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faites. M. le ministre de la marine vient de reproduire encore tout à l'heure cette allégation. Eh bien! je suis fâché de le dire, mais des documents certains, émanés des négociants les plus considérables de ce pays, m'autorisent à l'affirmer : ce sont les hommes les plus respectables et les plus respectés sur les deux rives de la Plata qui ont fait entendre les plaintes les plus vives. Quand on s'est armé, quand on a vu la nécessité de s'armer pour la défense du pays attaqué par les troupes de Rosas, afin de ne pas subir les désastres et les conséquences d'une prise d'assaut, on l'a fait, parce qu'on trouvait une garantie illusoire dans les offres de protection qui avaient été faites à nos compatriotes par le commandant de la station navale.

Effectivement, la garantie qu'on leur présentait, la voici: On a dit à dix-sept mille Français: le Gouvernement de la métropole vous offre sa protection, à la condition nécessaire que vous allez abandonner vos biens, vos familles, vos intérêts, vos recouvrements; que vous allez tout perdre sur cette terre étrangère que vous avez colonisée; à cette condition, nous vous donnons un refuge sur les bâtiments de la station. (Mouvements divers.)

M. le ministre de la marine. Je demande la parole.

M. MERMILLIOD. Cela était assurément dérisoire; car une protection de cette nature, offerte sur quelques bâtiments à une population de 17,000 âmes, non-seulement ne présentait pas de garanties réelles aux intérêts immenses engagés par nos compatriotes dans la Plata, mais elle ne pouvait même s'effectuer. (C'est vrai. )

Les Français ont dès lors refusé. Pressés par les circonstances, ne trouvant pas dans les représentants du pays sur ces bords la véritable, l'énergique protection que le pavillon français, ainsi que le disait tout à l'heure M. le ministre de la marine, doit assurer à tous ceux en présence desquels

déploie, les Français ont reconnu la nécessité de s'armer eux-mêmes pour la défense de leur fortune et de leur

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vie, liés au salut du pays où on les abandonne en quelque sorte. Cependant, c'est en raison de cette prise d'armes inévitable (rumeur en sens contraire) que j'ai entendu trop souvent blâmer nos compatriotes, soit dans les communications officielles, soit à cette tribune.

J'ai cru devoir protester contre un pareil langage, au nom de nos compatriotes de la Plata, les plus élevés comme les plus humbles, qui tous ont fait sans cesse entendre les mêmes réclamations. J'ai cru devoir réclamer et contre des distinctions blessantes et injustes, et contre le système de protection auquel on s'est borné jusqu'à présent. (Mouvements divers.)

M. le ministre de la marine. Messieurs, il m'est impossible d'accepter, pour la marine en général et pour le commandant des forces navales dans la Plata, les reproches que vient de faire entendre l'honorable préopinant. J'ai été dans le pays; j'ai fait mon devoir comme dans toutes les circonstances où je me suis trouvé. J'ai vu les individus, je les ai connus. (Mouvement.) — (Plusieurs voix : Écoutez donc.) J'y ai été avec le désir très-sincère de bien servir mon pays et d'ajouter, s'il était possible, à ma considération personnelle. Comment peut-on supposer un instant que j'aurais déserté un rôle si noble et si élevé! Et si ma conduite personnelle avait besoin d'un autre témoignage, je le trouverais dans la conduite absolument pareille qu'a suivie, en me remplaçant, M. le vice-amiral Massieu, à qui une pleine justice est rendue par toutes les personnes qui l'ont approché.

M. ODILON BARROT. Les amiraux ne sont pas en cause. M. le ministre de la marine. Si les amiraux ne sont pas en cause, qui voulez-vous y mettre?

M. ODILON BARROT. Le gouvernement.

M. le ministre des affaires étrangères. Le gouvernement accepte la responsabilité.

M. le ministre de la marine. Si vous ne voulez pas mettre les amiraux en cause, vous y mettrez alors le ministre du

du Roi à Buenos-Ayres, le consul général de la France à Montévidéo. (Non, non!)

J'ai le droit de tenir ce langage, puisque la connaissance des dépêches officielles parvenues, soit au département de la marine, soit au département des affaires étrangères, établit que les amiraux, comme les agents diplomatiques ou consulaires, qui se sont succédé dans ces divers postes, ont toujours envisagé la question du même point de vue.

Savez-vous quels sont ceux qui l'ont envisagée différem

ment?

Ce sont ceux qui ont cherché à faire prendre à la France, dans ces contrées, un rôle qui ne convenait ni à sa dignité ni à ses intérêts. Ce sont ceux qui, avant la mission que j'ai été chargé de remplir dans la Plata, sont intervenus de leurs personnes, de leurs conseils, par les armes, avec l'argent de la France, dans les querelles intérieures du pays.

