.

D'autres avantages ont été accordés aux juges de paix par la nouvelle loi.

Les juges de paix, pourvus du diplôme de licencié en droit, qui ont exercé leurs fonctions pendant deux ans, peuvent être nommés juges ou juges suppléants dans les tribunaux de première instance, même s'ils n'ont pas fait le stage d'avocat pendant deux ans (art. 22).

Les anciens juges de paix peuvent être nommés juges de paix honoraires, après vingt ans d'exercice comme suppléants ou titulaires, ou si des infirmités graves leur donnent des droits à la retraite (art. 23).

Enfin, les juges de paix ne peuvent être révoqués ni diminués de classe que sur l'avis d'une commission nommée par le garde des sceaux et après avoir été entendus, s'ils le demandent (art. 21). C'est là une garantie importante, qui assure désormais aux juges de paix une quasiinamovibilité.

Nous devons faire remarquer que la loi nouvelle n'a abrogé que les dix premiers articles de la loi du 25 mai 1838 et, par suite, les articles 11 à 20 restent en vigueur (1).

Compétence pénale.

Nous avons dit que le projet voté le 9 février 1904 par la Chambre des députés ne se bornait pas à étendre la compétence des juges de paix en matière civile; il admettait aussi, dans une certaine mesure, l'extension de leur compétence pénale. La commission des réformes judiciaires de la Chambre des députés l'avait approuvée. Elle avait considéré, dit M. Cruppi << que l'attribution au tribunal de

simple police de la connaissance de certains délits présentait un inté« rêt considérable pour les justiciables; le juge se trouvant placé plus « près du justiciable, une économie de temps en résulterait pour le << prévenu et les témoins; économie également très sensible sur le mon<«<tant des frais et qui profiterait non seulement aux parties, mais aussi « à l'État, qui, en raison de l'insolvabilité des condamnés, garde à sa « charge une part importante des frais de justice criminelle. Entin, il << avait paru à la commission que la condamnation devant le tribunal de « simple police était moins pénible, moins infamante que devant le tri<«<bunal correctionnel et que cette sorte d'atténuation dans la répression était désirable pour certaines infractions. >>

Cette solution, favorablement accueillie par l'opinion publique, avait

(1) En vertu d'une loi du 13 juillet 1905, toutes les procédures commencées avant la promulgation de la loi du 12 juillet sont restées soumises, pour la compétence et les degrés de juridiction, aux dispositions des lois antérieures.

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