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l'a fait passer; vous savez que c'était encore une partie de nos honorables collègues de la droite qui ne voulaient pas se prêter, ou qui se prétaient avec déplaisir à ce qu'on a appelé la loi des maires; ils ont voulu faire une réserve et ils ont dit: Nous votons cela dans l'intérêt du Gouvernement; nous ne voulons pas nous séparer du cabinet, mais nous exigeons que, dans le délai de deux mois, la loi organique municipale soit présentée. Que voulait-on dire par une loi organique municipale? On voulait dire précisément une loi qui devait trancher la question d'organisation et de nomination des maires, et c'est pour cela que vous avez inscrit dans votre loi qu'elle serait présentée dans le délai de deux mois. Ce délai est expiré, et je ne comprends pas qu'on vous invite à evenir sur votre vote du 20 janvier. Je vous demande de ne pas vous déjuger sur la loi du 20 janvier.

Je vous demande aussi de ne pas revenir sur votre vote du 16 mai.

Je n'entre pas dans des considérations politiques, je ne recherche pas les raisons du vote du 16 mai; mais il y a deux votes solennels d'une Assemblée souveraine, l'un du 20 janvier, l'autre du 16 mai je la prie de ne pas se déjuger.

Mettez donc, messieurs, à votre ordre du jour d'abord la loi organique municipale tout entière, et ensuite la loi électorale politique. Il y aurait re lecture de la loi organique municipale, puis 1re lecture de la loi électorale politique, et ainsi de suite alternativement pour les deux autres lectures, jusqu'au vote définitif de l'une et l'autre loi.

Nous resterons ainsi fidèles aux votes du 20 janvier et du 16 mai, nous mènerons à bonne fin les grandes œuvres de nos principales commissions, et nous aurons un travail régulier et assidu qui peut nous occuper pendant deux mois. (Vive approbation et applaudissements à gauche.)

M. le président. La parole est à M. Bé

renger.

A droite et au centre droit. Aux voix ! aux voix !

M. Bérenger (de la Drôme) monte à la tribune et échange à voix basse quelques paroles avec M. le président.

Voix à droite. M. Bérenger parle dans le même sens que M. Waddington!

M. le président. Veuillez bien, messieurs, me permettre de poser la question.

Lorsque M. Bérenger est monté à la tribune, je lui ai demandé, comme il y avait un orateur nscrit pour répondre à M. Waddington, s'il se proposait de parler dans le même sens que l'orateur qui venait de parler.

M. Bérenger m'a répondu qu'il avait une autre proposition sur l'ordre du jour à soumettre à l'Assemblée. (Mouvements divers.)

Je donne la parole à M. Bérenger.

M. Bérenger (de la Drôme). Messieurs, je me proposais, en effet, de demander à l'Assemblée d'écarter à la fois la proposition faite par M. Raudot et la proposition faite par la minorité de la commission de décentralisation, et de substituer à ces deux propositions, en tête de son ordre du jour, le projet de la loi électorale politique. (Exclamations sur un grand nombre de bancs à droite.)

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M. le marquis de Dampierre. Alors, rappelez M. de Broglie! I va retrouver sa majorité! (Mouvement prolongé.)

M. Bérenger (de la Drôme). Je ne me dissimulais pas, messieurs, que la difficulté principale que devait rencontrer cette proposition était dans le vote émis par l'Assemblée... (Interruptions sur divers bancs.)

Plusieurs membres à droite. Par vous! par vos amis !

M. Bérenger (de la Drôme) ...le 16 de ce mois, et que l'objection pourrait être d'autant plus considérable contre moi, que j'avais pris part à ce vote.

Néanmoins, j'avais la pensée qu'il était facile d'établir, en m'autorisant d'une jurisprudence parlementaire constante, que lorsque, sur une question déterminée, une question de cabinet, une question de confiance, vient à naître... (Exclamations et murmures à droite. — Parlez parlez! à gauche.)

M. Raudot. Je demande la parole.

M. le président. Pour que l'orateur puisse continuer, il faut faire silence; ces interruptions prolongées font perdre un temps considérable.

M. Bérenger (de la Drôme). ...c'était sur la question de confiance que s'établissait le vote et non sur la question d'affaires. (Nouvelles exclamations à droite.)

M. Audren de Kerdrel. Ceci est un pétard sans artifice! (Rires bruyants à droite.)

M. Hervé de Saisy. C'est une subtilité byzantine. Le régime parlementaire ne serait qu'une comédie; il n'y a pas de vote à double portée. (Bruit prolongé.)

