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sont devenus de plus en plus nombreux; de véritables entreprises s'organisaient pour violer ou tourner les dispositions de la loi de 1841, au plus grand préjudice des commerçants stables et des consommateurs. La vigilance des parquets avait été mise en éveil à différentes reprises. Une circulaire du garde des sceaux recommandait encore, en 1889, de tenir la main à l'application de la loi de 1841; mais les magistrats étaient insuffisamment armés pour la répression. Des propositions législatives avaient cherché à remédier aux abus signalés avec insistance par les réclamations des intéressés, mais sans aboutir. En 1893, M. Chiché, député de Bordeaux, avait déposé et obtenu en première délibération le vote d'un texte de loi; mais la seconde délibération n'ayant pas eu lieu dans le temps voulu par le règlement, la proposition était devenue caduque. M. Thierry a repris l'idée d'une réforme de la loi de 1841, en la limitant à des dispositions additionnelles qui ne nécessitaient point la refonte de la loi. Il ne vise que les ventes de marchandises neuves, non comprises dans les prohibitions de la loi de 1841, qui ont lieu sous forme de soldes, liquidations, ventes forcées ou déballages. Elles sont réglementées et soumises à la nécessité d'une autorisation. C'est remédier aux principaux abus; en outre la répression devient plus sévère et plus assurée par l'assimilation de la tentative d'une vente prohibée à la vente consommée, et cette répression de la tentative est étendue à toutes les infractions prévues par la loi du 25 juin 1841.

Art. 1er. Les ventes de marchandises neuves, non comprises dans les prohibitions de la loi du 25 juin 1841, sur les ventes aux enchères, ne pourront être faites sous la forme de soldes, liquidations, ventes forcées ou déballages, sans une autorisation spéciale du maire de la ville où la vente doit avoir lieu.

Pour obtenir cette autorisation, le demandeur sera tenu de fournir un inventaire détaillé des marchandises à liquider, en indiquant leur importance en numéraire et le délai nécessaire pour leur écoulement.

Il pourra être tenu de justifier de la provenance des marchandises par la production de ses livres et de ses factures.

Pendant la durée de la liquidation, il lui sera interdit de recevoir d'autres marchandises que celles figurant à l'inventaire pour lequel l'autorisation aura été accordée.

Art. 2. Toute contravention aux dispositions ci-dessus sera punie de la confiscation des marchandises mises en vente, et en outre d'une amende de cinquante francs (50 fr.) à trois mille francs (3.000 fr.), sans préjudice des dommages-intérêts s'il y a lieu..

Art. 3. Pour le délit prévu par la présente loi, et pour celui établi par la loi du 25 juin 1841, la tentative sera punie comme le délit consommé (1) (2).

XXXIX.

LOI DU 31 DÉCEMBRE 1906, RELATIVE A LA COMPÉTENCE DES JUGES DE PAIX EN MATIÈRE FORESTIÈRE (3).

Notice et notes par M. Fernand DAGUIN, docteur en droit, avocat à la cour d'appel de Paris.

Aux termes de l'article 171 du code forestier, le jugement des délits et des contraventions en matière forestière était de la compétence exclusive des tribunaux correctionnels, quelles que fussent la nature des faits et la gravité des peines encourues. M. Pavie, député, pensa qu'on pouvait, sans inconvénient, renvoyer certaines infractions de minime importance devant les tribunaux de simple police. En conséquence, il déposa, de concert avec quatre de ses collègues, à la séance de la Chambre du 3 avril 1906, une proposition de loi tendant à faire juger par ces tribunaux les infractions aux articles 144, 192, 194 et 199 du code forestier, lorsque les peines encourues n'excéderaient pas cinq jours d'emprisonnement et 15 francs d'amende, et qu'il n'existerait aucune des circonstances aggravantes prévues à l'article 201 du même code.

(1) Le législateur a voulu punir la tentative comme le délit consommé, estimant que le fait d'avoir laissé la tentative impunie avait été une des causes de l'échec de la répression par la loi de 1841. Si en effet la tentative n'est pas punié, la loi reste sans effet; on se trouve en face d'un fait accompli (Rapport au Sénat). Dans la discussion, un sénateur, M. Leydet, a provoqué les explications sur ce point. Elles ont été formelles, soit dans la bouche du rapporteur, soit dans celle de M. Doumergue, ministre du commerce, qui a nettement expliqué que la seule annonce d'une vente dans les conditions prévues nuisait à la vente normale dans les magasins patentés, causait un fléchissement subit et injuste du prix et était ainsi préjudiciable aux commerçants. Cet inconvénient est évité en punissant la tentative.

