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par 197 voix contre 43 accordées à l'amendement Milliès-Lacroix. Plus tard, M. Méline, ancien ministre de l'agriculture, proposa un délai de vingt-cinq jours auquel MM. Milliès-Lacroix et consorts se rallièrent, mais qui fut également repoussé (Séance du 16 décembre 1904).

Quant aux maladies contagieuses autres que la tuberculose, elles ne comportent pas de procédé spécial de diagnostic analogue à la tuberculine; c'est à la science vétérinaire qu'il appartient de les reconnaître par l'étude de l'animal et leur durée d'incubation est plus ou moins prolongée. Il a paru bon de conserver à leur égard le délai de quarante-cinq jours édicté par la loi de 1895.

III. Si l'animal est reconnu tuberculeux à l'abatage, l'action en nullité ne peut être intentée que s'il y a saisie totale. L'acheteur d'un bovidé reconnu tuberculeux à l'abatage a les mêmes droits vis-à-vis de son vendeur que si ce bovidé avait été reconnu malade de son vivant. Le fait que dans ce cas la déclaration légale n'a pas été effectuée ne saurait enlever les garanties dues à l'acheteur. D'ailleurs la saisie de tout ou partie de la viande fournie par l'animal correspond assez exactement à la mesure de l'isolement qui suit nécessairement la déclaration.

L'animal sacrifié ne présente plus de danger de contagion et il n'y a plus lieu d'appliquer à son égard les lois de la police sanitaire. La bête abattue est devenue une denrée alimentaire et on comprend que l'acheteur, au lieu d'invoquer la nullité de la vente en vertu de la loi du 21 juillet 1881, puisse seulement réclamer des dommages-intérêts en basant son action sur l'article 1641 du code civil, qui veut que tout vendeur soit tenu de la garantie de la chose vendue en raison de ses vices cachés.

Notre loi a adopté cette théorie nouvelle; mais elle a fait une distinction entre les animaux reconnus tuberculeux à l'abattoir dont la dépouille fait l'objet d'une saisie totale et ceux qui donnent lieu seulement à saisie partielle.

Pour les premiers, l'action en nullité est maintenue à leur égard comme s'ils étaient encore sur pied: pour les seconds il n'y a plus qu'une action en réduction du prix au profit de l'acheteur, et cette action est elle-même soumise à une condition particulière: la production d'un duplicata du procès-verbal de saisie mentionnant la nature des parties saisies, et leur valeur calculée d'après leur poids, la qualité de la viande et le cours du jour. Cette prescription est destinée à empêcher un boucher trop habile d'abuser de sa situation vis-à-vis du vendeur.

IV.

-

Abrogation implicite de la loi du 31 juillet 1893. Nous avons dit plus haut que l'article 13 de la loi du 21 juillet 1881 qui a le premier interdit la vente ou la mise en vente des animaux atteints ou soupçonnés d'être atteints de maladies contagieuses avait été complété par la loi du 31 juillet 1895 qui y ajouta quatre paragraphes.

La loi du 21 juin 1898, qui est une partie du code rural, reproduit à son tour la plupart des dispositions de la loi du 21 juillet 1881 et notamment le principe de l'article 13, qu'elle compléta même en y ajoutant l'interdiction de l'exposition des animaux malades qui n'y figurait pas (art. 41 de la loi de 1898).

Mais cet article 41 du code rural ne reproduisit pas, et le fait est regrettable, les quatre paragraphes que la loi du 31 juillet 1895 avait ajoutés au texte primitif de l'article 13 de la loi du 21 juillet 1881, concernant les conditions et les délais dans lesquels devait s'exercer l'action en nullité de la vente. L'article 41 du code rural de 1898 avait donc besoin d'être complété par les dispositions si importantes de la loi de 1895.

Lorsque M. Darbot déposa sa proposition qui est devenue la présente loi, le code rural n'était pas encore promulgué et M. Darbot ne pouvait viser que la réforme de l'article 13 de la loi du 21 juillet 1881, modifié une première fois sur son initiative par la loi du 31 juillet 1895.

Il n'en était plus de même en 1899, quand le projet Darbot vint en discussion, et M. Milliès-Lacroix fit observer avec raison au Sénat que la loi nouvelle avait pour objet réel, non pas de compléter l'article 13 de la loi de 1881, mais bien de compléter l'article 41, section II du titre III du code rural, devenu loi depuis 1898.

Le texte de l'article 1er a été rédigé en ce sens. Il en résulte que dans le code rural le texte de notre loi devra être inséré tout entier comme modifiant et complétant l'article 41, et que la loi de 1895 que notre loi a remaniée et complétée, paragraphe par paragraphe, n'a plus de valeur propre, étant absorbée dans la nouvelle rédaction de l'article 41.

