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est assez peu fondée; elle l'est d'autant moins que c'est le même fonds, c'est-à-dire les redevances de la Banque de France, qui doit servir à alimenter les deux branches du crédit agricole, et que, du moment qu'on avait estimé nécessaire d'encourager officiellement le crédit agricole individuel à court terme, il n'y avait pas de motifs d'agir différem. ment à l'égard du crédit agricole collectif à long terme.

Par contre, nous croyons très regrettable que, faisant échec à l'organisation du crédit agricole à deux degrés telle qu'elle résulte des lois de 1894 et de 1899, le législateur de 1906 ait cru devoir supprimer l'inter. médiaire des caisses agricoles locales entre la société coopérative emprunteuse et la caisse régionale prêteuse. On a dit que la responsabilité de la caisse. locale du premier degré serait illusoire en l'espèce. Cela n'est pas exact quand on est en présence de caisses locales disposant d'un appréciable capital social, ou placées sous le régime soit de la responsabilité mixte (les sociétaires étant engagés pour un certain nombre de fois le montant de leurs parts souscrites), soit de la responsabilité illimitée et solidaire; et de fait, lorsqu'on voit ce qui se passe en Allemagne, la terre classique du crédit coopératif, on constate que presque jamais les caisses agricoles du second degré ne prêtent directement aux coopératives agricoles, mais que celles-ci doivent au contraire s'adresser aux caisses locales, qui s'alimentent à leur tour auprès des caisses provinciales ou centrales, en cas de besoin, d'après la hiérarchie économique normale. Il nous parait certain que dans bien des cas les caisses régionales françaises responsables vis-à-vis de l'Etat, loin de ne trouver dans l'intervention des caisses locales qu'une garantie illusoire, y auraient au contraire rencontré une très réelle sûreté de l'opération engagée. C'était en ce sens d'ailleurs que s'étaient prononcés les Congrès du crédit populaire, tenus à Reims en 1902 et à Oran en 1906 (1). D'autre part, le législateur de 1906 ne semble pas avoir pris soin de séparer nettement le crédit collectif à long terme du crédit individuel à court terme, pour éviter le rejaillissement possible des risques de l'un sur l'autre. Ce sont les caisses régionales, qui sont chargées des deux branches du crédit agricole, et qui sont responsables des remboursements des avances de l'État. Sans doute, elles sont libres d'entrer ou non dans la voie du crédit aux sociétés coopératives; mais si elles s'y prêtent, et quelque solides qu'on suppose les garanties prises par elles, ne courrent-elles pas néanmoins le risque de mécomptes imprévus, surgissant du long délai de l'opération, et dont la répercussion sur la branche du crédit à court terme pourrait être dangereuse. Sans doute encore, le ministre de l'agriculture et le rapporteur au Sénat ont indiqué que les caisses régionales, qui pratiqueront le crédit aux coopératives agricoles, devront avoir pour ces prêts un compte spécial, distinct du compte pour le crédit à court terme. Mais cela veut-il dire que la responsabi

(1) Voyez les comptes rendus de ces congrès publiés en volumes (Alcan, édit., Paris).

lité de la caisse régionale de ce chef sera limitée à un fonds de réserve spécial attaché à ce compte spécial, et ne s'étendra ni au capital social de la caisse régionale, ni aux réserves constituées par ses autres opérations? Cette interprétation semble peu conciliable avec les termes généraux dans lesquels le législateur a déclaré que les caisses régionales garantissent le remboursement des avances de l'État (art. 2, § 2, et art. 7). Ici encore on aurait pu s'inspirer utilement de la pratique allemande, qui confère le soin du crédit aux coopératives agricoles, non seulement à des caisses de crédit du premier degré, mais à des caisses du premier degré spéciales, les caisses provinciales ou centrales du second degré intervenant alors sans danger comme organismes de réescompte pour l'une et l'autre branche.

Des règlements d'administration publique annoncés, et non encore paras, donneront peut-être le moyen d'atténuer ou d'éviter les inconvénients possibles d'une loi, qui mérite assurément d'être retenue dans son principe, mais qu'on a eu le tort de vouloir réduire à des termes trop simples.

Art. 1er. L'article 1er de la loi du 31 mars 1899 est ainsi complété :

« Le gouvernement peut, en outre, prélever sur les redevances annuelles et remettre gratuitement auxdites caisses régionales des avances spéciales destinées aux sociétés coopératives agricoles et remboursables dans un délai maximum de vingt-cinq années.

