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FRAIS DE RÉGIE, DE PERCEPTION ET D'EXPLOITATION DES IMPÔTS
ET REVENUS PUBLICS

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SÉANCE DU MERCREDI 20 MAI 1874

Annexe n° 2392.

RAPPORT SUPPLÉMENTAIRE fait au nom de la commission (*) chargée d'examiner la proposition de loi de M. de Pressensé et de six de ses collègues, sur les mesures à prendre vis-àvis diverses catégories d'individus poursuivis ou condamnés à la suite de l'insurrection du 18 mars, par M. Emile Carron, membre de l'Assemblée nationale.

Messieurs, vous nous avez nommés, le 10 février 1871. pour examiner: 1° la proposition de l'honorable M. de Pressensé tendant à ce qu'il soit pris des mesures de clémence en faveur de certains individus poursuivis ou condamnés à la suite de l'insurrection du 18 mars; 2° la proposition d'amnistie de l'honorable M. Brisson (1)."

C'est la même proposition qui a été retirée par ses auteurs comme proposition principale et qu'ils ont convertie en amendement au projet de M. de Pressensé.

Le 16 juillet 1872, notre honorable collègue M. Depeyre déposait un rapport concluant au rejet de ces deux propositions.

Ni M. le rapporteur, ni aucun membre de la majorité de votre commission n'avaient à intervenir pour vous demander la discussion de ces conclusions négatives. Aucun membre de la minorité.non plus n'a cru devoir le faire, lorsque, le 13 décembre 1873, l'honorable M. Brisson est venu prier l'Assemblée de mettre à son ordre du jour, pour une séance prochaine, la discussion du rapport.

L'honorable M. Depeyre, alors ministre de la justice, fit observer qu'avant toute délibération, il y aurait convenance, si d'ailleurs il n'y avait pas nécessité pour la commission, de nommer un nouveau rapporteur (2). L'Assemblée, se rendant à cette idée très-juste, ordonna que la commission serait complétée sans retard. Nous nous sommes donc réunis. Après un intervalle de dixsept mois, nous avons repris nos délibérations. En voici le compte rendu tel que mes honorables collègues m'ont chargé de vous le présenter. Je le dirai tout d'abord: après un débat qui a duré plusieurs séances, les sentiments des différents membres de votre commission se sont retrouvés les mêmes.

La majorité pense que les considérations, si fortement exprimées dans le rapport de l'honorable M. Depeyre, n'ont rien perdu ni de leur valeur, ni de leur vérité. La minorité croit qu'il

(*) Cette commission est composée de MM. de Ventavon, président; Emile Carron, secrétaire; de Mérode, le marquis de La Rochethulon, Girerd. le marquis de La Guiche, de

y a quelque chose à faire sur-le-champ: elle abandonne la proposition de M. de Pressensé, reconnue par son auteur lui-même inutile et désormais sans objet; elle se rallie à une proposition nouvelle formulée par notre honorable collègue M. Girerd, à titre de contre-projet. Mais, tous, nous demeurons unanimes pour repousser la proposition de l'honorable M. Brisson. Nous nous refusons à amnistier la Commune.

Amnistier la Commune serait la réhabiliter peut-être; ce serait certainement encourager des ambitions malsaines, ouvrir aux hommes déclassés de coupables perspectives, faire renaitre partout où elles se cachent de criminelles espérances; ce serait consterner les bons citoyens sans désarmer les mauvais; ce serait surtout, comme l'a dit l'honorable M. Depeyre, la violation manifeste de la justice et du droit.

La proposition de M. Girerd est ainsi conçue: Art. 1. Les poursuites exercées à l'occasion de l'insurrection du 18 mars 1871 seront terminées, au plus tard, le 31 mai 1874.

Art. 2. L'action publique en répression des faits se rattachant à cette insurrection, quelle qu'en soit la qualification légale, sera prescrite après trois années révolues, soit depuis ces faits, soit depuis le dernier acte de procédure, s'il en a été dressé.

Toutefois, ne sont pas compris dans la disposition qui précède les faits de vol. d'assassinat et d'incendie ou de complicité de ces mêmes faits, lesquels restent soumis à la prescription ordi

naire.

