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XXIII.

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LOI DU 13 JUILLET 1903, DÉCIDANT QUE, LORSQUE LES FÊTES LÉGALES
TOMBERONT UN VENDREDI, AUCUN PAYEMENT
NE SERA EXIGÉ NI
AUCUN PROTET NE SERA DRESSÉ LE LENDEMAIN DE CES FÊTES ;
LORSQU'ELLES TOMBERONT LE MARDI,
EXIGÉ, NI AUCUN PROTET NE SERA DRESSÉ LA VEILLE DE CES
FÊTES (1).

AUCUN PAYEMENT NE SERA

Notice par M. A. CHAUMAT, docteur en droit, avocat à la cour d'appel de Paris

Dans la séance de la Chambre des députés du 10 juillet 1905, M. Albert Congy, député, a déposé une proposition de loi tendant à faire décider qu'aucun payement sur effet, mandat, chèque, compte courant, dépôt de fonds ou de titres ou autrement, ne pourrait être exigé, ni aucun protêt dressé les 2 janvier, 15 juillet, 2 novembre, 26 décembre, lorsque ces jours tomberaient un samedi, et le 14 août, lorsqu'il tomberait un lundi.

M. Congy justifiait sa proposition de loi, pour laquelle il demandait, d'accord avec le ministre du commerce, la déclaration d'urgence, en expliquant que beaucoup de maisons de commerce, d'industriels et d'administrations publiques ou privées avaient le plus vif désir de donner congé à leur personnel la veille ou le lendemain des fêtes légales, lorsqu'un seul jour ouvrable sépare le dimanche de ces fêtes légales; le congé n'est possible que si ces divers établissements ne sont pas astreints à faire des payements ces jours-là et, par suite, à rester ouverts au public.

M. Congy ajoutait que sa proposition de loi procédait du même. esprit que la loi votée par la Chambre et le Sénat le 23 décembre 1904 (2) et était formulée exactement dans les mêmes termes que cette loi.

L'urgence ayant été votée, la proposition de loi a été rapportée par M. Cruppi et adoptée sans discussion dans la même séance du 10 juillet 1905.

Transmise au Sénat, la proposition de loi a été votée par cette assemblée, dans la séance du 13 juillet 1905, également sans discussion et conformément aux conclusions du rapporteur de la commission, M. Beaupin, sénateur.

(1) J. Off. du 14 juillet 1905. TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Chambre lecture de la proposition de loi et du rapport, urgence, adoption, 10 juillet 1903. Sénat: texte transmis, doc. 1905, p. 573; rapport, p. 588; urgence, adoption, 13 juillet 1905.

(2) V. Annuaire de législ. étrang. de 1903 (lois de 1904), p. 132.

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Art. 1er. Aucun payement d'aucune sorte sur effet, mandat, chèque, compte courant, dépôt de fonds ou de titres ou autrement ne peut être exigé ni aucun protêt dressé les 2 janvier, 15 juillet, 2 novembre, 26 décembre, lorsque ces jours tombent un samedi, et le 14 août, lorsqu'il tombe un lundi.

Dans ce cas, le protêt des effets impayés le samedi ou le lundi précédent, ne pouvant être fait que le lundi ou le mercredi suivant, conservera néanmoins toute sa valeur à l'égard du tiré et des tiers, nonobstant toutes dispositions antérieures contraires. La présente loi est applicable à l'Algérie et aux

Art. 2. colonies.

XXIV.

LOI DU 14 JUILlet 1905,

RELATIVE A L'ASSISTANCE OBLIGATOIRE AUX VIEILLARDS, AUX INFIRMES ET AUX INCURABLES PRIVÉS DE RESSOURCES (1).

Notice et notes par M. A. MOURRAL, conseiller à la cour d'appel de Limoges.

La loi du 14 juillet 1903 est, incontestablement, avec celle relative à la séparation de l'Eglise et de l'État, la plus importante qui ait été votée au cours de cette année, importance qui tient tant au principe qu'elle a introduit dans notre législation qu'aux conséquences financières qu'elle doit entrainer.

Suite normale de celle du 15 juillet 1893, sur l'assistance médicale gratuite, elle fait partie de ce vaste programme de prévoyance sociale auquel nous devons déjà la législation protectrice de l'enfance (2), ainsi

(1) J. Off., des 15 et 16 juillet 1903.

