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les cas, qu'elles seraient mal représentées par l'hypothèse d'une accélération uniforme. Dans les circonstances ordinaires, le passage de l'état de repos à celui d'agitation n'est pas une cause de variation pour les bons chronomètres ; nous avons déjà établi les motifs de notre opinion à cet égard (Annales maritimes, II' partie, tome LXXVIII, pages 490, 501 et 542), et nous ajouterons ici un fait nouveau et plus décisif encore que tous ceux que nous avons rapportés, car il s'agit de secousses violentes, irrégulières, répétées, et d'un ordre qui n'est pas ordinaire.

Le capitaine Frietz, celui-là même auquel la marine doit une carte hydrographique de la Guadeloupe, vint, par terre, au mois de mars 1842, du Havre à Lorient, pour y prendre le commandement d'un navire de commerce. Il apportait avec lui, et en mouvement, le chronomètre n° 1612 de Charles Frodsham, qu'il avait eu l'attention de tenir sur ses genoux pendant la route de 80 lieues qu'il fit en diligence; mais, malgré tous ses soins, il ne put éviter quelques chocs directs de la boîte de son instrument contre la caisse de la voiture. En nous remettant cette montre pour la suivre pendant son séjour à Lorient, le capitaine Frietz nous donna les résultats suivants des observations qu'il avait faites au Havre pour la régler.

Le 5 mars 1842, retard sur le temps moyen de Paris.. 0h 33m 10',00

retard diurne.

m

5,63

En partant de ces données, le retard sur le temps moyen de Paris devait être de 34 12, le 16 mars; or, nous avons trouvé directement qu'il était de 34" 10'; elle donnait donc la différence de longitude entre le Havre et Lorient à 2o près. De plus, nous trouvâmes que son retard diurne était de 5o,27, du 15 au 22 mars, ce qui ne diffère que de oo,36 de la marche déterminée au Havre. Il résulte clairement de ces comparaisons que la montre n'avait pas été sensiblement affectée par le voyage.

Les observations de M. Berthelin nous fourniraient elles

mêmes, au besoin, une nouvelle preuve à l'appui de l'opinion qui repousse l'influence qu'on a attribuée au passage de l'état de repos à celui d'agitation. La Guayra est une rade foraine où les navires roulent plus qu'ils ne le font habituellement à la voile; si l'agitation était la cause de l'accélération qui s'est manifestée dans toutes les traversées, la montre aurait dû avoir, à la Guayra, une marche diurne positive et plus forte que partout ailleurs; or ce point est précisément celui où elle retardait davantage.

Supposons maintenant que les variations de la montre soient dues à un changement de température, et examinons, autant que l'absence de données thermométriques le permet, si les observations confirment cette hypothèse.

On sait que, dans la mer des Antilles, la température d'un même lieu reste sensiblement constante pendant les mois de mai et de juin, qui comprennent les observations de M. Berthelin, et que la température est toujours moins élevée au large que dans les ports. Si la compensation est défectueuse, les marches à la mer doivent donc être différentes de celles qui ont été déterminées en rade, et la différence doit toujours se manifester dans le même sens : c'est, en effet, ce qu'on remarque dans le tableau ci-dessus.

Chaque port jouit d'une température qui lui est particulière, parce qu'elle est déterminée par des influences locales. Sous le rapport de l'élévation des températures, nous pouvons classer les quatre points de relâche de l'Astrée dans l'ordre suivant :

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A la Guayra, on mouille au pied d'une haute chaîne de montagnes qui occasionne une grande réverbération, et la brise de mer y manque souvent tout à fait.

A Carthagène, les montagnes sont plus éloignées qu'à la

Guayra, mais la rade est moins aérée que celle du FortRoyal, et la brise y pénètre plus tard que dans ce dernier port, car on s'y trouve encore sous l'influence d'un vaste continent qui dégage une quantité de calorique bien supérieure à celle dont a pu s'imprégner une île de moyenne étendue, telle que la Martinique.

Enfin, à Curaçao, qui est une île basse, la brise se maintient ordinairement toute la nuit, et l'on s'y trouve dans des circonstances qui diffèrent peu de celles de la pleine mer.