Art. 3. Le bénéfice des ordonnances de nonlieu et refus d'informer, quelle qu'en soit la forme, est définitivement acquis aux individus qui en ont été l'objet; et des poursuites ne pourront être reprises à leur égard que s'il est produit contre eux des charges nouvelles.

« Cette proposition, dit son honorable auteur, est plutôt commandéé par une pensée de justice, qu'inspirée par un sentiment de clémence: il est temps d'en finir avec la répression des actes de la Commune. Passé le 31 mai 1874, sauf certaines réserves essentielles, on ne s'en occupera plus. Et même la prescription pour la plazart des faits se rattachant à cette insurrection, sera réduite à trois années. Quand on était tout près du moment de l'insurrection, on pouvait apprécier et juger sainement. A mesure que ce moment s'éloigne, les souvenirs s'effacent et les jugements ne peuvent avoir la même équité rigoureuse. Certains individus, par exemple ayant rempli dans la Commune des fonctions semblables, n'ont pas été condamnés avec la même sévérité, parce que les uns n'ont fait que du mal, tandis que les autres ont fait servir leur

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Belcastel, le marquis de Juigné, le général Loysel, Carbon-situation à l'avantage de leurs concitoyens ou
nier de Marzac, de Pressensé, Laboulaye, le comte Octave de
Bastard, Pelletan, le général Robert.

(1) Cette proposition, déposée le 13 septembre 1871, était présentée par MM. Brisson, Peyrat, Schoelcher, Corbon, Millaud, Quinet, Naquet, Lherminier, Rathier, Scheurer-Kestner, Ferrouillat, Brousses, Ed. Adam, Colas, Lepère, Louis Blanc, Tardieu, René Goblet, Escarguel, Martin Bernard, Brelay, Gent, Farcy, Greppo, Bloncourt, Laurent Pichat, Daumas, Ordinaire, Joigneaux. Arrazat, Castelnau, Carion, Allemand, Laurier, Gambetta, Taberlet, Tolain, Rouvier, Tiersot, Esquiros, Dupuy, Dréo. H. de Lacretelle, Chevassieu, Vuiller, moz, Henri Lefevre, Boysset, Cazot.

C'est la même proposition qui a été retirée par ses auteurs comme proposition principale et qu'ils ont convertie en amendement au projet de M. de Pressensé.

(2) Il fallait aussi pourvoir au remplacement de M. l'amiral d'Hornoy, ministre de la marine depuis le 25 mai 1873, comme membre et président de la commission.

poursuivis ou inquiétés.

« C'était juste: mais maintenant, à cette distance de trois années, peut-on bien apprécier ces services rendus? et le juge pourra-t-il leur en tenir compte avec une exactitude suffisante? Et quant à la diminution de la prescription, c'est le moyen de rendre plus tôt la tranquillité à des populations troublées. C'est un acte d'apaisement, c'est le moins qu'on ait jamais fait dans toute situation pareille à la nôtre. »

La majorité de votre commission, tout en rendant justice aux sentiments qui l'ont dictée, n'a pas admis cette argumentation de l'honorable M. Girerd.

Oui, sans doute, il faudrait en finir avec la

Commune. Il nous tarde à tous d'arriver au terme de cette longue répression. Et plût à Dieu qu'il nous fût donné d'effacer jusqu'aux traces de la révolte qui rend cette répression nécessaire! Nous voudrions pouvoir oublier, nous voudrions faire oublier au monde un attentat qui nous humilie aux yeux des nations, plus profondément que ne l'ont fait tous nos derniers désastres accumulés. Meis, enfin, il faut ouvrir les yeux à la vérité des choses! Est-ce la faute du juge si la série des accusés semble interminable? Chaque semaine, les parquets des cours envoient encore à la justice militaire un ou deux accusés. Sont-ce des coupables vulgaires? Non. Ceux-ci, on ne les inquiète plus depuis longtemps. Nonseulement on ne les recherche pas, mais souvent on ferme les yeux sur des actes répréhensibles, on s'ingénie à leur trouver des excuses, des atténuations, toutes raisons d'indulgence et d'oubli.

