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Ce système de construction à mailles pleines ne peut guère, néanmoins, être considéré comme une nouvelle invention, puisque le mode de construction pratiqué dans l'Inde en est évidemment le prototype; mais Sepping a eu le mérite de l'adopter le premier. Un semblable système avait été vainement recommandé par l'ingénieur amiral Schank, à l'époque de la guerre d'Amérique. «Si les membres d'un vaisseau, disait-il, étaient assez rapprochés pour qu'on pût les calfater de même que les bordages de l'extérieur, et si le revêtement intérieur ou le vaigrage était également rendu étanche, ce vaisseau aurait une force incroyable. »

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Outre la mise en pratique des procédés énoncés ci-dessus, sir Robert Sepping a inventé et mis en usage les portes angulaires de bassins actuellement employées, et qui sont formées de trois pièces seulement, ce qui simplifie et facilite l'introduction d'un bâtiment dans le bassin, où l'on peut parvenir à sa carène et examiner sa fausse quille; il a aussi imaginé un appareil pour mâter les bâtiments sans qu'il soit besoin de ponton. Mais une de ses innovations les plus remarquables, celle qui du moins donna lieu à la plus grande diversité d'opinions, fut le changement de la forme carrée de la poupe des vaisseaux pour la forme ronde, afin de donner à cette partie des bâtiments la même forme qu'à l'avant. Jusqu'au XIXe siècle, les poupes des bâtiments de guerre étaient, à leur jonction avec les côtes de ceux-ci, de forme angulaire, ou carrée, ainsi qu'on les appelait. L'amiral Lewis avait conseillé des poupes rondes, immédiatement après l'affaire de lord Howe en 1794. En 1816, sir Robert proposa de les faire curvilignes comme les joues, mais plus plates; une pareille forme rendant le navire capable d'opposer une plus grande résistance à la violence de la mer et aux attaques de l'artillerie. Dans la question de la défense de la poupe et des gaillards d'arrière, la nouvelle forme avait aussi des avantages évidents; mais on aurait dû supprimer toutes les paroles dites sur le point d'impunité, point qu'on avait

découvert tout exprès pour faire valoir le nouveau système.

Dans aucune partie de la routine de nos chantiers, la supériorité des perfectionnements récents ne s'est mieux manifestée que dans l'opération qui consiste à raser de mauvais vaisseaux de ligne, pour en faire de superbes frégates. Nous avouons cependant que le moyen d'arriver à ce dernier résultat rappelle la recette que donne Orator Henley, et qui consiste à couper la partie supérieure d'une paire de bottes pour en faire une de souliers; mais, enfin d'une mauvaise chose on en tire une bonne. Ce système de réduction fut commencé en 1794, époque à laquelle le vaisseau l'Anson, de 64 canons, fut rasé et converti en une frégate de 40; << Mais, dit M. Wilson, les constructeurs anglais étaient alors d'une telle ignorance, que cette opération si propre, quand elle est bien dirigée, à produire un bon bâtiment, échoua complétement. On enleva 7 pieds de la partie supérieure des œuvres mortes, ainsi qu'un pont et ses canons; ce qui faisait un poids d'environ 160 tonneaux, et par là, sa stabilité fut considérablement augmentée; mais, par une absurdité qui n'a pas de nom, en avait réduit d'un sixième la surface de ses voiles. Dans son premier voyage le roulis fut si violent, que la frégate eut plusieurs jeux de mâts de hune fendus. Pour remédier à cet inconvénient, en 1795, on rendit aux mâts et aux vergues leurs anciennes dimensions; mais, comme on n'avait pas diminué le lest, c'était encore un bâtiment très-incommode, et le résultat inévitable de cette disposition était de fréquentes avaries1. D'autres vaisseaux de 64 furent aussi rasés, mais on les mâta et on les lesta de même, et il est inutile d'ajouter qu'ils éprouvèrent les mêmes déconvenues; et, quoiqu'on les eût améliorés en augmentant leurs mâts et leurs vergues, c'étaient encore de mauvais bâtiments.