Soyez persuadés, messieurs, que la France n'a qu'un seul rôle à jouer dans ces contrées; c'est de se montrer secourable aux malheureux, quels qu'ils soient, et de ne pas prendre part à des querelles intestines qui ne la regardent pas. En agissant de la sorte, en se bornant à mettre la cocarde française à son chapeau, au moment où la guerre civile éclate, on est assuré d'être partout respecté, quels que soient les événements qui adviennent entre les partis en présence. Mais lorsque nos compatriotes retirent leur cocarde, renoncent à leur titre de Français, prennent le fusil pour se mettre dans les rangs des belligérants, comment pourrions-nous, avec les sentiments les plus français au cœur, les garantir des terribles chances qui accompagnent l'état de guerre de de ces pays?

Les seuls véritables amis des Français, établis en pays étrangers, sont ceux qui leur diront qu'ils doivent, avant tout, se garder de prendre part aux guerres civiles des populations au milieu desquels ils résident; qu'ils doivent imiter l'exemple des Américains du Nord, des Danois, des An

glais, qui ont grand soin de se tenir à l'écart des dissensions intestines dans les diverses républiques de l'Amérique Méridionale, et qui, par ce motif très-simple, ne sont jamais inquiétés. (Au centre. Très-bien !)

Les personnes qui s'occupent exclusivement de leurs af faires, qui ne se mêlent pas aux guerres du pays, n'ont rien à craindre ni pour leurs personnes, ni pour leurs propriétés. Et M. l'amiral Massieu en donne l'exemple et le témoignage, en citant la convention par laquelle le général qui se trouve devant la ville de Montévidéo s'oblige, dans le cas où cette ville tomberait en ses mains, à préserver les Français de tout dommage. Vous ne pouvez pas en demander davantage ni aux officiers qui commandent nos bâtiments dans ces parages, ni aux agents consulaires, qui sont chargés, au loin, de veiller aux intérêts de la France. (Nouvelle approbation.)

Messieurs, je terminerai par une seule réflexion : si vous voulez encourager ceux de nos compatriotes qui vont chercher très-honorablement des moyens de fortune sur les divers points du globe, c'est, dans des circonstances pareilles à celles-ci, en ne donnant pas raison à ceux qui, sans aucune cause légitime, se sont mêlés aux guerres civiles des États où ils résident. Vous leur donnerez un utile conseil, un sage avertissement, en les portant à se renfermer dans le soin de leurs affaires, à se servir de leur intelligence, de leurs bras pour accroître leur bien-être. Ils apprendront, ainsi de votre haut enseignement, qu'ils doivent s'abstenir de toute intervention dans les discordes des pays qu'ils habitent et qu'il ne leur appartient pas d'engager, à eux seuls et de leur propre mouvement, la politique et les intérêts de leur Gouvernement. (Approbation prolongée.)

(Extrait du Moniteur du mercredi 24 janvier 1844.)

Voir, dans le Moniteur du mardi suivant, 30, les explications données par M. le ministre de la marine, en répondant à M. Rihouet, sur la nécessité d'un contrôle central.

N° 14.

SUPPLÉMENT à un mémoire sur l'influence que les changements de température exercent sur la marche des montres marines1.

A M. le rédacteur des Annales maritimes et coloniales.

Lorient, le 5 juillet 1843.

Monsieur, j'ai l'honneur de vous adresser ci-joint un mémoire sur la manière de calculer la marche des chronomètres; mémoire qui fait suite à celui que vous avez eu l'obligeance de publier dans les Annales maritimes de l'année dernière. M. Daussy ayant émis, à ce sujet, une théorie différente de celle que je propose, j'ai cru nécessaire de compléter l'exposition de mon système de correction, en comparant nos deux méthodes de calcul: tel est l'objet de ce nouveau travail 2.

J'ose espérer, monsieur, que vous voudrez bien insérer mon mémoire dans un des prochains numéros de l'excellent recueil que vous dirigez, qui est le répertoire naturel de toutes les recherches sérieuses qui intéressent l'art de la navigation 3.

Agréez, etc.

Signé E. DE CORNULIER,

Lieutenant de vaisseau.

PREMIÈRE PARTIE.

Pendant les années 1842 et 1843, nous avons continué à observer l'influence des changements de température sur la marche des montres marines déposées à l'observatoire de Lorient; les résultats de ces observations sont consignés dans les tableaux suivants.

1 Inséré dans les Annales maritimes de 1842, tome 1, page 489.

2 Voir, à la suite de cet article, la réplique de M. Daussy aux nouvelles observations de M. de Cornulier.

› L'abondance des matières ne nous a pas permis de publier plus tôt ce

mémoire.

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