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Les anges, les patriarches interdits, por toient leurs regards errants fur les tombeaux, fur le ciel, fur eux-mêmes, & les ramenoient toujours fur la victime fufpendue à la croix. Mais aucun d'eux n'éprouvoit des fentiments auffi tendres, une douleur auffi vive, que la mere du genre humain. Tantôt elle penche vers la terre, vers ce tombeau de les enfants, fa tête dépouillée de fa lumiere; elle étend fes bras vers le ciel. Tantôt elle preffe violemment fes mains l'une contre l'autre, & les ramene fous fon front caché dans la pouffiere. Tantôt elle fe releve à moitié, retombe, fe releve, regarde autour d'elle, & n'y voit que des ténebres. Enfin fa voix s'ouvre un paffage, & fait entendre ces mots entre-coupés par fes pleurs & fes fanglots.

» Oferai-je te nommer mon fils ? oferai» je encore te nommer mon fils F.... Ah në » détourne pas de moi ton œil mourant! »Tu me pardonnas, o mon Rédempteur ! » & celui de mes enfants !.... Les cieux & » le trône de l'Eternel retentirent de la » voix de l'amour qui prononça que la cou

pable mere des humains auroit part à la »vie immortelle. Mais tu meurs! hélas! » tu meurs! que mon immortalité, & celle » de mes defcendants me paroît chere à

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» ce prix !..... Permets-moi de pleurer fur » ta mort! Je fais combien mes larmes font indignes de toi ; cependant permets » que j'en verfe fur toi, & pardonne-les» moi! O toi, que je vois couvert de plaies fanglantes, victime de l'amour le » plus pur & le plus ardent! ô mon Ré» dempteur ! oui, tu me pardonnes !..... » Mais vous, qui êtes nés pour la mort, » déplorables enfants d'Eve, me pardonne» rez-vous auffi ? Si leurs derniers foupirs, » fi leurs regards mourants me maudiffent, » tu me béniras, & Immolé!..... Ne me » maudiffez pas, mes enfants! Souvenez» vous par combien de pleurs & de regrets » j'ai expié ma faute. Mes remords m'ont » fuivie au tombeau; ils y font defcendus. » avec moi..... Lorfque la main de la » mort opprimera votre coeur & le brifera » mes enfans, ne maudiffez pas votre mere. » Le Sauveur, lui qui eft mon fils comme » vous, vient de vous retablir dans vos » droits; il vous a rendu l'immortalité : » une meilleure vie, une vie éternelle » coule pour vous de fes bleffures. Non, » vous ne mourrez pas; un fommeil léger » vous réunira à votre Rédempteur. Vous » verrez briller fes bleffures, les bleffures. » de l'Incréé qui mourut pour vous.. • ma

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» Cependant ô le plus aimé, le plus » chéri!... Ah! quel nom peut te nommer!... tu meurs !.... Heure trifte & terrible puiffes-tu être paffée ! Ceffe de me dechirer les entrailles, penfée accablante, » pentée du tombeau!... Tes joues pâles... »tes bleffures... ton fang... Il meurt !... il » meurt!...Sa tête divine tombe dans la nuit... » Sa refpiration... ô mort! c'eft-là ton cri ter»rible !... & mort! c'eft ta voix effrayante! » Où fuis-je ?.... Mais il daigne tourner fa face vers moi?... Séraphins, célébrez » mon bonheur !... Dites qu'il a porté fa » vue fur la trop heureufe Eve. Que tous » les cieux répetent que Dieu a encore » tourné une fois fa face fur la mere des » mortels!... Le repos, la douceur de la » vie éternelle fe répandent fur moi de » nouveau. J'étends mes, bras ardents, j'éleve »mes regards enflammés vers mon Créateur, » vers celui qu'on immole, â mes enfants! mes chers enfants, & je vous bénis én »fon nom; au nom de celui que l'immenfité ne peut contenir, du Reftaurateur de » l'innocence, du Juge de l'univers, qui » commande à la vie & à la mort ; au nom » de celui qui pardonne au repentir, qui » compte les larmes de la douleur fincere.. » Par le fang qu'il a répandu, par fes blef

» fures, par fes fouffrances, par fes humi liations, par les angoiffes de fa mort, je » vous bénis mes chers enfants, & je vous » confacre à la mort, »

Fin du Chant VIII.

CHANT NEUVIE ME.

ARGUMENT..

Eloa arrive du trône du Juge. Son dif cours aux patriarches. Conduite des amis de Jefus. Jean & Marie au pied de la Croix Douleur de Pierre. Confolation fecrete qu'il reçoit d'Ithurie. Il cherche fes amis. Tandis qu'il les cherche, il eft arrété par Samma & un étranger qui s'entretenoient du Meffie. Il rencontre Lebbée. Douleur de ce difciple pieux. Pierre trouve fon frere André, qui lui reproche avec douceur fa défection. Pierre au défefpoir, reprend le chemin de Golgotha. Entretien d'Abraham avec Moyfe au sujet d'un des voleurs converti. Ifanc fe joint à Pentretien d'Abraham. Ils prient enfemble. Ifaac remarque un cherubin qui conduit des ames vers la croix. Quelles étoient ces ames. Le Meffie confole par un regard Jean & Marie,

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