M. le président. Je réclame de nouveau le silence il est impossible à l'orateur, constamment interrompu, d'expliquer sa pensée.

M. Bérenger (de la Drôme). Il m'eût été facile, en outre, d'établir... (Nouvelles interruptions à droite.)

Voix diverses. Parlez! parlez!

M. Bérenger (de la Drôme). Je ne parlerai pas avant qu'on ne m'écoute. (Le silence se rétablit.)

Je dis, en outre, qu'il m'eût été facile d'établir que l'Assemblée est toujours maîtresse de régler son ordre du jour...

Voix à droite. Il a été réglé!

M. Bérenger (de la Drôme). ... qu'un ordre du jour fixé pour une séance déterminée pût être en conséquence modifié surtout lorsque des circonstances nouvelles et urgentes se présentent. (Exclamations ironiques à droite.)

M. le président. Je réclame, pour la troisième fois, le silence. J'invite l'orateur à attendre que le silence soit rétabli avant de continuer. Îl a demandé la parole pour faire une proposition; il use de son droit, et ce droit doit être respecté. (Marques d'assentiment.)

M. Bérenger (de la Drôme). Je dis, messieurs, que je me disposais à faire cette simple proposition.

Les paroles que vient de prononcer l'honorable M. Waddington et la possibilité qu'il reconnait, au nom de la commission, sans doute...

M. de Chabrol. Pas du tout!

M. Bérenger (de la Drôme). Au nom de la minorité !......la possibilité qu'il reconnaît de

pouvoir voter successivement la loi municipale d'abord et la loi électorale politique ensuite, de telle sorte que la 1re lecture de la loi électorale suive immédiatement la 1re lecture de la loi municipale, me décide à amender la proposition que je voulais vous faire, et voici en quels termes. (Ah! ah! à droite.)

Vous n'y gagnerez rien, messieurs, et la question viendra malgré vous, malgré tous vos efforts pour empêcher que cette Assemblée ne constitue une institution sérieuse qui nous donne quelques années de calme et empêche les menées qui jettent le désordre dans le pays. (Vive approbation à gauche et au centre gauche. Réclamations à droite.)

M. le vicomte de Meaux. Et votre vote à yous! votre vote du 16 mai!

M. Bérenger (de la Drôme). Votre tactique est facile à saisir... (Nouvelles réclamations à droite et eris: A l'ordre! à l'ordre!)

A gauche. Parlez! parlez!

M. Bérenger (de la Drôme). Vous comprenez que ce n'est ni l'assentiment du pays ni même l'assentiment de cette Assemblée qui peuvent vous permettre d'arriver au but que vous poursuivez, et vous cherchez à maintenir les incertitudes qui seules peuvent vous y conduire.

Je viens faire ici une proposition honnête; elle trouble vos projets, et vous ne voulez seulement pas l'écouter. (Très-bien ! trèsbien ! à gauche. Rumeurs à droite.)

Eh bien, on saura dire que vous avez empêché l'orateur de développer cette proposition, et on saura comprendre dans quel but vous l'avez fait. (Nouvelles interruptions à droite. Approbation à gauche.)

Mon but était celui-ci, je prétends qu'il était loyal et que j'ai droit, en le développant, à votre attention.

Je voulais expliquer qu'au 16 mai il y avait eu beaucoup d'équivoques et que, parmi ceux qui avaient voté contre le Gouvernement... (Rires ironiques à droite.)

Vos ricanements indécents ne m'empêcheront pas de poursuivre. (Réclamations et murmures à droite. Vifs applaudissements à gauche.)

Voix à droite. A l'ordre! à l'ordre !

M. Bérenger (de la Drôme). Je le répète, mon but avait été de dire qu'au 16 mai il y avait eu trop d'équivoques et qu'il était temps de les éclaircir; qu'un vote sur la question de confiance... (Non! non! à droite) avait eu lieu en quelque sorte presque sans discussion; qu'il avait absorbé et fait disparaître la question de priorité.

Vous contestez que le Gouvernement ait posé la question de confiance; comment donc expliquer qu'il se soit retiré après le vote? (Très-bien! à gauche.)

