Ainfi pense le juste, ainsi règne le fage: Mais il faut au grand homme un plus heureux partage; Confulter la prudence, & fuivre l'équité, Ce n'eft encor qu'un pas vers l'immortalité. Qui n'eft que jufte eft dur, qui n'eft que fage est triste; O vous qui l'imitez, vous fon rival aimable, ES A UM Ê ME. 1740. Les lauriers d'Apollon fe fanaient fur la terre; « Je veux former, dit-elle, un règne heureux & jufte; » Je veux qu'un héros naiffe, & qu'il joigne à la fois » Les talens de Virgile & les vertus d'Auguste, » Pour le bonheur du monde & l'exemple des rois ». Elle dit, & du ciel les Vertus defcendirent, Tout le Nord treffaillit, tout l'Olympe accourut; Les myrtes, les lauriers, les palmes reverdirent, Et Frederic parut. ODE (a) SUR LA MORT DE L'EMPEREUR CHARLES VI 1740. Il tombe pour jamais ce cèdre dont la tête Sa racine eft coupée Par la faulx du trépas. Voilà ce roi des rois, & fes grandeurs fuprêmes: La mort a déchiré fes trente diadêmes, D'un front chargé d'ennuis dangereux ornement. Un refte de pouffière Eft ton feul monument. Son nom même eft détruit; le tombeau le dévore; Et file faible bruit s'en fait entendre encore, (a) Cette Ode nous paraît une des plus belles que l'auteur ait faites. On dira quelquefois : il régnait, il n'est plus; De tant de rois vulgaires Dans la foule perdus. Ah! s'il avait lui-même, en ces plaines fumantes Qu'Eugène enfanglanta de fes mains triomphantes, Conduit de fes Germains les nombreux armemens, Et raffermi l'Empire, De qui la gloire expire Sous les fiers Ottomans! S'il n'avait pas langui dans fa ville alarmée, Au fultan invincible Et non pas à Vallis (*). (*) L'empereur Charles avait conclu, peu de temps avant fa mort, une paix défavantageuse avec les Turcs; il punit fes généraux qui n'avaient été que malheureux, quelques officiers qui avaient rendu des places qu'ils étaient chargés de défendre, & fit faire le procès aux plénipotentiaires qui avaient figné cette paix. Sa mort les fauva. On a prétendu qu'ils avaient reçu des ordres fecrets de la grande ducheffe, depuis impératrice-reine. Il eft du moins certain qu'ils l'avaient fervie. Il était aifé de prévoir la mort prochaine de l'empereur, l'orage qui allait s'élever contre fa fille & la néceffité de s'affurer de la paix avec les Turcs, beaucoup moins politiques, mais fouvent plus fidèles obfervateurs des traités que les princes chrétiens. Ou fi plus fage encore, & détournant la guerre, Il eût par fes bienfaits ramené fur la terre Les beaux jours, les vertus, l'abondance & les arts, Et cette paix profonde Que fut donner au monde Le fecond des Céfars! La Renommée alors, en étendant fes ailes, Eût répandu fur lui les clartés immortelles Qui de la nuit du temps percent les profondeurs; Et fon nom refpectable Eût été plus durable Que ceux de fes vainqueurs. Je ne profane point les dons de l'harmonie ; De verfer, en bravant & les mœurs & les lois, Sur la tombe où refpire La majefté des rois. Mais, ô Vérité fainte! ô jufte Renommée ! Amour du genre humain, dont mon ame enflammée Reçoit avidement les ordres éternels, Dictez à la mémoire Les leçons de la gloire Pour le bien des mortels. Rois, la mort vous appelle au tribunal auguste, Où vous êtes pefés aux balances du juste. Demi-dieux mis en poudre, O DE AU ROI DE PRUSSE, EST-CE Sur fon avènement au trône. I740. ST-CE aujourd'hui le jour le plus beau de ma vie? Ne me trompai-je point dans un espoir fi doux? Vous régnez. Eft-il vrai que la philofophie Va régner avec vous ? Fuyez loin de fon trône, impofteurs fanatiques, Vils tyrans des efprits, fombres perfécuteurs ; Vous dont l'ame implacable & les mains frénétiques Ont tramé tant d'horreurs. Quoi ! je t'entends encore, abfurde Calomnie! C'est toi, monftre inhumain, c'eft toi qui poursuivis Et Descartes & Bayle, & ce puiffant génie (*) Succeffeur de Leibnitz. (*) Volf, chanchelier de l'univerfité de Hall. Il fut chaffé fur la dénonciation d'un théologien, & rétabli enfuite. Voyez la préface de l'hiftoire du Brandebourg, ou il est dit qu'il a noyé le fyftême de Leibnitz dans un fatras de volumes, & dans un déluge de parol.s. N. B. On avait fait accroire à Frédéric Guillaume que la doctrine de Volf fur le libre arbitre était cause que plusieurs |