La justice militaire. usant de l'autorité que lui confère la loi, a devancé les intentions les plus clémentes; comment elle a fait son devoir, avec quelle sagesse, quelle mesure, quel sentiment du droit et des circonstances, c'est ce que l'on saura lorsque l'ensemble de son œuvre sera mis en lumière, et tous les partis s'inclineront avec reconnaissance et respect.

Tous les individus, repris ou poursuivis depuis deux ans, sont sous le poids de charges graves. Nous en avons eu la preuve pour quelques-uns, parmi les derniers arrêtés. Leurs dossiers sont tels que, c'eût été manquer à la justice que lui soustraire, par quelque embarras, le jugement de ces hommes.

Bien plus, à mesure que la justice militaire avance dans son œuvre, le jour se fait sur la Commune. Quand M. le ministre de la guerre aura ordonné que le rapport sur les opérations de la justice, durant ces trois dernières années, lui soit présenté, et votre commission émet le vœu que ce soit très-prochainement, quand ce rapport aura été rendu public, l'histoire commencera vraiment pour la Commune. On y verra combien criminelle, mais combien pauvres et combien vaines ont été encore les conceptions de ces prétendus réformateurs. Pas une idée sérieuse qui leur soit propre. Rien qui soit resté debout après eux. Sans doute la politique au premier plan; mais, derrière ce voile transparent, derrière cette idée qui, malgré toute allégation contraire, n'a remué presque personne la soif de jouir sans travailler, le désir de faire parler de soi, l'envie basse et méchante, le mépris de toute supériorité, l'antagonisme du pauvre contre le riche, la haine contre toute religion, et le chimérique espoir de fonder uue société où, du jour au lendemain, les favorisés de l'heure présente céderaient aux hommes déclassés et déshérités de la fortune, leurs honneurs, leurs richesses, leurs droits, mais sans aucun devoir ni responsabilité.

On s'étonne du chiffre considérable des individus arrêtés. Les plus grands coupables, il faut qu'on le sache, n'ont pas tous été pris et punis. Ainsi, pour ne parler que d'un fait, le plus horrible, il est vrai, le massacre des otages, combien de personnes, prêtres, religieux ou gendarmes ont-elles péri? On croit qu'il y en a eu 78, et cette évaluation est au-dessous de la vérité. Les rapports de la justice militaire portent à 1,580 le nombre des coupables. Or, 96 meurtriers seulement de ces 78 otages ont été condamnés sur ce chef d'accusation. Où sont les autres? où sont les bourreaux sur lesquels la police n'a pu encore mettre la main? La société a-t-elle des ennemis plus irréconciliables? Prenons garde de nous laisser aller à tout acte qui pourrait ressembler à une faiblesse et leur rendrait l'audace! Aux violences de ces hommes déréglés, vous n'avez point opposé les moyens extraordinaires ni exceptionnels. Vous avez voulu que tous les jugements fussent individuels et selon le droit commun. Mais vous avez le devoir de protéger la so

ciété et, partant, il faut que rien n'arrête ni ne déroute la justice.

Qu'importe que les jugements soient rendus longtemps après le moment où le crime a été commis? S'il y a moins de témoins à décharge, il y a aussi moins de témoins à charge. Tout au contraire, dans ces sortes d'affaires, le temps est la plus grande atténuation. Il milite en faveur des accusés. C'est la pitié qu'il entraîne et non pas la rigueur.

D'ailleurs, son projet, dans les termes où il l'exprime, transporte l'honorable M. Girerd infiniment plus loin que lui-même voudrait aller. Que prétend-il? Arrêter les poursuites au 31 mai 1874. A cette date arbitraire, couper court aux instructions commencées, mettre la justice en demeure d'avoir à finir son œuvre, quelle qu'elle soit. Est-ce admissible? En aurait-on seulement la possibilité matérielle? Eh! quoi! arrêter toutes poursuites, même pour les crimes de droit commun? Non Notre honorable collègue excepte formllement, dans le 2 paragraphe de son article 2 les vols, assassinats et incendies.