M. Depeyre. Je demande la parole.

M. Bérenger (de la Dròme). Il y a eu tellement d'équivoques, que plusieurs membres de cette Assemblée, du côté où j'ai l'honneur de siéger, pensaient qu'il était indispensable, nécessaire de faire sortir de nos délibérations une Constitution sérieuse qui, pendant un certain nombre d'années que vous avez vous-mêmes fixées, assurerait la tranquillité du pays. (Très-bien! très-bien ! sur plusieurs bancs du côté gauche.)

Ils pensaient qu'il était nécessaire d'avoir une majorité compacte, décidée à arriver à ce résultat. On leur disait que la loi électorale était une première partie des lois constitutionnelles annoncées; ils voulaient donner leur appui à cette loi électorale et voulaient en håter le vote. Qu'est-il arrivé? Au moment où la question était posée....

Plusieurs membres à droite. Pourquoi avezvous voté contre?

M. le président. Veuillez ne pas interrompre, messieurs; je rappelterai à l'ordre les interrupteurs. (Très-bien! très-bien! à gauche.)

M. Bérenger (de la Drôme). Au moment où la question était posée, au moment où elle allait être résolue, alors que le vote allait porter uniquement et directement sur la question de priorité, alors que nous étions un certain nombre, - je dirai volontiers un grand nombre, qui nous disposions à voter cette priorité, le chef du cabinet est venu à cette tribune et nous a demandé s'il avait notre confiance.

Plusieurs membres à droile. Non! non!

M. Bérenger (de la Drôme). Non! Mais c'est nier l'évidence que de dire non, lorsque l'événement a été suivi de la retraite du cabinet. Tout le monde savait bien que le cabinet cherchait l'occasion de venir se fortifier par un vote de confiance dans l'Assemblée, de sorte qu'au devant de la question d'affaires qui nous était posée et que nous allions résoudre s'est placée une question de cabinet, la question de savoir si le ministère du 20 novembre avait ou n'avait pas notre confiance.

Eh bien, messieurs, je me suis trompé, parait-il, puisque de ce côté de l'Assemblée (la droite), j'entends traiter mon appréciation d'une façon si sévère qu'on refuse même d'en entendre le développement; je me suis trompé, peut-être, mais je l'ai fait sans aucune hésitation et avec un grand nombre de mes collègues. Nous avons cru que lorsque les membres d'un cabinet tout entier, composé d'hommes honorables, nous disaient: Avons-nous votre confiance? Notre devoir était, oubliant la question accessoire, de lui répondre si, oui ou non, ils l'avaient. Eh bien, messieurs, c'était le malheur de la situation, ils ne l'avaient pas, et nous le leur avons dit. (Mouvements en sens divers.)

Mais en le leur disant, nous n'avons pas entendu un moment nous écarter de la voie que nous voulions suivre avec énergie. Cette voie est celle-ci puisque nous ne pouvons pas faire une institution définitive, puisque vous avez été impuissants, ayant toutes les forces de la puissance publique entre les mains, à faire la monarchie... (Murmures à droite); puisque nous avons été, malheureusement, impuissants à faire la république, nous voulons, avec toute l'énergie dont nous sommes capables, faire au moins une institution de quelque durée, celle dont vous avez vous-mêmes fixé le terme, pour assurer quelque paix au pays. Nous voulons que cette institution dure avec l'illustre chef de l'Etat que vous avez vous-mêmes désigné...

M. Amédée Lefèvre-Pontalis. Et que nous maintiendrons!

...

M. Bérenger (de la Drôme). que vous avez vous-mêmes désigné...

M. Amédée Lefèvre-Pontalis. Nous l'avons nommé contre vous.

M. Bérenger (de la Drôme). Contre nous, vous avez raison de le dire.

Eh bien, nous vous donnons cette preuve de sagesse que, n'ayant pas choisi le chef de l'Etat, mais par esprit de sacrifice, d'abnégation, par dévouement au pays... (Rumeurs ironiques à droite), par une intelligence bien entendue de ses intérêts, nous venons vous dire: Nous acceptons la durée des pouvoirs de celui que vous avez choisi. Nous ajoutons seulement que nous ne voulons pas que ces pouvoirs soient tellement attachés à sa personne, qu'ils ne puissent subsister sans elle. (Ah! ah! à droite.) Nous voulons qu'ils aient dans tous les cas leur entière durée et que si la fatalité venait à nous priver des services éminents de l'illustre maréchal, une institution nous répondit de leur régulière transmission jusqu'à l'expiration des sept années. (Très-bien! sur plusieurs bancs à gauche. - Mouvements divers.) Voilà ce que nous avons toujours voulu.