V. - Modification de détail à la liste des vices rédhibitoires. Notre loi contient encore une disposition qui est absolument distincte des règles de la police sanitaire des animaux : c'est une modification à la liste des vices rédhibitoires contenue dans l'article 2 de la loi du 2 août 1884.

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés qui rendent la chose vendue impropre à l'usage auquel on la destine, ou en diminuent tellement la valeur que l'acheteur ne l'eût pas acquise ou en eût donné un moindre prix.

Ce texte reçoit sa principale application en matière de vente d'animaux domestiques et les vices cachés qui, constatés chez l'animal vendu par l'acheteur, peuvent donner lieu à l'action en garantie se nomment vices rédhibitoires. Cette action, insuffisamment définie par la loi, avait donné lieu à des difficultés inextricables, que la loi du 20 mai 1838 fit disparaître en partie.

Cette loi pour la première fois établit une liste limitative des vices rédhibitoires permettant l'exercice de l'action en garantie dans les ventes

ou échanges d'animaux domestiques et elle soumit cette action à des règles spéciales.

La loi du 2 août 1884 qui fait partie du code rural apporta à la loi de 1838, jugée trop rigoureuse, un certain nombre de changements de détail. Elle modifia en particulier la liste des maladies qui pour chacune des espèces d'animaux domestiques constituaient les vices rédhibitoires (1).

La loi du 31 juillet 1895 revisa une seconde fois cette liste : elle supprima pour le cheval, l'àne et le mulet, la morve et le farcin, et pour l'espèce ovine la clavelée qui cessèrent de pouvoir donner lieu à l'action en garantie.

La présente loi apporte à cette énumération une seule innovation sur un point de détail. La loi de 1884 déclarait vices rédhibitoires pour le cheval, l'âne et le mulet, les boiteries anciennes intermittentes. La loi de 1895 avait supprimé le mot anciennes par un pur oubli (2): notre loi le rétablit, ce qui rend la constatation de ce vice rédhibitoire plus difficile, l'acheteur ayant désormais à faire la preuve de l'ancienneté de la boiterie, ce qui n'est pas toujours aisé.

Cette restriction successive du nombre des vices rédhibitoires et de l'action en garantie à laquelle ils donnent lieu, s'explique par l'introduction dans la législation de l'action en nullité des ventes d'animaux atteints de maladies contagieuses, par la loi du 21 juillet 1881. La morve, le farcin, la clavelée étant classés parmi les maladies contagieuses, il n'était plus nécessaire de maintenir à leur égarà l'action en résolution de l'article 1641 du code civil.

L'identité du but poursuivi par l'action résultant des vices rédhibitoires et par celles en nullité de la vente d'un animal contagieux, c'està-dire la protection de l'acheteur, explique que la présente loi se soit occupée de toutes deux, quoiqu'il existe entre les deux actions des différences que les jurisconsultes notent avec soin.

Art. 1er. L'article 41 du code rural (livre III, section II) est complété par les quatre paragraphes suivants :

<< Et si la vente a eu lieu, elle est nulle de droit, que le vendeur ait connu ou ignoré l'existence de la maladie dont son animal était atteint ou suspect (3).

(1) Voir la notice et la note sur la loi du 2 août 1884, par M. THEURAULT, à l'Annuaire français, de 1885, p. 189.

(2) Voir sur ce point la proposition de loi de M. Darbot, au Sénat, in fine. (3) Ce paragraphe est la reproduction de la loi du 31 juillet 1895. Aux termes du décret du 6 octobre 1904, portant règlement d'administration publique, sont considérés comme suspects les animaux qui se trouvent dans les conditions suivantes : le propriétaire dans l'étable duquel une maladie contagieuse, qu'il s'agisse de tuberculose ou d'une autre maladie contagieuse a été constatée, doit immédiatement faire tuberculiniser ses animaux. Ceux qui ont réagi à la tuberculinisation, quoique ne présentant pas encore les signes

« Néanmoins, aucune réclamation de la part de l'acheteur pour raison de ladite nullité ne sera recevable lorsqu'il se sera écoulé plus de trente jours en ce qui concerne les animaux atteints de tuberculose et plus de quarante-cinq jours en ce qui concerne les autres maladies depuis le jour de la livraison, s'il n'y a poursuites du ministère public (1).

« Si l'animal a été abattu, le délai est réduit à dix jours à partir du jour de l'abatage, sans que, toutefois, l'action puisse jamais être introduite après l'expiration des délais indiqués ci-dessus. En cas de poursuites du ministère public, la prescription ne sera opposable à l'action civile, comme au paragraphe précédent, que conformément aux règles du droit commun (2).