Il y a bien d'autres crimes de droit commun que, par un oubli assurément involontaire, notre honorable collègue a laissés dans l'ombre et auxquels il ne voudrait point assurer l'impunité, tels que meurtres, séquestrations, arrestations arbitraires, usurpations de fonctions, etc., etc.; mais, même pour les vols, assassinats ou incendies commis du 18 mars à la fin du mois de mai 1871, si l'on admettait la proposition de M. Girerd, il faudrait très-souvent renoncer à retrouver les coupables, renoncer aussi à reconnaître ce qui ne touche pas la politique et rentre dans le droit commun. En effet, dans la pratique, c'est par l'instruction seule qu'on arrive à déterminer la nature des fautes. Si vous supprimez les pour. suites, et par conséquent l'instruction, vous vous privez du moyen ordinaire de retrouver les crimes de droit commun. Vous arrivez à les amnistier.

Messieurs, pour s'en convaincre, il faut se rappeler à quel point la politique et le droit commun se trouvent mêlés dans les affaires de la Commune. Les deux natures de crimes et de délits sont tellement confondues, qu'il est extrêmement difficile de les disjoindre pour les envisager séparément. Il est presque impossible de savoir, soit au moment où l'ordre d'informer autorise les poursuites, soit même dans le cours de ces poursuites, si ce sont des faits purement politiques ou bien des faits de droit commun qui motiveront la condamnation. Presque toujours ces deux sortes de fautes ont été commises simultanément pendant l'insurrection. La justice croit poursuivre un délit; l'instruction vient à révéler les plus grands crimes.

Voici par exemple, un sergent dans un bataillon de fédérés, le nommé G..., 50 ans. Son âge mûr et son grade peu important, ses antécédents n'étaient point défavorables, l'avaient fait négligliger. La justice militaire, en reconstituant le Gouvernement, les administrations, les tableaux des fonctionnaires de toute classe sous la Commune, a été amenée à étudier les actes de cet individu. Qu'a-t-elle constaté? Elle a constaté que G..., le 18 mars, commandait un détachement 'insurgés, et qu'il a opéré des arrestations illégales dans des circonstances atroces. G... a été condamné en janvier 1874 aux travaux forcés à perpétuité. 3 conseil de guerre.

Un autre, le nommé C..., arrêté, puis envoyé dans un port à la fin du mois de mai, avait obtenu une ordonnance de non-lieu, avec cette note: « C..., bons renseignements, membre d'une société de bienfaisance, simple garde sédentaire au 10 bataillon de la garde nationale; n'a pris aucune part à l'insurrection. » Il a été repris deux ans plus tard pour les causes les plus graves: Arrestation de cinq frères de la doctrine chrétienne, pillage de deux orphelinats, d'une école

communale, etc. Vingt ans de travaux forcés. Juillet 1873. 3° conseil de guerre.

Il serait facile de multiplier ces exemples. Mais on peut dire, d'une manière générale, qu'il n'est pas d'insurgé vulgaire ni d'agent à un degré quelconque du gouvernement insurrectionnel, qui ne puisse avoir commis des crimes de l'une et l'autre espèces : les titres les plus humbles cachent fréquemment les grands coupables. Qui les fait découvrir? L'instruction; oui, l'instruction dirigée par ces intelligents et courageux officiers qui constituent le personnel de la justice militaire. Trois ans de travaux leur ont fait bien connaître la Commune. Ils en ont retrouvé les rouages et reconstitué le personnel, analysé les détails et reconstruit l'ensemble; ils en ont fait, en quelque sorte, l'inventaire et pourront en écrire l'histoire.

Mais, quel que soit leur talent, les questions de droit commun se confondent avec les autres au commencement des poursuites, et il n'est pas possible de séparer nettement les deux classes de coupables. Ce qui fait la distinction, c'est la décision du général commandant la division, ou de son délégué, éclairée par l'instruction du rapporteur et l'avis du commissaire du Gouvernement, soit que le général formule une ordonnancé de non-lieu, soit qu'il prescrive la mise en jugement. Ce qui rend la distinction définitive, c'est l'arrêt du conseil de guerre, en réponse aux questions posées par le général dans l'ordre de mise en jugement.