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TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Chambre 22 février 1895, proposition Rey et Lachièze, exposé des motifs, doc. 1895, p. 218; rapport Fleury-Ravarin, id., n° 1673. Sénal: 20 janvier 1898, proposition Strauss, exposé des motifs, doc. 1898, p. 9; rapport sommaire, id., p. 90; prise en considération, 24 février 1898. Chambre 1899, 2 proposition Rey et Lachièze, doc. 1899, p. 576; rapport Bienvenu Martin, 19 février 1900.- Chambre : 12 juin 1902, proposition Rey et Lachièze, doc. 1902, p. 506; 29 juin 1902, proposition Bienvenu Martin, id., p. 586; 28 novembre 1902, proposition Mirman, doc. 1902 (sess. extraord.), p. 406; avril 1903, rapport Bienvenu Martin, doc. 1903, p. 385 et 447; discuss., urgence déclarée, 27, 29, 30 mai, 4, 8, 9, 11 et 12 juin; adoption, 15 juin 1903. Sénat transmiss. 18 juin 1903, doc. 1903, p. 446; 26 novembre 1903, proposition Guyot, p. 559; 23 février 1904, rapport Strauss sur les deux propositions, doc. 1904, p. 41; avis de la commission des finances, p. 51; 1re délibération, 8, 9, 15 et 16 juin 1905; rapport supplémentaire, doc.. 1905, p. 520; 2o délibération et adoption, 6 et 7 juillet 1905. Chambre rapport Bienvenu Martin, 10 juillet 1905, doc. 1905, p. 798; adoption, 10 et 13 juillet 1905.

(2) Lois des 24 juillet 1889, 27 et 28 juin 1904. Annuaire de legisl. franç. 1905, p. 68 et 84.

que la réparation des accidents du travail et qui doit se continuer par la protection des mères et des nourrissons (1), et par l'organisation des retraites ouvrières. Elle constitue également une étape importante dans la solution du problème de la mendicité et du vagabondage que les progrès de la civilisation et notre organisation économique rendent de plus en plus aigu; criminalistes et sociologues sont en effet unanimes aujourd'hui pour reconnaître qu'en cette matière l'assistance et la répression doivent se prêter un mutuel appui; que pour réduire le nombre chaque jour grandissant des mendiants, il faut assurer des secours aux miséreux involontaires, aux invalides authentiques et réserver l'application des pénalités aux professionnels qui, pouvant travailler, mais ne le voulant pas, cherchent leur existence uniquement dans l'exploitation de la charité publique; que de plus, dans cette lutte, l'initiative privée étant impuissante à conjurer le mal, parce que le but à atteindre dépasse à la fois ses attributions et ses moyens, il faut recourir à l'intervention des pouvoirs publics.

Origines et précédents de la loi. L'obligation de l'assistance aux vieillards et aux infirmes n'est point une idée nouvelle; un canon célèbre du concile de Tours de 567 (2) avait en effet établi le double principe du domicile de secours et de l'assistance communale que Charlemagne rappela dans la suite dans plusieurs de ses capitulaires (3) et que consacrèrent enfin au xvi° siècle une notable partie des ordonnances de François Ier (4). Mais, en fait, ces édits paraissent avoir été plutôt des manifestations de façade que des réalités administratives; pendant tout l'ancien régime, en effet, les secours aux indigents, vieillards ou infirmes furent assurés par des institutions privées et autonomes (aumônes générales, communautés, bureaux des pauvres, jurandes et maîtrises) au moyen de leurs propres ressources, en dehors de toute participation officielle de l'Etat ou des communes. Mais il y a lieu de remarquer, en outre, que cette assistance ne comportait aucune distinction entre les individus à secourir, que de plus elle n'avait aucun caractère obligatoire, ne créait aucun droit à l'assisté et n'était de la part de l'assistant que l'exécution d'un devoir religieux.

La Révolution, en supprimant les anciennes institutions qui assuraient le service de la charité publique, avait par cela même fait disparaître la sécurité relative que l'ancien régime assurait à chacun; en même temps elle substituait à la conception religieuse sur laquelle reposait la société, celle de l'intérêt collectif; l'idée de solidarité sociale prit alors la place de la charité, et la bienfaisance devint l'assistance, véritable

(1) Proposition Strauss adoptée par le Sénat, le 3 décembre 1903. de législ. franç. 1904, p. 17.

Annuaire

(2) 5° canon, chap. IV, Labbe et Cossart, collect. des conciles (1671).

(3) Cap. de 789, 794, 802, 806, 809. Baluze, Capitula regum Francorum, in-fo, t. 1er.

(4) Ord. de 1536, ord. de Moulins.

charge publique confiée à l'État, au département et à la commune. C'est ainsi que deux décrets des 19 mars et 15 octobre 1793 (24 vendémiaire an II), en même temps qu'ils instituaient une répression énergique de la mendicité, reconnurent (titre IV, art. 16) un droit à l'hospitalisation avec les secours de première nécessité en faveur des vieillards de soixantedix ans sans domicile ou reconnus infirmes avant cette époque; mais cette disposition ne fut en fait jamais appliquée, et quelques années plus tard, le Directoire, en réorganisant les hôpitaux (lois des 16 vendémiaire et 7 messidor an V) ainsi que les bureaux de bienfaisance (loi du 7 frimaire an V) et en leur rendant, avec leur ancien patrimoine, la personnalité civile, detruisit l'œuvre de la Convention. On revint ainsi aux idées du passé, on créa bien des organismes spéciaux pour l'hospitalisation et les secours à domicile, mais il ne fut plus question ni de dro't à l'assistance, ni de dépenses obligatoires pour y faire face.