M. Cézanne. Voilà ce que veut le pays! M. Bérenger (de la Drôme). Oui, voilà ce que veut le pays; j'en ai l'énergique convic

tion.

Voilà ce que nous vous demandons encore də faire avec nous.

Ce sont ces considérations qui nous portaient à réclamer immédiatement un vote urgent des lois constitutionnelles. Comment se fait-il que, le 16 mai, nous ayons été écartés de ce but? Je vais vous le dire, messieurs, si vous voulez bien m'écouter.

je le

Nous avons été écartés de ce but, dirai, je l'espère, sans froisser personne, parce que, la veille, une loi politique avait été déposée. Nos défiances ont-elles été exagérées? Ne nous a-t-on pas laissé suffisamment le temps de la réflexion, le temps de prendre des renseignements, de poser des interrogations? Je l'ignore. Il est certain que le vote de confiance qu'on nous a demandé au lendemain nous a paru prendre le caractère d'un acte d'adhésion à cette loi. (Mouvements divers.) Eh bien, cette loi, nous ne pouvions pas l'accepter. Il nous a semblé qu'elle contenait une disposition propre à permettre, quand on croirait le moment venu, de faire disparaitre l'institution qu'on disait vouloir constituer. (Oh! oh! à droite.) Nous voulions, avant tout, que rien ne pût abréger sa durée. Nous n'avons pas cru devoir donner notre confiance au cabinet qui avait déposé la loi... (Interruptions à droite.)

Ce vote a eu la signification que je viens d'indiquer, et, s'il avait été permis sur une question de priorité de s'expliquer, si nous eussions pu soulever une discussion politique à propos d'une simple question d'ordre du jour brusquement introduite... (Exclamations à droite.)

Plusieurs membres à droite. C'est ce que vous faites en ce moment!

M. le marquis de La Rochejaquelein. C'est le deuxième discours-ministre que nous entendons aujourd'hui. (Bruit.)

M. Bérenger (de la Drôme). J'entends,

depuis le commencement de mon discours, des interruptions venues de ce côté (l'orateur désigne la droite), interruptions que je pourrais qualifier autrement. Je ne les relèverai pas; il est trop commode d'adresser des outrages à l'homme qui est à la tribune: on sait que sa dignité ne lui permet pas de répondre. Je demande qu'on vienne me tenir au pied de la tribune les propos qu'on ose m'adresser de loin, sans se faire connaître. (Très-bien! très-bien et applaudissements répétés à gauche.)

!

M. le président. Je n'ai entendu aucune parole outrageante.

M. Bérenger (de la Dròme). Je ne m'attendais pas, en vérité, messieurs, à faire un discours politique; c'est vous qui m'y avez contraint. (Dénégations sur quelques bancs à droite.) Je voulais me borner à donner une explication dans les termes les plus concis et les plus simples; j'y reviens et je reprends le ton que je n'aurais pas voulu quitter.

M. Hervé de Saisy. A la bonne heure!

M. Bérenger (de la Drôme). Je croyais donc, messieurs, qu'il n'y avait rien d'inconciliable entre la proposition que je voulais faire et le vote du 16 mai.

Néanmoins, l'honorable M. Waddington étant venu dire à cette tribune que la 1re lecture de la loi municipale pourrait être immédiatement suivie de la 1re lecture de la loi électorale, je me borne à demander que votre vote enregistre cette déclaration. Allant plus loin, je préviens en outre l'Assemblée que mon intention est de demander après la fre lecture que le pas soit rendu à la loi électorale politique sur la loi municipale.

Ce qui m'y porte, c'est, si vous voulez que je vous dise ma pensée, la conviction qu'une délibération sur la question municipale n'aboutira pas.

Lorsque je réfléchis qu'il y a plus de trois ans bientôt que la commission de décentralisation travaille à rédiger les dix-sept articles qu'elle nous apporte; qu'elle les a un moment abandonnés, puis repris et retouchés; qu'elle a fait un premier rapport; qu'elle en a fait un second pour retoucher le premier... (Interruptions), et que maintenant, au terme de son travail, touchant à l'époque où son œuvre va être discutée, elle trouve que sur ces dix-sept articles, il n'y en a que six qui puissent affronter la discussion...