Messieurs, si la proposition de l'honorable M. Girerd était admise, eile entraînerait pour certains coupables de droit commun une véritable amnistie. Elle aurait pour conséquence de favoriser ces individus que le hasard ou une habileté plus grande a su dérober aux recherches, tandis que d'autres, moins coupables peutêtre, ont été pris et punis.

Nous ne pouvons l'admettre la justice n'a pas deux poids et deux mesures.

L'exception proposée à la prescription ordinaire ne nous paraît nullement justifiée; nous n'hésitons pas à la repousser.

L'insurrection ayant pris fin le 28 mai 1871, la prescription serait acquise le 28 mai 1874, et par cela même, pour une partie des coupables, les effets de l'article 1er et ceux du 1er paragraphe de l'article 2 se confondent à peu près. Cependant, s'il avait été dressé un acte de procédure, l'action publique, selon l'article 2, s'étendrait au-delà du 28 mai 1874. Mais, d'autre part, elle serait suspendue, puisque, au 31 mai 1874, selon l'article 1, les poursuites seraient déclarées closes. Il y a donc là contradiction peut-être, à coup sûr obscurité.

:

Il faudrait encore s'entendre sur la signification de ces mots : « Un acte de procédure. C'est un procès-verbal de perquisition, une réquisition du ministère public, une citation au prévenu ou à un témoin faut-il définir ainsi, faut-il appeler un acte de procédure toute demande d'enquête faite par les capitaines-rappor teurs? Si de pareilles demandes interrompent la prescription, toutes les poursuites intentées avant le 31 mai 1874 pourraient encore être conduites à une solution régulière.

Mais il nous semble qu'il faut envisager la question de plus haut. L'Assemblée nationale a tracé à la justice militaire les voies légales ordinaires. Pourquoi nous en détourner? Serait-ce que cet attentat contre la souveraineté nationale parût déjà moins grand à la distance de trois années? et faudrait-il, par une indulgence qui étonne, accorder aux crimes politiques de notre époque le bénéfice de la prescription de trois ans, réservé jusqu'ici aux délits de nature à être punis correctionnellement? Mieux vaudrait encore une amnistie. Car, enfin, si le pouvoir souverain a le droit de pardon et d'oubli, il ne lui appartient pas de diminuer la grandeur du crime

par des assimilations étranges. C'est avec toute raison que les hommes de la Commune, les insurgés de toute catégorie sont traités comme des coupables de droit commun. C'est justice exacte que leurs crimes ne soient pas couverts par une autre prescription.

L'honorable M. Girerd se préoccupe des individus qui ont été l'objet de refus d'informer ou d'ordonnances de non-lieu. Il demande qu'ils ne puissent plus être inquiétés ni poursuivis, à moins que de nouvelles charges soient produites

contre eux.

Rien n'est plus légitime, quant aux ordonnances de non-lieu, et aussi rien n'est mieux observé.

Le code de justice militaire est, il est vrai, muet sur ce point. Mais toujours, en l'absence de textes qui soient particuliers à ce code, et dont il fasse mention, les magistrats militaires appliquent les lois ordinaires.

En ce qui concerne les ordonnances de nonlieu, voici les deux articles du code d'instruction criminelle qui fixent- la jurisprudence:

« Art. 229.- Si la cour n'aperçoit aucune trace de délit prévu par la loi, ou si elle ne trouve pas des indices suffisants de culpabilité, elle ordonnera la mise en liberté du prévenu,

« Art. 246. Le prévenu à l'égard duquel la cour aura décidé qu'il n'y a pas lieu au renvoi à la cour d'assises, ne pourra plus y être traduit à raison du même fait, à moins qu'il ne survienne de nouvelles charges. >>

La justice militaire s'est toujours conformée à ces prescriptions. Elle n'a poursuivi qu'un nombre très-restreint de prévenus ayant été l'objet de refus d'informer ou d'ordonnance de non-lieu.

Le chiffre n'en atteint,pas 150. Et il est im-portant de faire remarquer que presque tous les individus repris avaient été l'objet d'ordonnances de non-lieu rendues dans les ports, c'est-à-dire avaient été remis en liberté sans instruction complète; tant l'encombrement était extrême, les moyens d'investigation insuffisants, les opérations nécessairement précipitées!