Le décret du 5 avril 1808 sur les dépôts de mendicité, ainsi que les articles 275 et suiv. du code pénal essayèrent bien, en ce qui concerne du moins les mendiants invalides, de faire revivre l'obligation de l'assistance; mais, faute d'avoir organisé les mesures propres à son exécution, cette idée ne pût jamais être sérieusement appliquée.

La Révolution de 1848 vint cependant donner aux préoccupations altruistes un regain d'activité qui se manifesta par la loi du 7 août 1851. Elle stipulait en effet (art. 2) que dans les hôpitaux et hospices un certain nombre de lits devraient être, dans les conditions prévues par les règlements, réservés aux vieillards ou aux incurables (art. 17); que les commissions administratives pouvaient convertir le 1/5 (1) de leurs revenus, en secours à domicile en faveurs des vieillards ou infirmes, placés dans leurs familles. Mais, par suite des conditions rigoureuses imposées par les commissions, ces dispositions ne reçurent qu'une application très limitée; certains départements, cependant, la Marne et l'Indre-et-Loire notamment, organisèrent des secours mensuels supportés 2/5 par les communes, 3/5 par les départements. Une circulaire du ministre de l'Intérieur, du 1er août 1888, porta ces faits à la connaissance des préfets, en les invitant à en suggérer l'imitation à leurs conseils généraux; l'assistance à domicile fut ainsi instituée dans 49 départements, les autres, tout en reconnaissant l'utilité du service dont on leur demandait la création, invoquèrent des raisons financières pour ne pas l'organiser.

Quelques années plus tard, le conseil supérieur de l'assistance publique, sur un remarquable rapport de M. Sabran, consacra deux de ses sessions à l'étude de l'organisation d'un service d'assistance des vieillards et prépara même sur ce point un projet de loi (janvier 1892) qui fut soumis à l'examen du conseil d'État.

Le congrès d'assistance de Rouen de 1897 fut également saisi de cette même question par un rapport de M. Strauss dont les conclusions

(1) Cette proportion fut élevée au tiers et au quart par la loi du 21 nai 18

furent adoptées, et M. le ministre Barthou prenait alors l'engagement de déposer un projet de loi portant obligation de l'assistance pour les vieillards. Mais sur les objections d'ordre budgétaire soulevées par le ministre des finances, le dépôt du projet préparé par le conseil d'Etat en 1898 et qui avait cependant reçu l'approbation du conseil des ministres ne fut jamais effectué.

Dans l'intervalle cependant, MM. Rey et Lachièze, s'inspirant des travaux du conseil supérieur, avaient déposé, le 28 février 1895, sur le bureau de la Chambre, un projet de loi qui fut l'objet d'un magistral rapport de M. Fleury-Ravarin, à la suite duquel la Chambre votait le 25 décembre de la même année une résolution par laquelle elle manifestait l'intention d'organiser dans le plus bref délai l'assistance des vieillards et des infirmes indigents par la contribution des communes, des départements et de l'Etat. La législature s'acheva cependant sans que cette réforme pût être réalisée. Reprise par ses auteurs en 1899, cette même proposition, malgré le rapport favorable dont elle fut l'objet, ne put pas encore aboutir et M. Strauss, qui en 1898 avait reproduit sous forme de projet de loi les conclusions de son rapport au congrès d'assistance de Rouen, ne fut pas plus heureux devant le Sénat.

Un commencement de mise en exécution de l'idée d'assistance avait cependant été réalisé par la loi de finances du 29 mars 1897; l'article 43 décidait en effet qu'à partir du 1er janvier 1897, l'État contribuerait pour une somme de 50 francs au plus (1) au payement de toute pension annuelle de 90 à 200 francs constituée au profit d'un vieillard àgé de soixante-dix ans, incurable et incapable de tout travail; cette loi imprima un vigoureux élan à la constitution des pensions de vieillesse ; en 1902, en effet, elles étaient organisées dans 52 départements et la part contributive de l'État qui au début n'était que de 13.000 francs était élevée à 273.181 francs.

Discussion de la loi. La Chambre avait été, en 1902, saisie presque simultanément de deux propositions analogues émanant, la première, de MM. Rey et Lachièze, reproduisant celles qu'ils avaient, sans succès, présentées au cours des législatures précédentes, l'autre, de M. Bienvenu Martin. La commission à laquelle elles avaient été renvoyées les fondit en un projet unique dont le rapport, confié à M. Bienvenu Martin, fut déposé le 4 avril 1903.

La discussion, commencée le 27 mai suivant, après déclaration d'urgence, dura neuf séances, et, si brillante qu'elle ait été, n'apporta cependant que peu de modification au texte proposé.

Le rapporteur et le président de la commission, M. Mirman, commencèrent par déterminer nettement le caractère de la loi projetée et le principe sur lequel elle reposait. C'était, disaient-ils, une loi non de charité, mais de solidarité, entraînant par suite, d'une part, droit au

(1) Cette part fut élevée par la loi du 30 mars à 60 francs.

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