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et si lourds. Mais, que cette méthode fût populaire ou non comme la France et les autres puissances maritimes avaient considérablement agrandi leurs vaisseaux et augmenté le poids de leur artillerie dans le siècle actuel, l'Angleterre fut obligée de suivre leur exemple; et, au point de vue de l'intérêt public, il n'y a pas de doute qu'il y ait avantage; car, ainsi que Chapman l'a démontré, en considérant le déplacement, l'équipage et les provisions comme la dépense, et le poids d'un boulet comme l'effet, il y a plus d'économie à avoir de grands bâtiments et une lourde artillerie. Somme toute, nous adressons des remercîments bien sincères à l'administration navale, pour avoir fait son devoir. Cependant la même période a été gâtée par des bévues si déplorables, que nos éloges doivent nécessairement être pris cum grano salis, car nous ne pouvons oublier les constructeurs particuliers et les forty thieves (les quarante voleurs), les 30 frêles goëlettes de 4 canons, les 18 corvettes brevetées, avec toute la fournée de donkies et de tennies, que l'on persista à garder, en dépit des soupirs de nos marins et à un prix dont doivent se ressentir les intérêts de notre dette nationale. Mais comme ces viles barques sont` presque toutes consignées sous la voûte des Capulets, sans aucune chance de résurrection pour venir encore salir notre marine, abandonnons-les au silence et au mépris qu'elles méritent à tant de titres. Nous pourrions aussi frapper sur les ruineuses réductions faites dans nos chantiers, sur l'obstination avec laquelle on a tenté de rabaisser l'architecture navale à un simple art, etc.; mais, comme d'habitude nous ne sommes pas grondeurs, les dernières mesures ont dissipé une partie de notre colère, et nous nous hâtons d'offrir à nos lecteurs un sujet de méditations plus agréable, en mettant sous leurs yeux la liste suivante de quelques magnifiques bâtiments de construction récente 1.

'Le 26 août 1842, l'anniversaire de la naissance du prince Albert a été célébré à Woolwich par la pose de la quille d'un vaisseau qui doit porter son

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Ce tableau nous fait voir de merveilleuses améliorations, car chacun des bâtiments qui y figure est spacieux, sain et puissant. Les 64, les 50 et les 44 à deux ponts disparaissent, il faut l'espérer, à tout jamais. Nous avouons notre dégoût pour ces vaisseaux de guerre construits à force d'expédients; mais c'est notre respect pour le noble pavillon de la vieille Angleterre qui excite notre colère. Nous n'avons rien à dire contre la manière dont ces bâtiments sont exécutés, nous dirons même qu'ils étaient peut-être susceptibles de rendre quelques services dans certaines circonstances; mais, par leur principe même, ils étaient incapables d'avoir une attitude respectable devant l'ennemi. La hauteur nécessaire pour que les sabords du premier pont soient suffisamment élevés audessus de l'eau, l'intervalle qui doit séparer les ponts, et par suite la profondeur perdue, ne peuvent guère sans doute être moindres que pour un 74; aussi les flancs de ces bâtiments sont-ils évidemment trop élevés pour leur longueur et leur

nom et qui sera de 700 tonneaux plus fort que
notre liste. Voici quelles sont ses dimensions:
Longueur du pont...
Largeur hors bordure.
Profondeur de la cale.
Tonnage...

64 40 98 le Trafalgar, le premier de

67,04
18 54

7 62

3,394 tonneaux,

que

largeur habituelles; on ne doit donc pas espérer qu'une pareille construction ait des proportions convenables pour assurer sa stabilité dans l'eau. Un défaut si évident n'était cependant pas borné aux vaisseaux de 44; mais il affaiblissait toute notre ligne de bataille. On oubliait ce simple, mais fécond axiome sur lequel repose le principe de toute construction navale, que tout corps flottant, quelle que soit sa figure, déplace une quantité d'eau égale à son propre poids; ou bien, on le compliquait d'autres considérations, telles que le résultat était un défaut de capacité, et que l'on risquait l'efficacité de la batterie basse pour acquérir la stabilité, ou l'on détruisait la stabilité pour élever la batterie. Aussi un célèbre officier espagnol, don Jorge Juan disait-il : « Les Anglais ont l'habitude de construire un vaisseau de 100 canons sur les dimensions d'un vaisseau de 80, en ajoutant un autre pont; ils augmentent le poids de près de 2 1 0 tonneaux, auxquels il en faut ajouter 323 pour l'augmentation de l'artillerie, de l'équipage, des munitions et des vivres, et 150 pour le surcroît de lest. Cette addition de poids immerge le corps du navire de 2 pieds 8 pouces et abaisse la batterie de 7 pieds à 4 pieds 4 pouces. Ceci démontre la nécessité d'augmenter la capacité, et prouve qu'un vaisseau à trois ponts, sur les dimensions d'un deux-ponts, ne peut avoir de bonnes qualités.