Les personnes poursuivies de nouveau, après ordonnance de non-lieu rendue à la suite d'une information régulière, ne sont pas au nombre de vingt.

C'est à tort que l'honorable M. Girerd met sur la même ligne les refus d'informer et les ordonnances de non-lieu. C'est se tromper que prétendre attribuer à celles-ci comme à ceux-là des conséquences identiques. Il n'y a aucune assimilation à établir entre le refus d'informer, qui peut être tenu secret comme la plainte ellemême, l'une et l'autre, dans les affaires de la Commune, très-souvent ignorés de l'individu qu'ils concernent, et l'ordonnance de non-lieu apparaissant au grand jour après une instruction.

L'ordonnance de non-lieu est toujours motivée; elle enchaîne l'action publique jusqu'à nouvelles charges découvertes. Le refus d'informer se formule à huis-clos, sans explication; il laisse à la justice toute sa liberté. Toute personne contre laquelle il y a eu refus d'informer peut être recherchée, soit pour le même motif, soit à la suite d'une autre plainte. La justice le veut ainsi, et ce n'est pas incidemment qu'il peut être permis d'en détourner le cours.

Pour bien apprécier au moment présent la conduite de la justice militaire, il est utile de se rappeler certains principes qui sont la base de son organisation: ce service comprend autant de ressorts pour ainsi dire que de divisions militaires(1). Dans chaque divis on, le général commandant est le représentant le plus élevé de la justice; il a un pouvoir redoutable. C'est à lui que vient tonte plainte ayant pour objet un militaire,

(1) Une commission de l'Assemblée est saisie d'un projet de loi déposé par le Gouvernement, dans le but de substituer la circonscription du corps d'armée à celle de la division et de mettre cet important service de la justice militaire en harmonie avec l'organisation nouvelle, telle qu'elle a été consacrée par la loi de 1873.

toute plainte encore concernant tout individu, quand le territoire est en état de siège et pour les cas indiqués dans la loi de 1849. Il fait exam ner la plainte, et, sur le rapport qui lui est soumis, il a le droit de prononcer l'ordre ou le rofus d'informer.

La juridiction militaire est saisie par l'ordre d'informer. L'instruction se fait. Quand elle est terminée, le général est mis en présence d'un compte rendu présenté par le rapporteur et d'un avis exprimé par le commissaire du Gouvernement. Et il a encore le pouvoir de prononcer la mise en jugement du prévenu ou de rendre une ordonnance de non-lieu.

Ainsi, dans ces affaires, une autorité a été légalement instituée pour arrêter une plainte insuffisamment motivée et décider plus tard s'il y va de l'intérêt social que les poursuites suivent

leur cours.

Or, comment procède maintenant cette autorité? Le général autorise les poursuites contre toute personne accusée de crime de droit commun, contre toute personne aussi soupçonnée d'avoir pris une part importante à la direction ou à l'organisation du mouvement insurrectionnel. Hormis ces cas, les coupables de la Commune ne sont plus inquiétés.

Il y a toujours, dans la division militaire dont Paris est le centre, deux conseils de guerre permanents. Pendant le siége de Paris par les armées allemandes, deux nouveaux conseils furent institués.

En exécution de la loi du 7 août 1871, le nombre des conseils appelés à juger les individus, civils ou militaires, ayant pris part à l'insurrection du 18 mars fut rapidement augmenté. Il s'est élevé jusqu'à 26. Depuis le mois d'octobre 1873, en dehors des quatre conseils de guerre siégeant à Paris, il n'y avait plus que deux conseils de guerre chargés de juger les affaires de la

Commune.

Le 15 mars 1874, par décret de M. le ministre de la guerre, ils ont quitté Versailles pour aller remplacer à Paris les deux conseils extraordinaires supprimés.

Il n'y a plus aujourd'hui que quatre conseils de guerre deux pour les affaires purement militaires, deux pour juger les affaires de la Commune. Quelques-uns ont paru s'étonner que l'on ait ainsi diminué le nombre de ces conseils; ils prétendent y trouver la cause principale d'une sorte d'éternité dans les poursuites. Ceux-là oublient que ce qui est long, ce n'est pas de juger une affaire, mais bien de l'informer.

