De plus toute cette épitre roule fur un raisonnement faux ; il veut prouver que tout homme d'efprit est honnête homme, & que tout fot eft fripon; mais ne ferait-il pas la preuve trop évidente du contraire, fi pourtant c'eft véritablement de l'efprit que le feul talent de la verfification? Je m'en rapporte à vous & à tout Paris. Rouffeau ne pafle point pour avoir d'autre mérite; il écrit fi mal en profe que fon factum eft une des pièces qui ont fervi à le faire condamner. Au contraire celui de M. Saurin eft un chef-d'œuvre, & quid facundia poffet, tum paruit.. Enfin voulez-vous que je vous dise franchement mon 'petit fentiment fur MM. de la Motte & Rouffeau ? M. de la Motte penfe beaucoup & ne travaille pas affez fes vers; Rouffeau ne pense guère, mais il travaille fes vers beaucoup mieux le point ferait de trouver un poète qui pensât comme la Motte & qui écrivit comme Rouffeau (quand Rouffeau écrit bien, s'entend) mais, Pauci, quos æquus amavit J'ai bien envie de revenir bientôt fouper avec vous & raifonner de belles lettres : je commence à m'ennuyer beaucoup ici. Or il faut que je vous dise ce que c'eft que l'ennui: Car vous qui toujours le chaffez, C'est un gros dieu lourd & pesant; Se trouvait toujours à Verfaille. Au refte, je fuis charmé que vous ne partiez pas fitôt pour Gènes (*); votre ambassade m'a la mine d'être pour vous un bénéfice fimple. Faites-vous payer de votre voyage, & ne le faites point; ne reffemblez pas à ces politiques errans qu'on envoie de Parme à Florence, & de Florence à Holstein, & qui reviennent enfin ruinés dans leur pays pour avoir eu le plaifir de dire le roi mon maître. Il me femble que je vois des comédiens de campagne qui meurent de faim après avoir joué le rôle de Céfar & de Pompée. Non, cette brillante folie N'a point enchaîné vos efprits: La politique en Italie. (*) M. de la Faye était nommé envoyé extraordinaire à Gênes. AU MÊME (*). PARDON, beaux vers, la Faye & Polymnie, Non, ce n'était qu'en langage des Dieux (*) Ces vers paraiffent avoir été faits à l'occafion de la belle Ode de M. de la Faye en faveur de la poéfie, contre le fentiment de la Motte. Voyez la préface de la tragédie d'Edipe. PORTRAIT DU MÊ M E. IL a réuni le mérite Et d'Horace & de Pollion: Et tantôt chantant à sa suite. reçut deux préfens des Dieux, Les plus charmans qu'ils puiffent faire: L'un était le talent de plaire, L'autre le fecret d'être heureux. A M. DE LA FALUÈRE DE GÉNONVILLE, Confeiller au parlement, & intime ami de l'auteur. 1718. AMI que je chéris de cette amitié rare Vous pour qui d'Apollon les tréfors font ouverts L'imagination féconde, 36 L'efprit & l'enjoûment, fans vice & fans travers, Il fe connaît au bon, & partant il vous aime; Il eft beau, mon cher ami, de venir à la cam- pagne tandis que ville. Etes vous réellement devenus tous fous à Paris? Je n'entends parler que de millions; on dit que tout ce qui était à fon aife eft dans la misère, & que tout ce qui était dans la mendicité nage dans l'opulence. Est-ce une réalité ? eft-ce une chimère ? la moitié de la nation a-t-elle trouvé la pierre philofophale dans les moulins à papier? Law eft-il un Dieu, un fripon, ou un charlatan qui s'empoisonne de la drogue qu'il distribue à tout le monde ? Se contente-t-on de richeffes imaginaires ? C'est un chaos que je ne puis débrouiller, & auquel je m'imagine que vous n'entendez rien. Pour moi je ne ine livre à d'autres chimères qu'à celle de la poéfie. Avec l'abbé Courtin je vis ici tranquille, Comme la vieille fibylle Dont parle le bon Virgile, Sur des feuillets volans écrit notre deftin. Apollon dans ces climats Vous prépare un riant afile: Voyez comme il vous tend les bras, Et vous rit d'un air facile. Deux jéfuites en ce lieu, Viennent, de la part de Dieu, Ils veulent nous prêcher demain; |