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Les modifications apportées par le décret du 22 mars 1906 sont de deux sortes d'une part elles ont pour but de préciser minutieusement le dispositif des sorties, d'autre part elles rendent obligatoires les mesures de prudence qui étaient jusqu'ici laissées à l'appréciation de l'inspecteur du travail.

En ce qui concerne les sorties, le nouveau décret assimile les portes donnant sur l'extérieur à celles qui mettent en communication les ateliers avec les cours, vestibules, escaliers et autres dépendances extérieures, et prévoit l'ouverture possible des grillages dont sont munies généralement les fenêtres des usines.

Les escaliers, sous l'empire du précédent décret, pouvaient être construits en matériaux incombustibles, si la sécurité l'exigeait; désormais cette faculté devient obligation; de plus la largeur de ces escaliers sera proportionnée au nombre des ouvriers à évacuer.

Mais le décret de 1904 avait, pour ainsi dire, négligé de prévoir, à l'égard de l'éclairage et du chauffage, les mesures que commande la prudence la plus élémentaire; le nouveau décret répare cet oubli en réglementant d'une manière très précise le mode d'emploi des matières éclairantes ou chauffantes et l'aménagement des appareils destinés à les utiliser.

Enfin une consigne pour le cas d'incendie devra être affichée dans chaque local de travail et indiquer le matériel d'extinction et de sauvetage qui doit s'y trouver, ainsi que les manoeuvres à exécuter et le nom des personnes désignées pour y prendre part.

Ce sont là toutes prescriptions salutaires, mais qui gagneraient évidemment à être réunies dans un seul texte. Le nombre des décrets, règlements, circulaires pris à l'occasion de la loi sur l'hygiène du travail devient considérable : il est à souhaiter qu'une fois cette législation mise au point, on pense à la codifier, de manière à simplifier la tâche de ceux qui sont chargés de l'appliquer, et aussi de ceux qui en sont les bénéficiaires.

Art. 1er.

L'article 16 du décret du 29 novembre 1901 est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :

Art. 16, § a (Sorties). Les portes des ateliers, des magasins ou des bureaux devront s'ouvrir de dedans en dehors, soit qu'elles assurent la sortie sur les cours, vestibules, couloirs, escaliers et autres dégagements intérieurs, soit qu'elles donnent accès à l'extérieur. Dans ce dernier cas, la mesure ne sera obligatoire que lorsqu'elle aura été jugée nécessaire à la sécurité.

Si les portes s'ouvrent sur un couloir ou sur un escalier, elles devront. être disposées de façon à se développer sans faire saillie sur ce dégagement. Les sorties seront assez nombreuses pour permettre l'évacuation rapide de l'établissement; elles seront toujours libres et ne devront

jamais être encombrées de marchandises, de matières en dépôt ni d'objets quelconques.

Dans les établissements importants, des inscriptions bien visibles indiqueront le chemin vers la sortie la plus rapprochée.

Dans les ateliers, magasins ou bureaux où sont manipulées des matières inflammables, si les fenêtres sont munies de grilles ou grillages, ces grilles ou grilllages devront céder sous une légère poussée vers l'extérieur pour servir éventuellement de sorties de secours.

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§ b (Escaliers). Les escaliers desservant les locaux de travail seront construits en matériaux incombustibles ou en bois hourdé plein en plâtre.

Le nombre de ces escaliers sera calculé de manière que l'évacuation de tous les étages d'un corps de bâtiment contenant des ateliers puisse se faire immédiatement.

Une décision du ministre du commerce prise après avis du comité consultatif des arts et manufactures pourra toujours, si la sécurité l'exige, prescrire un nombre minimun de deux escaliers.

Tout escalier pouvant servir à assurer la sortie simultanée de vingt personnes au plus aura une largeur minimum de 1 mètre ; cette largeur devra s'accroître de 15 centimètres pour chaque nouveau groupe du personnel employé, variant de une à cinquante unités.

Les passages ménagés à l'intérieur des pièces, ainsi que les couloirs conduisant aux escaliers, auront les mêmes largeurs que ceux-ci et seront libres de tout encombrement de meubles, sièges, marchandises ou matériel.

Sc (Éclairage et chauffage). Il est interdit d'employer pour l'éclairage et le chauffage aucun liquide émettant des vapeurs inflammables audessous de 35 degrés à moins que l'appareil contenant le liquide ne soit solidement fixé pendant le travail; la partie de cet appareil contenant le liquide devra être étanche de manière à éviter tout suintement de liquide.