Les conseils de guerre qui s'occupent de l'insurrection du 18 mars ne siégent pas, il est vrai, tous les jours; mais les dix rapporteurs qui leur sont attachés ont un travail accablant, encore qu'ils peuvent suffire à cette lourde tâche, grâce à leur intelligence, leur habileté et l'impulsion donnée à ce difficile service.

On a bien fait de réduire le nombre des conseils de guerre, institués en vertu de la loi du 7 août 1871. On agit sagement en se gardant de diminuer davantage le nombre des rapporteurs. Dans ces conditions, l'action de la justice, étant plus concentrée, n'en est que plus certaine et plus égale. Eu égard aux diflicultés matérielles qu'elle est forcée de vaincre, elle ne saurait être plus rapide (1).

Au 16 mai 1874, il avait été rendu par la justice militaire 49,781 décisions qui se subdivisent ainsi : Refus d'informer se rapportant à des individus non arrêtés, contre lesquels les charges résultant de documents de toute nature n'ont pas paru suffisamment sérieuses pour motiver une infor

(1) Le service de la justice militaire correspond avec tous les parquets de province qui le saisissent incessamment, avec la prefecture de police et ses nombreux agents, avec toutes personnes pouvant servir à établir une identité, par exemple, et le nombre en est vraiment infini. Le nombre des pieces qu'elle a été obligée d'accumuler depasse 7 millions.

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Total des décisions judiciaires.... 49.781 En instance à l'information en attendant une décision judiciaire......

(Pour mémoire), affaires classées comme se rapportant à des individualités douteuses ou concernant des individus présu més décédés....

Total des inculpés.....

754

816

51.351

Telle est la situation du service de la justice militaire. Tel est l'état d'avancement où se trou. vent aujourd'hui ses travaux.

Votre commission, par l'organe de l'honorable M. Depeyre, a rendu à cette grande ceuvre un hommage mérité. Elle ne peut rien y ajouter; elle se garde d'en rien retrancher.

Les indications que M. le président de la commission des graces a bien voulu nous fournir, nous permettent de compléter, en cette partie essentielle, le précédent rapport.

La commission des grâces a été instituée par l'Assemblée nationale, le 10 juillet 1871, pour statuer sur les recours en grâce formulés par les condamnés de la Commune, quelle qu'ait été la peine dont ils ont été frappés. Organe de vos sentiments généreux comme elle est l'expression de votre puissance souveraine, cette commission, depuis le premier jour de son existence, accordé au condamné toutes facilités pour lui soumettre son recours, soit qu'il se laisse substituer ses père et mère, ses enfants, son conjoint, son frère ou sa sœur ; qu'il s'adresse à la commission, au ministre de la justice ou au ministre de la guer re, le condamné est toujours écouté. Bien plus, il peut produire sa demande à tout moment, en tout lieu, et quelle qu'ait été la décision déjà prise à son égard par la commission.

Un pourvoi a-t-il été rejeté, ce pourvoi peut être accueilli quand il se présente une deuxième fois. Une peine a-t-elle été remise partiellement, elle peut être encore réduite et même absolument remiae. La commission, quand on la poursuit dans ces voies de la clémence, se laisse éclairer par les directeurs des établissements pénitentiaires. Elle provoque leur opinion; elle tient compte de toutes circonstances favorables, du châtiment déjà subi, du repentir et de l'amélioration morale du condamné.“

A la date du 1er mai 1874, la commission avait statué sur 5,969 affaires.

Ce total se subdivise de la manière suivante :

Avis émis depuis l'origine jusqu'au 1o mai 1874. Dans les affaires non capitales. (1" examen): Rejets....

Mises en liberté immédiate.... Dans des affaires capitales:

3.927

Commutations ou réductions de

peines.

1.500

298

Rejets.....

26

Commutations ou réductions de peines.....

73

1

Mises en liberté immédiate... Dans des affaires non capitales (2° examen):

Rejets....

47

Mises en liberté immédiate..

Commutations ou réductions de peines....

16

51

Total général..... 5.969

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