M. de Chabrol. C'est une erreur! On n'a jamais dit cela ! Vous dénaturez absolument les paroles de M. Raudot.

M. le président. N'interrompez pas !

M. Bérenger (de la Drôme). Je ne répète pas le langage de M. Raudot; je dis les appréhensions que m'inspirent les vicissitudes déjà subies par le projet.

Lorsque, ensuite, la minorité de la commission qui me parait soutenue par l'assentiment de l'Assemblée I vient nous dire: Ce ne sont pas les six articles, c'est la loi tout entière qu'il faut voter, et ce vote exigera plus d'un mois; je ne puis m'empêcher de prévoir les multitudes de contre-projets, d'amendements, et d'avance je m'effraye.

Il a fallu trois ans à la commission... (Rumeurs à droite.) Vous savez, messieurs, quelle quantité d'amendements elle a eu à examiner.

M. de Chabrol. Vous ne pouvez pas discuter le fond de la question.

M. Bérenger (de la Drôme). Laissez-moi aller jusqu'au bout. La tribune est accessible à tout le monde; elle vous sera ouverte après moi. Qu'il me soit permis de m'expliquer.

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M. le président. Il y a plusieurs personnes inscrites pour répondre à l'orateur. Je réclame le silence pendant qu'il est à la tribune. M. Bérenger (de la Drôme). J'achève par ce seul mot: nous allons perdre beaucoup de et l'honorable M. Raudot a laissé temps, apercevoir quelle était sa préoccupation, nous prenons la loi entière, nous ne sommes pas certains d'aboutir à une solution. Or, nous sommes arrivés à un moment où il n'y a plus de temps à perdre, où, s'il y a quelque chose de nécessaire à faire, il faut l'entreprendre immédiatement; c'est sous l'empire de ce sentiment que je considère comme la chose la plus essentielle et la plus urgente le vote de la loi électorale politique.

S'il y avait pour cela des raisons considérables le 16 mai, il y en a de nouvelles, et de plus graves encore aujourd'hui. Je me dispenserai de les énumérer. Mais ceci me porte à vous répéter qu'aussitôt la 1re lecture des deux lois, je reprendrai ma proposition et réclamerai la priorité pour la loi électorale politique. (Mouvements en sens divers.)

(M. le marquis de Castellane monte à la tribune.)

Voix à droite. Laissez parler M. Depeyre. (M. de Castellane descend de la tribune et y est remplacé par M. Depeyre.)

M. le président. La parole est à M. Depeyre.

M. Octave Depeyre. Je n'ai que quelques mots à dire. Je ne fatiguerai pas longtemps la bienveillante attention de l'Assemblée. Je ne répondrai pas à tout ce qu'a dit M. Bérenger; mais il y a dans les paroles qu'il a prononcées quelque chose qui touche directement au cabinet dont j'avais l'honneur de faire partie et qui s'est retiré après le vote du 16 mai.

Pourquoi, messieurs, le ministère s'est-il retiré le 16 mai? (Ah! ah! à gauche. - Parlez! à droite.) Il s'est retiré parce qu'il a voulu tenir une promesse solennellement faite à cette tribune, et qu'il a cru que le vote du 16 mai en empêchait la réalisation.

Que se passait-il à cette tribune le 19 novembre dernier, le jour où l'Assemblée vota la prorogation des pouvoirs du maréchal de Mac Mahon? (Interruptions à gauche.)

De ce côté de l'Assemblée (l'orateur désigne la gauche), il y avait de nos collègues qui nous disaient Nous acceptons la prorogation des pouvoirs, mais à une condition, c'est qu'elle sera subordonnée au vote des lois constitutionnelles; nous ne voulons pas de prorogation ferme, irrévocable à partir de ce jour.

C'était là, au contraire, messieurs, ce que nous voulions et ce que nous demandions.

Quel était donc le débat qui s'agitait entre nous? Vous vous le rappelez de ce côté de l'Assemblée, de cette fraction à laquelle appartient l'honorable M. Bérenger, on nous disait : Nous ne comptons pas sur votre promesse de voter des lois constitutionnelles, nous ne croyons pas à votre affirmation. (Interruptions à gauche.)

Cela, messieurs, était si vrai, que, dans la proposition primitive, il y avait ce texte que je rappelle dans ses termes formels : L'Assemblée nommera sans délai une commission chargée de préparer les lois constitutionnelles. Et ce mot & sans délai ayant été trouvé trop élastique par ceux qui étaient nos adversaires dans la commission, c'est un de nous, - le rapport de l'honorable M. Laboulaye en fait foi, qui proposa de substituer à ces mots trop larges, trop élastiques, le terme fixe de Mouvetrois jours. (Assentiment à droite. ments divers.)