Aux heures de présence du personnel, le remplissage des appareils d'éclairage ainsi que des appareils de chauffage à combustion liquide, soit dans les ateliers, soit dans les passages ou escaliers servant à la circulation du personnel, ne pourra se faire qu'à la lumière du jour et à la condition qu'aucun foyer n'y soit allumé.

Les tuyaux de conduite amenant le gaz aux appareils d'éclairage ou de chauffage seront en métal ou enveloppés de métal.

Les flammes des appareils d'éclairage ou des appareils de chauffage portatifs devront être distantes de toute partie combustible de la coustruction, du mobilier ou des marchandises en dépôt, d'au moins 1 mètre verticalement, et d'au moins 30 centimètres latéralement; des distances moin tres pourront être tolérées en cas de nécessité en ce qui concerne les murs et plafonds, moyennant l'interposition d'un écran incombustible qui ne touchera pas la paroi à protéger.

Les appareils d'éclairage portatifs auront une base stable et solide.

Les appareils d'éclairage fixes ou portatifs devront, si la nécessité en est reconnue, être pourvus d'un verre, d'un globe, d'un réseau de toile métallique, ou de tout autre dispositif propre à empêcher la flamme d'entrer en contact avec des matières inflammables.

Tous les liquides inflammables, ainsi que chiffons et cotons imprégnés de ces substances ou de substances grasses, seront enfermés dans des récipients métalliques, clos et étanches.

Ces récipients, ainsi que les gazomètres et les récipients pour l'huile et le pétrole lampant, seront placés dans des locaux séparés et jamais au voisinage des passages ou des escaliers.

§ d (Consignes pour le cas d'incendie). Les chefs d'établissement prendront les précautions nécessaires pour que tout commencement d'incendie puisse être rapidement et efficacement combattu.

Une consigne affichée dans chaque local de travail indiquera le matériel d'extinction et de sauvetage qui doit s'y trouver et les manœuvres à exécuter en cas d'incendie avec le nom des personnes désignées pour y prendre part.

La consigne prescrira des essais périodiques destinés à constater que le matériel est en bon état et que le personnel est préparé à en faire usage.

Cette consigne sera communiquée à l'inspecteur du travail; le chef d'établissement veillera à son exécution.

III.

LOI DU 27 MARS 1906, MODIFIANT LES DISPOSITIONS DE LA LOI DU 3 JUILLET 1877 RELATIVE AUX RÉQUISITIONS MILITAIRES (1).

Notice par M. Henri SERRE, docteur en droit, avocat à la cour d'appel de Paris.

La loi du 27 mars 1906 ne modifie ni les principes fondamentaux ni le mécanisme général de la législation existante en matière de réquisitions militaires. Elle en corrige certains articles illogiques ou injustes et la complète fort heureusement par deux dispositions nouvelles du plus grand intérêt.

Cette loi émane de l'initiative gouvernementale.

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(1) J. Off. du 29 mars 1906. TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Chambre projet déposé par le général André, doc. 1903, p. 304; rapports de M. Sabaterie au nom de la commission de l'armée, doc. 1903 (sess. extraord.), p. 145, doc. 1905, p. 593; urgence, adop tion, 21 juin 1905. Sénat: rapport de M. Milliès-Lacroix, doc. 1906, p. 144; urgence, adoption avec modifications, 27 février 1906. Chambre rapport, doc. 1906, p. 234; adoption, 22 mars 1906.

Préparé par l'administration militaire, le projet fut déposé sur le bureau de la Chambre des députés par le général André, ministre de la guerre, le 30 mars 1903. Il fut accepté intégralement par la commission chargée de l'examiner et voté sans discussion le 21 juin 1905.

Le Sénat apporta à ce texte certaines corrections procédant du désir de protéger plus efficacement les intérêts privés et de maintenir intact le principe de la fixation des indemnités par l'autorité judiciaire en cas de litige. Ses décisions furent ratifiées par le gouvernement et par la Chambre.

Nous résumerons très brièvement les traits caractéristiques de la réforme réalisée. Il nous paraît cependant utile de rappeler tout d'abord que, si le fait matériel de la réquisition est ancien comme la guerre dont il constitue une conséquence inéluctable, son organisation méthodique est au contraire relativement récente.