« Ces avances ne pourront dépasser le tiers des redevances versées annuellement par la Banque de France dans les caisses du Trésor, en vertu de la convention du 31 octobre 1896, approuvée par la loi du 17 novembre 1897. »

Art. 2. Les caisses régionales sont chargées de faciliter les opérations concernant l'industrie agricole, effectuées par les sociétés coopératives agricoles, régulièrement affiliées à une caisse locale de crédit mutuel régie par la loi du 5 novembre 1894 (1).

(1) A la Chambre des députés, M. de Gaillard-Bancel avait demandé que les avances aux coopératives agricoles fussent faites par les caisses locales de crédit agricole avec le concours des caisses régionales, conformément au droit commun en la matière la Chambre ne se rallia pas à cette façon de voir. Au Sénat, une observation dans le même sens avait été présentée par M. Fortier à la suite d'une discussion confuse, il fut décidé que les sociétés coopératives agricoles, devraient être régulièrement affiliées à une caisse locale de crédit agricole régie par la loi du 5 novembre 1894. Le ministre de l'agriculture accepta cette addition au texte primitif, mais en spécifiant expressément qu'en rattachant ainsi la coopérative par un lien effectif à une caisse locale de crédit agricole, il était bien entendu « qu'on mettait de côté la responsabilité de cette caisse locale, qui serait véritablement illusoire ». Cela étant, on n'aperçoit pas l'utilité de l'addition votée, qui est en réalité sans portée pratique.

Elles garantissent le remboursement, à l'expiration des délais fixés, des avances spéciales qui leur sont faites pour les sociétés coopératives agricoles.

Toutes opérations autres que celles prévues par le présent article et par la loi du 31 mars 1899, leur sont interdites.

Art. 3. Les caisses régionales recevront des sociétés coopératives agricoles, sur les avances spéciales qu'elles auront remises à celles-ci, un intérêt qui sera fixé par elles et approuvé par le gouvernement, après avis de la commission prévue à l'article 5 (1).

Art. 4. Les demandes d'avances émanant des sociétés agricoles devront indiquer, d'une manière précise, l'emploi des fonds sollicités; elles seront présentées au gouvernement par l'intermédiaire des caisses régionales de crédit agricole mutuel.

Pourront seules recevoir les avances prévues à l'article 1o de la présente loi, quel que soit d'ailleurs leur régime juridique, les sociétés coopératives agricoles constituées par tout ou partie des membres d'un ou plusieurs syndicats professionnels agricoles, en vue d'effectuer ou de faciliter toutes les opérations concernant soit la production, la transformation, la conservation ou la vente des produits agricoles provenant exclusivement des exploitations des associés, soit l'exécution de travaux agricoles d'intérêt collectif, sans que ces sociétés aient pour but de réaliser des bénéfices commerciaux.

Art. 5. La répartition des avances aux caisses régionales de crédit agricole, tant en vertu de la présente loi que de la loi du 31 mars 1899, sera faite par le ministre de l'agriculture sur l'avis d'une commission spéciale et dont les membres, à l'exception des membres de droit, sont nommés par décret pour quatre années, composée ainsi qu'il suit:

Le ministre de l'agriculture, président ;

Quatre sénateurs ;

Six députés ;

Un membre du Conseil d'État;

Un membre de la cour des comptes;

Le gouverneur de la Banque de France;

(1) Le texte du projet ministériel prévoyait un intérêt de 2o, sur lequel 1% devait être remis au Trésor. La Commission avait décidé de laisser aux caisses régionales l'intégralité de cet intérêt, à raison des garanties qu'on leur demandait et des obligations qu'elles contractaient.

La Chambre a estimé qu'il valait mieux laisser la liberté aux caisses régionales, en ce qui touche la fixation du taux de l'intérêt, sous le contrôle de la commission de répartition. Celle-ci dira si le taux prélevé est légitime, elle pourra en certains cas réclamer des abaissements.

Le directeur général de la comptabilité publique ;

Le directeur du mouvement général des fonds;

Un inspecteur général des finances;

Le directeur général des eaux et forêts;

Le directeur de l'agriculture;

Le directeur du secrétariat, du personnel central et de la comptabilité;

Le directeur de l'hydraulique et des améliorations agricoles; Le directeur des haras;

Le chef du service des caisses régionales de crédit agricole mutuel;

Six inspecteurs généraux ou inspecteurs du ministère de l'agriculture;

Trois membres du conseil supérieur de l'agriculture;

Huit représentants choisis parmi les membres des caisses de crédit agricole mutuel, régionales ou locales, ou des sociétés coopératives agricoles.