Voix à gauche. Et il y a un an de cela !

M. Octave Depeyre. Voilà, messieurs, sur quel terrain nous étions placés ce jour-là, et permettez-moi de vous dire que si j'ai tenu à monter à cette tribune, c'est que je me suis senti plus personnellement engagé que tout autre par les déclarations que j'avais apportées moi-même à l'Assemblée, dans la séance du 19 novembre.

Qu'a donc fait le Gouvernement? La commission des lois constitutionnelles fut nommée dans les trois jours, et dès sa première réunion elle pensa d'abord qu'elle devait s'occuper de la loi électorale. (Interruptions à gauche.)

Voix à gauche. Ce n'est pas une loi constitutionnelle!

M. le président. Veuillez ne pas interrompre. Une explication a été provoquée; il faut au moins entendre l'orateur qui répond à cette demande d'explications.

M. Octave Depeyre. Je réponds à l'objection, que la loi électorale paraissait une loi si essentiellement organique au Gouvernement qui a précédé celui du 24 mai, que l'honorable M. Dufaure déposa, pour être envoyé à la commission des lois constitutionnelles, son projet de loi électorale.

La commission des lois constitutionnelles pensa donc qu'elle devait commencer par la loi électorale, et le Gouvernement, par la bouche de M. le duc de Broglie lorsqu'il se rendait dans la commission des lois constitutionnelles, multiplia plusieurs fois ses exhortations afin que la commission se hâtât dans la confection de cette loi. La commission termina enfin son travail et nous apporta son projet.

Eh bien, c'était la première loi qui sortait de cette commission des lois constitutionnelles que vous nous accusiez de ne pas vouloir nommer assez vite. Vous aviez trouvé que les mots

sans délai » laissait encore place aux soupçons et nous avions répondu : Elle sera nommée dans un délai de trois jours. Cela voulait bien dire que nous entendions voter le plus tôt possible les lois constitutionnelles.

La première loi qui sortait de cette commission, c'était donc la loi électorale; elle fut déposée sur le bureau de l'Assemblée avant notre séparation.

Lorsque l'Assemblée s'est réunie de nouveau, le Gouvernement a considéré qu'il y avait pour lui un devoir d'honneur, un devoir de conscience, de maintenir la priorité de la loi électorale. (Vive approbation et applaudissements au centre droit et à droite.) C'était la première loi venue de la commission, et nous avons considéré qu'il y avait pour nous un engagement d'honneur à tenir.

A l'époque de la prorogation des pouvoirs du maréchal de Mac Mahon, vous aviez répondu à nos affirmations par des défiances, et je vous rappelle qu'à la séance du 19 novembre, je vous disais: A vos défiances, je pourrais bien en opposer d'autres. » (Oui! oui! - C'est vrai! à droite.)

Je ne répéterai pas les paroles que j'ai prononcées alors, car, en les rapprochant de votre vote du 16 mai, la revanche serait trop facile et trop cruelle. (Applaudissements au centre droit et à droite.)

L'honorable M. Bérenger est venu vous dire qu'il désirait ardemment la priorité de la loi électorale; qu'il était de l'avis du cabinet quand il pensait que la loi électorale devait passer la première. Donc, il m'est permis de supposer que M. Bérenger dut se trouver heureux en voyant le 16 mai comment le cabinet tenait les engagements qui avaient été pris le 19 novembre. Malheureusement, M. Bérenger a pensé que ces engagements ne devaient pas être sanctionnés par son vote. (Rires ironiques et applaudissements au centre droit et à droite.) M. Bérenger (de la Drôme). Je conteste que vous ayez jamais tenu vos engagements. (Bruit.)

M. Octave Depeyre. Je n'ai point à insis ter là-dessus. Je prends acte seulement de la déclaration qui a été faite tout à l'heure à la tribune.

Le vote que l'honorable M. Bérenger a émis était un vote directement contraire à ce qu'il voulait, à ce qu'il désirait, à ce qui lui semblait le plus nécessaire au pays. M. Bérenger, -il le reconnait lui-même, a sacrifié ces grandes nécessités politiques à la nécessité susupérieure de renverser le cabinet. (Bravos au centre droit et à droite. Oui! oui! et applaudissements ironiques à gauche.)