La première loi détaillée et complèle réglementant le droit de réquisition fut celle du 18 brumaire an III qui servit de base jusqu'en 1877. La loi du 3 juillet 1877 abrogea expressément la législation antérieure et posa les règles générales de la matière. Elle est aujourd'hui modifiée ou complétée par la loi du 27 mars 1906, sur les quatre points suivants réglementation du droit de requérir; réquisition des animaux et voitures; emploi des voies navigables; réquisition des mines et des combustibles minéraux.

Aux termes de l'article 3 de la loi de 1877, le droit de requérir appartient à l'autorité militaire ». Cet article fut interprété comme édictant, à l'égard des civils, une incapacité absolue de faire une réquisition, même en vertu d'une délégation de l'autorité militaire. Le règlement d'administration publique déterminant, en vertu de l'article 4 de la loi, les autorités ayant qualité pour ordonner ou exercer des réquisitions indiqua uniquement comme délégataires possibles du droit de requérir les fonctionnaires de l'intendance ou les officiers commandant des détachements.

Cette exclusion systématique de l'élément civil était bien injustifiée. Beaucoup de civils peuvent, à raison soit de leurs fonctions soit de leurs connaissances spéciales, être employés plus utilement même que les militaires au service des réquisitions.

La loi nouvelle a corrigé cet illogisme en spécifiant dans l'article 4 de la loi de 1877 que la délégation pourrait, à titre exceptionnel et seulement en cas de mobilisation, être donnée à une personne n'appartenant pas aux cadres de l'armée.

Les dispositions concernant la réquisition des animaux et voitures ont subi quelques modifications intéressantes relatives à l'étendue du droit, aux mesures préparatoires et surtout au règlement des indemnités.

Jusqu'alors les voitures attelées pouvaient seules être réquisitionnées. Celles dont le propriétaire ne pouvait fournir l'attelage échappaient, quelle que fût leur utilité comme matériel de transport. Il a suffi, pour faire cesser celte anomalie, de rayer le mot « attelées » dans les articles 36 et suivants.

L'àge auquel les animaux peuvent être soumis au recensement a été abaissé. La période annuelle d'inspection et de classement a été prolongée. Le rassemblement par commune a été substitué au rassemblement par canton..

Notons enfin une correction équitable apportée au système de fixation du prix des animaux réquisitionnés.

La loi de 1877 fixait d'avance ce prix à un chiffre forfaitaire et immuable pour chaque catégorie, sans tenir aucun compte ni des différences d'âge ni des différences de qualité. On a maintenu dans son principe ce système de la fixation des prix d'avance par voie budgétaire, préférable à l'évaluation par experts parce qu'il est plus prompt, mais on en a corrigé l'injustice dans la mesure du possible. Un texte nouveau, substitué à l'ancien article 56, gradue les prix d'après l'âge des animaux et autorise même la commission de réquisition à fixer exceptionnellement un prix supérieur au prix budgétaire pour les animaux ayant une valeur notablement supérieure à ce prix.

La loi de 1877 n'avait pas prévu le droit de réquisition sur les voies navigables qui constituent cependant un instrument de transport précieux pour le matériel lourd et encombrant. C'était une omission fâcheuse, aujourd'hui réparée par une disposition nouvelle, insérée à la place de l'ancien article 55. Le régime institué est analogue à celui déjà prévu pour les chemins de fer.

Désormais, en cas de mobilisation partielle ou totale, le ministre de la guerre désignera les voies navigables qui seront exploitées sous la direction de l'autorité militaire par les services de navigation ou par des troupes spéciales. Les transports commerciaux, comme du reste toute circulation, cesseront de plein droit sur ces voies; les bateaux de toute nature qui s'y trouveront, leurs équipages, leur chargement et même les marchandises déposées sur les ports pourront être réquisitionnés.

La disposition finale de la loi nouvelle a trait aux mines et aux combustibles minéraux. Elle consacre une extension importante du droit de réquisition. Aucune disposition spéciale n'existait à cet égard dans la loi de 1877 et on estimait que le droit de requérir des combustibles dérivait suffisamment des termes généraux de l'article 5. Un texte précis, conférant au ministre de la guerre le droit de requérir non seulement les combustibles existants mais encore ceux à extraire et au besoin les mines elles-mêmes, lui donnant en un mot une sorte de droit de préemption sur la production des mines, a été ajouté à la loi (art. 56).

Les exploitants de mines sont tenus de fournir les quantités de combustibles qui leur sont demandées. En cas d'inexécution par mauvais vouloir d'un ordre de réquisition, l'exploitant de la mine est passible d'une amende et le ministre peut même procéder à la prise de possession de la mine pour en assurer l'exploitation par les ingénieurs de l'État.

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