(2) Sur l'admission des circonstances atténuantes, une question avait été soulevée au Sénat par M. Guillier qui aurait été partisan de déclarer l'article 463 applicable. La question a été résolue négativement par l'observation en réponse du ministre du commerce, constatant que l'intention de la Chambre et du Sénat était d'éviter, quant à présent, un remaniement de la loi de 1841, ce à quoi aurait abouti la proposition de M. Guillier.

-

(3) J. Off. du 1er janvier 1907. TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Chambre proposition de loi, doc. 1906, p. 402; rapport, ibid., p. 409; adoption, séance du 6 avril 1906. Sénat: rapport, doc. 1906 (session extraord.), p. 16; adoption avec modification, séance du 6 décembre 1906. Chambre rapport, doc. 1906 (extraord.), p. 320; adoption sans discussion, séance du 29 décembre 1906.

Les auteurs de la proposition faisaient remarquer combien il était déplorable de forcer l'auteur d'une infraction passible seulement d'une peine légère (0 fr. 50 cent. d'amende, par exemple) à un déplacement coûteux, à l'effet de se présenter devant le tribunal d'arrondissement; c'était, en réalité, aggraver indirectement la pénalité.

La proposition fut, après déclaration d'urgence, renvoyée à la commission de l'agriculture, qui l'approuva, à l'unanimité, et qui chargea M. Bonnevay de rédiger un rapport conforme.

Le rapport fut déposé, le 5 avril 1906, et, dès le lendemain 6, les conclusions en furent adoptées, sans discussion.

Le texte voté par la Chambre des députés fut transmis au Sénat, qui en renvoya l'examen à une commission de neuf membres. Le rapporteur, M. Jules Godin, en proposa l'adoption, sous réserve de la suppression du renvoi aux articles 221 et 223 du code forestier, dans l'énumération du paragraphe 2 de l'article 159 du projet. Le but de cette suppression était, d'après lui, de marquer l'intention du Sénat de maintenir intact pour les propriétaires le droit de transiger sur les contraventions commises dans leurs bois.

A la séance du 6 décembre 1906, M. Daubrée, commissaire du gouvernement, fit remarquer au Sénat que le rapporteur s'était mépris à cet égard, les articles 221 et 223 n'ayant aucunement trait au droit de transaction des propriétaires forestiers, mais visant uniquement le défrichement illégal des bois particuliers. Il ajouta que, si M. Pavie, auteur de la proposition, avait inséré ces deux articles dans l'énumération de son article 159, c'était parce qu'un projet de loi, pendant devant la Chambre des députés au moment du dépôt de la proposition, permettait de croire que les articles en question seraient modifiés de façon à rendre nécessaire cette addition; le projet n'ayant pas été adopté, l'addition devenait sans objet.

Le Sénat se rangea à cet avis, et la proposition ainsi modifiée retourna à la Chambre des députés, qui ratifia, sans discussion, la décision de la Chambre haute, à la séance du 29 décembre 1906.

La loi fut promulguée, le 31 du même mois.

Art. 1er. Les articles n° 19, 144, 145, 172, 174 et 179 du code d'instruction criminelle sont modifiés ainsi qu'il suit :

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« Art. 19. Le conservateur, inspecteur ou inspecteur adjoint, fera citer les prévenus ou les personnes civilement responsables devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de simple police >> (1).

« Art. 144. Les fonctions du ministère public, pour les faits

(1) L'ancien article 19 du code d'instruction criminelle ne prévoyait que la citation devant le tribunal correctionnel.

de police, seront remplies par le commissaire du lieu où siégera le tribunal.

« S'il y a plusieurs commissaires de police au lieu où siège le tribunal, le procureur général près la cour d'appel nommera celui ou ceux d'entre eux qui feront le service.

«En cas d'empêchement du commissaire de police du chef-lieu, ou s'il n'en existe point, les fonctions du ministère public seront remplies, soit par un commissaire résidant ailleurs qu'au cheflieu, soit par un suppléant du juge de paix, soit par le maire ou l'adjoint du chef-lieu, soit par un des maires ou adjoints d'une autre commune du canton, lequel sera désigné à cet effet par le procureur général pour une année entière et sera, en cas d'empêchement, remplacé par le maire, par l'adjoint ou par un conseiller municipal du chef-lieu de canton.