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Je n'ajouterai plus qu'un seul mot. Vous avez voulu faire tomber les portefeuilles de nos mains...

A gauche. Oui! oui! (Exclamations à droite.)

A droite. Parlez! parlez!

M. Octave Depeyre. Vous avez voulu faire tomber les portefeuilles de nos mains... A gauche. Oui! oui! (Interruption prolongée.)

M. Octave Depeyre. Vous avez réussi !... Mais ceux-là même pour qui le scrutin du 16 mai n'a pas produit tous les résultats espérés peut-être. (Longue hilarité à droite et au centre droit), ceux-là même seront bien forcés de convenir qu'après avoir résolument provoqué leur vote, nous avons aussi résolument accepté notre défaite, et que nous sommes sortis du pouvoir... (Interruptions bruyantes à gauche.)

M. le président. Attendez le silence; la discussion est impossible au milieu d'interruptions aussi bruyantes et répétées.

M. Octave Depeyre. ...et que nous sommes sortis du pouvoir comme d'honnêtes gens qui estiment, entendez-le bien, que dans la vie publique la fidélité aux engagements est un devoir aussi impérieux que dans la vie privée, et qui prisent plus haut qu'un portefeuille l'honneur des promesses tenues! (Applaudissements répétés à droite et au centre droit. L'orateur, en descendant de la tribune, est fé

licité par un grand nombre de ses collègues. Agitation prolongée.)

M Raudot. Pardon, messieurs, de remonter une troisième fois à la tribune; je conçois parfaitement votre émotion après avoir entendu les paroles de M. Depeyre, mais je voudrais revenir un instant à ma proposition et donner un mot d'explication sur la question d'ordre du jour. (Parlez! parlez !)

Vous avez entendu l'honorable M. Waddington, membre de la commission de décentralisation, qui a été le rapporteur de la loi organique sur les conseils généraux, et je crois qu'il est nécessaire de rectifier deux erreurs qu'il me paraît avoir commises.

La loi organique des conseils généraux dit que les conseillers sont nommés pour six ans ; ils sont renouvelés par moitié tous les trois ans et les membres sont indéfiniment rééligibles.

Ainsi les membres des conseils généraux qui doivent sortir ont été nommés en octobre 1871, et, d'après la loi, il semble donc que leurs pouvoirs n'expireront qu'au mois d'octobre prochain. Mais on interprète la loi de cette manière lorsque les conseils généraux ont fait six sessions, les pouvoirs de la moitié des membres sont expirés. C'est là une interprétation. (Oh ! oh! Rumeurs sur divers bancs.) Je veux bien l'admettre quoique ce soit contraire au texte de la loi.

M. Raudot. M. Waddington a bien dit, en outre, que vous ne pouviez pas faire l'électorat municipal et départemental parce que, nécessairement, les élections devaient avoir lieu au mois de juillet prochain, l'article 23 de la loi disposant que les sessions devaient avoir lieu, de droit, au mois d'août. Mais il n'a pas lu l'article entièrement. « La session dans laquelle sont délibérés le budget et les comptes commence de plein droit le premier lundi qui suit le 15 août et ne peut être retardée que par une loi.. »

Il est bien évident que si la majorité de cette Assemblée veut faire une loi électorale applicable aux conseils généraux, une loi sera nécessaire pour retarder leur session. (Ah! ah! à gauche.)

C'est évident! ce cas est prévu dans la loi et il n'y a là rien d'arbitraire, rien d'illégal. Le retard aura lieu en vertu de la loi. Et alors l'argument présenté par M. Waddington ne me semble pas juste.

Quant à M. Bérenger, il insiste beaucoup pour que la loi électorale tout entière, sans division, soit mise en discussion et il a fini par dire que cette loi électorale tout entière étant mise en discussion, il sera impossible de la faire voter par cette Assemblée.

M. Bérenger (de la Drôme). Je n'ai pas demandé cela! (Bruit.)

M. Raudot. Permettez-moi, messieurs, d'achever ma pensée; l'honorable M. Bérenger a dit que la commission de décentralisation s'était occupée depuis trois ans de la question, que ce n'était qu'après trois ans qu'elle avait pu arriver... (Interruptions diverses.)

Messieurs, permettez-moi de vous dire que la commission de décentralisation n'a pas mis trois ans à cette œuvre, et, dans tous les cas, si elle y avait mis trois ans, ce serait une preuve qu'elle a étudié la question sous toutes

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