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les fuit de loin. A la porte de l'enfer i apperçoit Abdiel, autrefois fon ami intime. Sa douleur, fes regrets. Satan & Adramelec approchent de la terre. Les deffeins, les fureurs d'Adramèlic dès qu'il l'apperçoit. Il defcend avec Setan fur la montagne des oliviers.

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CHANT

SECOND.

LES premiers rayons du jour éclairoient

déjà la cime des forêts de cedres : Jefus s'éveille; il fe leve, & les ames des patriarches treffaillirent de joie à sa vue. A Î'instant, l'ame d'Adam & celle de la divine Eve entonnerent à l'uniffon ce cantique d'alégreffe.

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«O le plus beau, le plus fortuné des » jours! tu feras éternellement pour nous » un jour facré, un jour de fête, un jour » au-deffus de tous ceux qui te fuivront.

Lorfque la révolution des temps te ramé» nera, l'ame de l'homme, le chérubin » & le féraphin te falueront à ton lever & » à ton coucher, préférablement à tous les » autres jours. Lorfque tu defcendras fur » la terre les aftres s'emprefferont de » s'étendre dans l'immenfité des cieux; & lorfque tu remonteras vers le trône de la » gloire de Dieu, nous irons au-devant de toi, nous te bénirons, nous te recevrons,

» dans toute la pompe d'un jour folemnel, » au milieu des concerts d'alégreffe, & » des cantiques de louange. Jour immortel, » qui découvres à nos yeux confolés le » Meffie, Dieu lui-même, dans fon état » d'abaiffement fur la terre! de quel éclat » il brille fous les traits de la nature » humaine ! La Divinité refpire dans fon air » majestueux !

que

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Ainfi retentiffoit la voix d'Adam & d'Eve dans les voûtes céleftes. Le Sauveur l'entendit du fond de fa folitude. C'eft ainfi les prophetes abforbés dans les méditations de l'avenir entendoient au loin la voix de l'Eternel dans les déferts. Jefus defcend de la montagne, & s'avance vers un bouquet de palmiers, dont la tête environnée des nuages tranfparents du matin, s'élevoit au-deffus de la forêt. Il apperçoit Raphaël, l'ange tutelaire de Jean, qui prioit fous ces palmiers. Le fouffle du zéphir porta fes prieres vers lui.

« Viens, Raphaël, lui dit le Meffie avec » un doux fourire, viens, marche à mes » côtés, & dis-moi ce qui s'eft paffé la » nuit derniere dans l'ame du pieux Jean; » quelles ont été fes penfées ? lui dont > toutes les penfées font toujours femblables » aux tiennes. Où eft-il à préfent? J'ai veillé fur lui, répondit le féraphin, avec cette

re

&

» follicitude que les anges ont pour les chers
» de tes élus. Des fonges faints, des fonges
>> dont tu étois l'objet, ont occupé fon
» efprit. Ah!fi tu l'avois vu, divin Sauveur,
» lorsqu'un fonge t'offroit à fa penfée, une
» douce férénité fe répandoit fur fon visage.
» A peine Adam me parut-il auffi beau
» au moment, où dans un fommeil léger,
>> ton image & celle d'Eve que tu formois
» alors, vinrent fe peindre à fon ame en-.
» chantée. Je l'ai laiffé parmi les tombeaux,
» où il gémit fur le fort d'un infortuné
» dont s'eft emparé Satan. Son corps pâle
» & décharné préfente à la vue le spectacle
» hideux d'un fquelette dont toutes les
» parties s'agitent avec bruit fur cette pouf-
» fiere des morts. Tu ferois fenfible à la
» douleur de ton difciple compatiffant. Je
» n'ai pu me défendre d'être attendri moi-
» même. Mon ame gémit fur les calamités
» qui affligent tant de créatures que tu def-
» tinės à l'immortalité. »

Gabriel fe tut. Le Meffie leve vers le ciel un regard irrité, & dit : « J'implore » ta puiffance, Pere éternel; frappe l'ennemi » du genre-humain, & que ce facrifice » foit à jamais pour les cieux un fujet de » triomphe, & un fujet de rage & de con» fufion pour les enfers! »

A ces mots, il s'avance vers ces tom

le

beaux taillés dans des rochers épars & entaffés confufément les uns fur les autres, au pied de la montagne. L'entrée de ces lieux funebres que le voyageur fuit avec effroi, eft cachée par l'épaiffeur d'un bois lugubre, dont les arbres entrelacés forment une obfcurité impénétrable. Un jour pâle & humide commence à percer à peine dans ces triftes demeures, tandis que foleil du midi darde déja fes rayons brûlants fur la ville de Jérufalem. Lorfque le Meffie arriva, Samma étoit étendu fans mouvement auprès du tombeau de Bennoni, le plus jeune de fes fils, qu'il avoit tant aimé. Satan ne lui avoit laiffé cet intervalle de repos, que pour le tourmenter enfuite d'une maniere plus cruelle. Ce malheureux pere étoit couché à côté des lambeaux du cadavre de Bennoni; fon autre fils pouffoit vers le ciel des gémiffements douloureux. Cet enfant, dont la perte coûtoit tant de larmes, inftruit que fon pere, égaré par Satan, erroit en furieux parmi les tombeaux, avoit, à force d'inftances, obtenu de fa mere, qu'elle voulût bien l'y conduire. A peine avoit-il apperçu fon déplorable pere, que, s'arrachant des bras de fa mere éperdue, il s'élança vers lui, en s'écriant: «Embraffez-moi, » mon pere. » En difant ces mots, il fe jette à fon cou, & lui ferre tendrement la

main

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