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A M. DES MAHI S.

1756.

Vous ne comptez pas trente hivers:

Les grâces font votre partage,

Elles ont dicté vos beaux vers:

Mais je ne

fais par quel travers

Vous vous proposez d'être sage.
C'est un mal qui prend à mon âge,
Quand le reffort des paffions,
Quand de l'Amour la main divine,
Quand les belles tentations
Ne foutiennent plus la machine.
Trop tôt vous vous défefpérez:
Croyez-moi, la raison févère,
Qui trompe vos fens égarés,
N'eft qu'une attaque paffagère:
Vous êtes jeune & fait pour plaire,
Soyez sûr que vous guérirez.
Je vous en dirais davantage
Contre ce mal de la raifon

Que je hais d'un si bon courage;
Mais je médite un gros ouvrage
Pour le vainqueur du Port-Mahon.
Je veux peindre à ma nation
Ce jour d'éternelle mémoire.
Je dirai, moi qui fais l'histoire,
Qu'un géant nommé Gérion
Mél. de Poéf. Tome I.

E e

Fut pris autrefois par Alcide
Dans la même île, au même lieu,
Où notre brillant Richelieu
A vaincu l'Anglais intrépide:
Je dirai qu'ainsi que Paphos
Minorque à Vénus fut foumife.
Vous voyez bien que mon héros
Avait double droit à fa prise.
Je fuis prophète quelquefois :
J'ai prédit fes heureux exploits,
Malgré l'envie & la critique;
Et l'on prétend que je lui dois
Encore une ode pindarique.
Mais les odes ont peu d'appas
Pour les guerriers & pour moi-même;
Et je conviens qu'il ne faut pas
Ennuyer les héros qu'on aime..

APOLOGIE DE LA FABLE.

SAVANTE antiquité, beauté toujours nouvelle,
Monumens du génie, heureuses fictions!
Environnez-moi des rayons

De votre lumière immortelle ;

Vous favez animer l'air, la terre, & les mers;

Vous embelliffez l'univers.

Cet arbre à tête longue, aux rameaux toujours verds,
C'eft Atys aimé de Cybèle:

La précoce Hiacynthe est le tendre mignon
Que fur ces prés fleuris careffait Apollon.

Flore, avec le Zéphyr, a peint ces jeunes rofes
De l'éclat de leur vermillon.

Des baisers de Pomone on voit, dans ce vallon, Les fleurs de mes pêchers nouvellement écloses. Ces montagnes, ces bois, qui bordent l'horizon, Sont couverts de métamorphofes.

Ce cerf, aux pieds légers, eft le jeune Actéon: Du chantre de la nuit j'entends la voix touchante; C'eft la fille de Pandion,

C'est Philomèle gémisfante.

Si le foleil fe couche, il dort avec Thétis:
Si je vois de Vénus la planète brillante,
C'eft Vénus que je vois dans les bras d'Adonis.
Ce pôle me présente Andromède & Persée;
Leurs amours immortels échauffent de leurs feux
Les éternels frimats de la zône glacée.
Tout l'Olimpe eft peuplé de héros amoureux.
Admirables tableaux! féduifante magie !
Qu'Héfiode me plaît dans fa théologie,

Quand il me peint l'Amour débrouillant le chaos,
S'élançant dans les airs & planant fur les flots!
Vantez-nous maintenant, bienheureux légendaires,
Le porc de Saint-Antoine & le chien de Saint-Roch;
Vos reliques, vos fcapulaires,

Et la guimpe d'Urfule, & la craffe du froc;
Mettez la fleur des faints à la place Homère :

Ilment,mais en grand-homme;ilment,mais il fait plaire;
Sottement vous avez menti.

Par lui l'efprit humain s'éclaire;

Et fi l'on vous croyait il ferait abruti.

On chérira toujours les erreurs de la Grèce;

Toujours Ovide charmera.

Si nos peuples nouveaux font chrétiens à la meffe,
Ils font païens à l'opéra.

L'almanach eft païen : nous comptons nos journées
Par le feul nom des dieux que Rome avait connus;
C'est Mars & Jupiter, c'est Saturne & Vénus
Qui préfident au temps, qui font nos destinées;
Ce mélange eft impur; on a tort. Mais enfin
Nous reflemblons affez à l'abbé Pellegrin
« Le matin catholique, & le foir idolâtre,
Déjeunant de l'autel, & foupant du théâtre.

A L'EMPEREUR FRANÇOIS Ier,

ET L'IMPERATRICE, REINE DE HONGRIE; Sur l'inauguration de l'univerfité de Vienne.

QUAND

1756.

UAND un roi bienfaifant que fes peuples bénissent,
Les a comblés de fes bienfaits,

Les autres nations à fa gloire applaudiffent,
Les étrangers charmés deviennent ses sujets.
Tous les rois à l'envi vont fuivre les exemples;
Il est le bienfaiteur du refte des mortels;
Et, tandis qu'aux beaux arts il élève des temples,
Dans nos cœurs il a des autels.

Dans Vienne à l'indigence on donne des afiles,

'Aux guerriers des leçons, des honneurs aux beaux arts,

Et des fecours aux arts utiles.

Connaiffez à ces traits la fille des Céfars.

Du Danube embelli les rives fortunées

Font retentir la voix des premiers des Germains:
Leurs chants font parvenus aux Alpes étonnées ;
Et l'écho les redit aux rivages romains.
Le Rhône impétueux, & la Tamise altière
Répètent les mêmes accens.

Thérèse & son époux ont dans l'Europe entière
Un concert d'applaudiffemens.
Couple augufte & chéri, recevez cet hommage
Que cent nations ont dicté :

Pardonnez cet éloge, & fouffrez ce langage,
En faveur de la vérité.

A M. LE DUC DE RICHELIEU,

Sur la conquête de Mahon,

1756.

DEPUIS

EPUIS plus de quarante années

Vous avez été mon héros ;
J'ai préfagé vos destinées.
Ainfi quand Achille à Scyros

Paraiffait fe livrer en proie
Aux jeux, aux amours, au repos,
Il devait un jour fur les flots
Porter la flamme devant Troye:

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