Si c'est l'abaissement de la température qui a fait avancer la montre quand on est sorti d'un port pour prendre le large, le même effet doit se manifester quand on passe d'une des relâches à l'autre, dans l'ordre ci dessus; c'est-à-dire que la montre doit moins retarder à Carthagène qu'à la Guayra, moins au Fort-Royal qu'à Carthagène, et moins à Curaçao qu'au Fort-Royal; c'est bien là encore ce que les observations indiquent.

que

Raisonnant toujours dans la même hypothèse, la différence entre la marche observée au mouillage et la marche la montre a suivie dans la traversée suivante, telle qu'on la déduit des états absolus constatés aux points de départ et d'arrivée, devra être à son maximum quand on part de la Guayra et à son minimum quand on part de Curaçao; c'est, en effet, ce que confirment les observations, comme on peut le voir dans la dernière colonne du tableau ci-dessus, où ces différences sont inscrites.

Cette conclusion suppose implicitement que la température moyenne de toutes les traversées est à peu près la même, ce qui n'est pas toujours vrai; ainsi, en partant de la Martinique pour aller à la Guayra, on a fait route avec la brise par le travers, et l'on était bien plus exposé à son action que dans les traversées suivantes, où l'on courait vent arrière. La différence de marche entre le Fort-Royal et la traversée suivante aurait donc pu surpasser celle qui s'est

manifestée au départ de la Guayra, sans pour cela renverser notre hypothèse. Les choses n'en sont pas venues jusque-là, mais nous voyons que ces deux différences sont presque égales.

Ainsi, en appliquant, à l'exemple même choisi par M. Daussy, la règle des coefficients de température, cettę règle ne souffre pas une seule exception, sous quelque point de vue qu'on l'envisage, et tout porte à croire que cette loi est bien réellement celle qui a régi les variations de la montre n° 4,830, dans le trajet du Fort-Royal à Carthagène.

A toutes les autorités que nous avons déjà citées, pour montrer l'influence que les changements de température exercent sur les variations des chronomètres, nous ajouterons encore le témoignage d'un nouvel observateur, et celui d'un artiste moderne qui parle de ces instruments en les considérant au point de perfection où ils sont arrivés aujourd'hui, c'est-à dire après qu'une longue pratique a suffisamment éclairé l'art de les établir dans les conditions les plus favorables.

Dans le compte rendu des opérations hydrographiques du capitaine Vidal, sur la côte de Guinée, on lit (Annales maritimes, II partie, tome LXXVIII, page 482): « Le capitaine Owen avait obtenu, pour la longitude de la batterie N. de Sierra-Leone, 13° 14′ 20′′, et, comme la traversée de l'Etna avait été de plus de six semaines, pendant lesquelles on avait passé de la température de l'hiver en Angleterre à la chaleur excessive de Sierra-Leone, c'est-àdire de 10° à 28°,9, ce qui avait sensiblement altéré les marches des montres marines, le capitaine Vidal crut devoir adopter la détermination d'Owen pour point de départ. » Or, il fallait que le capitaine Vidal fût bien préoccupé de la variation de marche occasionnée par le changement de température, pour abandonner son résultat, qui était basé sur une moyenne de 12 chronomètres.

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Maintenant M. Henri Robert, artiste avantageusement connu, déclare formellement de son côté, dans un petit ouvrage publié en 1841, et qui a pour titre : l'Art de connaître les pendules et les montres, que «les changements de température sont la plus grande cause de variation dans l'horlogerie de précision. >>

Les artistes qui établissent les chronomètres et les observateurs qui suivent leurs marches sont donc d'accord pour reconnaître que leurs variations principales sont occasionnées par les changements de température, et il semble que nous soyons désormais suffisamment autorisés à poser cette influence en principe comme un fait acquis et incontestable.

Ainsi, nous avons agi rationnellement en proposant, pour la correction des longitudes, une méthode dans laquelle cette influence joue le principal rôle, et la seule chose que l'on pourrait nous contester est la manière dont nous avons fait intervenir cet élément dans le calcul. Ici, nous n'apercevons encore que deux objections plausibles: 1° les effets ne seraient pas proportionnels aux causes; 2° les mêmes causes n'auraient pas toujours les mêmes effets.

Nous avons déjà répondu à la première objection dans le mémoire auquel celui-ci fait suite; nous avons montré, par des exemples, que la proportionnalité était admissible dans le plus grand nombre de circonstances, et, dans tous les cas, que cette manière d'opérer tendait certainement à atténuer les erreurs il nous reste peu de chose à ajouter aux déve loppements que nous avons donnés à ce sujet. Si les chan+ gements de température n'avaient d'action que sur le spiral et sur le balancier, on pourrait, sans doute, dans les limites. ordinaires de ces changements, regarder les variations de marche qui en résultent comme leur étant exactement proportionnelles; car les corps métalliques se dilatent et se resserrent avec une grande régularité; mais cette opinion devient sujette à quelques restrictions dès que l'on considère l'influence des variations de température sur l'état des huiles:

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