On peut dire ici que construire des vaisseaux dans certaines proportions, uniquement pour la disposition de l'artillerie, c'est chercher dans les accessoires les principes pour diriger l'objet principal; c'est faire gouverner l'attribut par le sujet; mais on peut très-bien avoir égard à ces deux conditions, et tâcher d'obtenir la puissance la plus efficace sur un plan de flottaison qui assure la stabilité. C'est là en effet le grand perfectionnement auquel est arrivée la pratique moderne, et qu'ont mis en évidence les ouvrages des Rule, des Peake, des Seppings, des Symonds, des Hayes, des Inman et des Lang, ouvrages dans lesquels les conditions

essentielles de capacité, de vitesse, de promptitude dans les évolutions, ainsi que les qualités convenables pour le combat, ont été l'objet d'études profondes. Il est vrai qu'il y a bien des opinions contradictoires sur les mérites de chacun des vaisseaux construits par ces ingénieurs; mais il ne peut y en avoir qu'une sur le service immense qu'ils ont rendu à la nation et à la marine en élevant l'art de l'architecture navale au rang d'une science. Pour montrer son importance, tant pour l'objet qui nous occupe que pour les coffres de l'État, nous dirons que dans les dernières guerres nos vaisseaux étaient, comparativement, inférieurs à ceux de la France et de l'Espagne, en vitesse, en stabilité et en promptitude dans les évolutions; c'est une plainte que répétaient constamment les commandants de nos escadres. L'habileté et le courage ont en quelque sorte compensé le mal et assuré le triomphe; mais on ne peut nier que cette tâche eût été accomplie plus facilement et eût exigé moins de sacrifices en hommes et en argent, si l'on eût écouté les conseils de l'expérience, et fourni à nos marins des vaisseaux qui allassent de pair avec ceux de l'ennemi. Et pourtant, dès mars 1781, Benjamin Thompson, mieux connu sous le nom du comte Rumford, avait conçu le plan d'une frégate à peu près de la même forme que celle qui, depuis, a été adoptée et tant admirée. « Le grand but que je me propose, disait-il, est de construire un vaisseau qui, à toutes les qualités nécessaires pour un bâtiment de guerre, joigne la faculté de porter une grande surface de voilure avec peu de lest. La stabilité d'un navire dépend de sa forme ainsi que de la quantité et de l'arrimage de son lest: mais le vaisseau qui est stable par sa construction est dans des conditions bien plus favorables pour marcher avec une grande vitesse, que celui qu'on est obligé de charger d'un poids beaucoup plus considérable pour lui faire porter la même quantité de voiles; car la résistance est dans le rapport de la quantité d'eau à déplacer, et presque dans celui de l'aire d'une section trans

versale de la partie immergée de la coque à son maître couple; et un corps, qui est large et bas, est beaucoup plus stable qu'un corps de la même capacité qui est étroit et profond. »>

Mais les conseils que donnaient des officiers et des hommes expérimentés pour les perfectionnements nautiques furent, jusqu'à une époque assez avancée du XIX siècle, toujours froidement accueillis par les autorités, puis formellement repoussés.

que

Dans la liste des bâtiments que nous avons donnée plus haut, nous avons consacré une colonne à la quantité de tonneaux représentant le déplacement, parce que cette condition est devenue une donnée de premier ordre. Ainsi nous l'avons dit, un corps flottant en repos sur un fluide aussi en repos, déplace une quantité de fluide égale en poids au sien; il s'ensuit que le poids du volume déplacé par un navire est égal au poids du navire lui-même et de tout ce qu'il contient. Les termes déplacement, capacité, tonnage ne sont généralement pas employés avec une exactitude suffisante : nous venons de faire voir la valeur du premier. Le second signifie le déplacement d'eau jusqu'à la ligne de flottaison. Le terme tonnage est un mot qui exprime la capacité intérieure au moyen du nombre de tonneaux d'eau de mer qu'elle peut contenir. Si donc on a trouvé le volume intérieur en pieds cubes, en divisant ce volume par 35 (nombre de pieds cubes d'eau de mer, égaux en poids à un tonneau), le quotient sera le tonnage cherché. Néanmoins on emploie souvent le mot tonnage pour représenter la capacité par le nombre de tonneaux d'eau de mer qui pourraient être contenus entre un plan horizontal passant dans le navire, lorsqu'il flotte sur une eau calme, n'ayant à bord que ses approvisionnements et ses munitions, et un plan horizontal passant dans le navire lorsqu'il est chargé, c'està-dire entre les plans appelés ligne d'eau en charge et ligne d'eau sur lest, ce qui n'est que le poids du chargement du

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