<< Dans le cas où des infractions forestières seront poursuivies devant le tribunal de simple police, les fonctions du ministère public seront remplies, soit par un agent forestier, soit par un préposé désigné par le conservateur des forêts » (1).

« Art. 145. Les citations pour contraventions de police seront faites à la requête du ministère public ou de la partie qui réclame, et, en matière forestière, à la requête des agents forestiers (2).

<< Elles seront notifiées par un huissier : il en sera laissé copie au prévenu ou à la personne civilement responsable » (3).

-

« Art. 172. Les jugements rendus en matière de police pourront être attaqués par la voie de l'appel, lorsqu'ils prononceront un emprisonnement ou lorsque les amendes, restitutions et autres réparations civiles excéderont la somme de cinq francs (5 francs), outre les dépens.

« Dans les affaires forestières poursuivies à la requête des agents de l'administration, l'appel sera toujours possible de la part de toutes les parties; quelles que soient la nature et l'importance des condamnations » (4).

« Art. 174.

L'appel des jugements de simple police sera porté

(1) L'addition des dispositions contenues dans le paragraphe 4 de l'article 144 était devenue nécessaire par suite de l'attribution du jugement de certaines contraventions forestières aux tribunaux de simple police.

(2) Le membre de phrase: « et, en matière forestière, à la requête des agents forestiers », a été ajouté par la loi du 31 décembre 1906.

(3) Pour mettre l'article 145 du code d'instruction criminelle d'accord avec le nouvel article 171 du code forestier (V. infrà), il eut été bon d'indiquer qu'en matière forestière, un avertissement préalable et sans frais devait être donné aux personnes poursuivies devant le tribunal de simple police ou civilement responsables.

(4) Le paragraphe 2 a été ajouté par la loi du 31 décembre 1906.

au tribunal correctionnel : cet appel sera interjeté par déclaration au greffe du tribunal qui a rendu le jugement, dans les dix jours, au plus tard, après celui où il a été prononcé ; et, si le jugement est par défaut, dans les dix jours, au plus tard, de la signification de la sentence à personne ou à domicile. Il sera suivi et jugé dans la même forme que les appels des sentences des justices de paix.

<< Dans les affaires forestières poursuivies à la requête de l'administration, le délai ci-dessus sera porté à quinze jours pour l'appel interjeté par les agents forestiers » (1).

« Art. 179. Les tribunaux de première instance en matière civile connaîtront, en outre, sous le titre de tribunaux correctionnels, de tous les délits forestiers poursuivis à la requête de l'administration, sauf réserve des infractions déférées aux juges de paix, en vertu de l'article 171 du code forestier (2) et de tous les délits dont la peine excède cinq jours d'emprisonnement et quinze francs (15 francs) d'amende. >>

Art. 2. Les articles 159, 171 et 174 du code forestier sont modifiés ainsi qu'il suit:

« Art. 159. — L'administration forestière est chargée, tant dans l'intérêt de l'État que dans celui des autres propriétaires de bois et forêts soumis au régime forestier, des poursuites en réparation de tous délits et contraventions commis dans ces bois et forêts (3). «Elle est également chargée de la poursuite en réparation des délits et contraventions spécifiés aux articles 134, 143 (4) et 219.

Les actions et poursuites seront exercées par les agents forestiers, au nom de l'administration forestière, sans préjudice du droit qui appartient au ministère public près les tribunaux de première instance et les cours d'appel.

«L'administration des forêts est autorisée à transiger, avant jugement définitif, sur la poursuite des délits et des contraventions mentionnés aux deux premiers paragraphes du présent article.

(1) Même observation qu'à la note précédente.

(2) La réserve des infractions forestières déférées aux juges de paix est une disposition nouvelle.

(3) Ce paragraphe se terminait ainsi : « sauf l'exception mentionnée en l'article 87 ». On a supprimé cette disposition qui rappelait la compétence spéciale des agents et gardes de la couronne, et qui n'avait plus de raison d'être, depuis la suppression du domaine auquel ils étaient préposés.

(4) C'est par inadvertance, sans doute, qu'on a maintenu cet article dans l'énumération de l'article 159; l'article 143, en effet, qui réprimait la violation des dispositions du code forestier relatives aux bois destinés aux travaux du Rhin, est malheureusement sans application, aujourd'hui.

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