En dehors des membres permanents de la commission, les ins pecteurs généraux et inspecteurs de l'agriculture, les inspecteurs des améliorations agricoles et les inspecteurs des caisses de crédit agricole mutuel chargés de rapports sont appelés à les soutenir devant la commission avec voix consultative.

Est abrogé l'article 4 de la loi du 31 mars 1899.

Art. 6. — Un décret rendu après avis de la commission de répar tition des avances, sous le contreseing des ministres de l'agricul ture et des finances, déterminera limitativement la nature des opérations que pourront entreprendre les sociétés coopératives agricoles susceptibles de recevoir des avances de l'État.

La commission de répartition déterminera la durée de chaque prêt, ainsi que le montant de l'avance, qui ne pourra excéder le double du capital de la société coopérative agricole, versé en espèces.

Cette avance spéciale deviendra immédiatement remboursable en cas de violation des statuts ou de modifications à ces statuts qui diminueraient les garanties de remboursement.

Art. 7. Des règlements d'administration publique détermineront, pour les sociétés coopératives agricoles qui demanderont des avances par l'intermédiaire et avec la garantie des caisses régionales de crédit agricole, en vertu de la présente loi, la procédure à suivre, les d'spositions éventuelles que devront contenir les statuts, le mo le et la forme des enquêtes préliminaires d'ordre économique et technique à ouvrir par les services intéressés du

ministère de l'agriculture, la surveillance à exercer sur l'emploi des avances qui ne devront pas être détournées de leur affectation, les garanties d'ordre général à prendre pour assurer le remboursement des prêts, ainsi que les moyens de contrôle à exercer sur ces sociétés coopératives agricoles pour sauvegarder les intérêts du Trésor.

XXXVIII.

LOI DU 30 DÉCEMBRE 1906 SUR LES VENTES AU DÉBALLAGE,
COMPLÉTANT LA LOI DU 25 JUIN 1811 (1),

Notice et notes par M. CELIER, avocat à la cour d'appel de Paris.

La loi du 23 juin 1841 a pour objet de prohiber la vente en détail de marchandises neuves, à cri public, soit aux enchères, soit au rabais, soit à prix fixe proclamé, avec ou sans l'assistance des officiers ministériels (2). L'objet de cette prohibition est de protéger les intérêts de l'acheteur qui pourrait être plus facilement trompé par la rapidité des ventes du genre de celles interdites, de mettre obstacle à certaines fraudes, notamment à celle consistant, pour un négociant sur le point de faire faillite, à faire disparaître les marchandises, gage de ses créanciers, enfin de défendre le commerce local et sédentaire et d'empêcher la perturbation du marché, la dépression des cours par la mise en vente tout à coup, en un même lieu, d'une grande quantité d'objets de la même nature.

La loi avait admis un certain nombre d'exceptions, soit à raison de la nature des objets vendus (comestibles, menue mercerie) soit à raison des conditions où devra se faire la vente, si par exemple elle est prescrite par la loi, ou faite en cas de cessation de commerce, ou en cas de nécessité reconnue par le tribunal de commerce. Les abus qu'avait voulu réprimer la loi de 1841 se sont reproduits et aggravés; à la faveur des exceptions, les fraudeurs pouvaient échapper. En particulier, les fausses liquidations se sont multipliées, des soldes prétendus, les déballages

(1) J. Off. du 4 janvier 1907. TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Chambre proposition de M. Thierry, 2o séance, du 29 novembre 1905, doc. 1905 (extraord.), p. 77; rapport de M. G. Berry, Uoc. 1906, p. 31; déclaration d'urgence, adoption, sans discussion, séance du 22 février 1906, déb. p. 952. -- Sénat: texte transmis, séance du 26 février 1906, annexe no 61; rapport de M. Ermant, 23 novembre 1906, doc. 1906 (extraord.) p. 63; déclaration d'urgence, discussion et adoption sans modifications, séance du 26 décembre 1906, déb. p. 1201.

(2) V. Lyon-Caen et Renault, Traité de droit commercial, t. 3, no 209.

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