<< Toutefois, en ce qui concerne la tuberculose, sera seule recevable l'action formée par l'acheteur qui aura fait au préalable la déclaration prescrite par l'article 31 du code rural (livre III, section II) (3). S'il s'agit d'un animal abattu pour la boucherie, reconnu tuberculeux et saisi, l'action ne pourra être intentée que dans le cas où cet animal aura fait l'objet d'une saisie totale ; dans le cas de saisie partielle portant sur les quartiers, l'acheteur ne pourra intenter qu'une action en réduction de prix à l'appui de laquelle il devra produire un duplicata du procès-verbal de saisie

cliniques de la maladie, sont considérés comme suspects. Il en est de même en général de tous ceux qui ont réagi à la tuberculinisation, même s'ils proviennent d'une étable saine. Cette explication a été fournie au Sénat, le 16 décembre 1904, par M. Mougeot, ministre de l'agriculture, sur une question de M. Milliès-Lacroix.

(1) La négation (n') avait été omise par une erreur matérielle extraordinaire dans le texte de ce paragraphe dans la loi du 31 juillet 1895; ce qui donnait à ce membre de phrase un sens exactement contraire au sens véritable. Le paragraphe suivant faisait bien ressortir cette erreur. Il importait cependant de la rectifier et c'est une des utilités de la présente loi. Voir sur ce point la notice sur la loi du 31 juillet 1895, à l'Annuaire français de 1896, p. 157, n° 3.

(2) Quand l'autopsie a révélé la maladie contagieuse, il n'y a aucune raison de prolonger le délai, au préjudice du vendeur, au delà du temps strictement nécessaire à l'acheteur. Un délai de dix jours est largement suffisant.

Si le parquet poursuit le vendeur pour avoir transgressé la loi, son action a pour limite la prescription de trois ans. Il est naturel dans ce cas que les droits de l'acheteur aient la même durée.

(3) Cette disposition nouvelle met un terme aux actions récursoires, par les quelles, quand l'animal avait passé en plusieurs mains dans le délai légal, chaque acheteur attaquait son vendeur, faisant finalement supporter les dommages-intérêts et les frais au vendeur initial, qui généralement était de bonne foi. Désormais pourra seul attaquer son vendeur, l'acheteur qui aura fait luimême la déclaration prévue par la loi (déclaration de M. Darbot, rapporteur, à la séance du Sénat, 23 mars 1899). C'est pour bien préciser ce point que la formule sera seule recevable l'action, etc., a été adoptée, au lieu de : aucune action ne sera recevable, etc.

mentionnant la nature des parties saisies et leur valeur, calculée d'après leur poids, la qualité de la viande et le cours du jour » (1). L'article 2 de la loi du 2 août 1884 est modifié ainsi

Art. 2. qu'il suit :

« Sont réputés vices rédhibitoires et donneront seuls ouverture aux actions résultant des articles 1641 et suivants du code civil, sans distinction des localités où les ventes et les échanges auront lieu, les maladies ou défauts ci-après, savoir :

« Pour le cheval, l'àne et le mulet

« L'immobilité, l'emphysème pulmonaire, le cornage chronique, le tic proprement dit, avec ou sans usure des dents, les boiteries anciennes intermittentes, la fluxion périodique des yeux. « Pour l'espèce porcine : la ladrerie. »

VI.

DÉCRET DU 2 MARS 1905, RELATIF A L'APPLICATION, DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE L'ETAT DE LA LOI DES 12 JUIN 1893-11 JUILLET 1903, CONCERNANT L'HYGIÈNE ET LA SÉCURITÉ DES TRAVAILLEURS (2).

Notice par M. Jules HoUDOY, docteur en droit, avocat au barreau de Lille.

Sous l'empire de la loi du 12 juin 1893, il était impossible d'appliquer aux établissements de l'État les dispositions tutélaires des lois et des décrets relatifs à l'hygiène et à la sécurité des travailleurs. D'une part, il pouvait y avoir danger à laisser pénétrer des fonctionnaires civils dans des établissements dépositaires de secrets intéressant la défense nationale; d'autre part, l'inspecteur du travail était impuissant à faire exécuter les travaux qu'il estimait nécessaires, et le ministre luimême se trouvait la plupart du temps désarmé, quand, en l'absence du crédit nécessaire, il lui fallait déférer, dans les délais prévus, aux mises en demeure qui lui étaient adressées.

La loi du 11 juillet 1903 (3), par ses articles 4, § 2 et 12, § 3, a prévu l'organisation d'un système spécial d'inspection dans ces établissements.

(1) La commission du Sénat voulait même que dans le cas de saisie partielle l'acheteur ne pût rien réclamer quand la saisie ne porte que sur les viscères de l'animal tuberculeux, la perte dans ce cas étant peu importante et n'excédant pas les risques que tout commerce entraine. C'est ainsi que la loi du 2 août 188 sur les vices rédhibitoires ne permet à un acheteur de provoquer la résiliation de son marché que quand l'animal qui en fait l'objet a été vendu une somme supérieure à 100 francs.

(2) J. Off. du 9 mars 1905.

(3) Voir Annuaire de législation française, 1904, p. 149.

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