1 Ce bâtiment tint la mer pendant dix années environ, après sa réduction, et il se perdit enfin dans Mounts'bay en 1807. Le 1" janvier de la même année il avait coopéré à la prise de Curaçao, et le 29 décembre ses débris ainsi que les cadavres du capitaine Lydiard et de 60 hommes de son brave équipage, étaient jetés sur la côte de Cornouailles.

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Si la science eût présidé à cette transformation, notre marine eût acquis une classe de frégates capables, d'après leur grandeur, de lutter avec les grandes frégates américaines, et nul doute que les désastres, que les forces supérieures de cette nation nous ont fait essuyer dans la dernière guerre, n'eussent été non-seulement évités, mais encore remplacés par des résultats tout à fait contraires. Nous ne pouvons que féliciter le département sur les différences remarquables avec lesquelles ces opérations sont actuellements conduites. Voyez cette classe disgracieuse de vaisseaux de ligne, les Quarante voleurs, transformés, par la science et comme par magie, en de nobles et rapides frégates. Est-il au monde un bâtiment à un seul pont qui puisse trouver un point d'impunité dans le Barham, l'Alfred, le Vindictive, le Portland, le Warspite, l'Eagle, le Conquestador. et hoc genus omne.

En signalant les changements et les innovations survenus dans nos arsenaux, nous ne devons pas omettre la construction des bâtiments à couvert, ce qui préserve leur charpente de l'humidité pendant la longue période de temps qu'ils restent sur le chantier. Nous regardons en effet ce mode comme le perfectionnement le plus avantageux, que notre système de construction ait subi dans le siècle actuel. Cependant cette idée n'est pas nouvelle, comme on a pu l'apprendre dans l'arsenal de Venise; et, dans notre pays même, l'adoption de ce système a souvent été recommandée, quoique une économie aveugle et un véritable manque de jugement y aient toujours mis obstacle. Nous voyons dans le manuscrit de Cotton1 que, dès 1522, le commis du chantier disait « que si le Great Harry n'était pas couvert d'un toit, de manière à ce qu'il fût suffisamment protégé contre la neige, la pluie et le soleil, il serait entièrement détruit en peu d'an

nées. "

Mais, pour arriver en définitive aux toits en question,

1 Sir Robert Bruce Cotton, célèbre antiquaire anglais, né en 1570, mort en 1631. (Note da traducteur.).

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nous ajouterons seulement qu'en 1774 John Simons pro-
posa
de défendre, par un toit, les cales de construction des
intempéries de l'atmosphère, comme un moyen infaillible de
conserver les bâtiments. Nichols, fournisseur des bois au
chantier de Portsmouth, recommandait qu'après leur cons-
truction, les navires fussent tenus sur des cales couvertes;
et en l'an 1791, Gabriel Snodgrass, devant les commissaires
du Land revenue, émettait l'opinion que les bâtiments fussent
construits et reparés à couvert; mais on prêta peu d'atten-
tion à ces propositions et à d'autres du même genre, et nos
vaisseaux, objets de nos intérêts les plus importants restèrent
des années de suite sur les chantiers, exposés à toutes les
intempéries atmosphériques d'un climat variable. Bien
mieux, cette cause pernicieuse de pourriture et de destruc-
tion était, par ignorance, appelée dessiccation (seasoning).
Enfin les désastres incroyables arrivés à plusieurs vaisseaux
neufs pénétrèrent la dure enveloppe du bureau de la ma-
rine, et, par l'effroi qu'ils inspirèrent aux amis affectionnés,
leur ouvrirent les yeux sur les mesures proposées.

La construction de ces vastes toits, offre vraiment un modèle admirable de charpenterie; quelques-uns couvrent une surface qui n'a pas moins d'un acre et demi d'étendue, (environ 60 ares) et sont disposés de manière à empêcher aussi peu que possible l'accès de l'air et de la lumière. Le prix moyen de ces toits est d'environ 6,500 livres sterling (163,865 francs.)

Tout en payant notre tribut d'éloges à ces constructions avantageuses, nous ne pouvons qu'insister fortement sur la nécessité de les couvrir, d'ardoises, de feuilles de fer, ou de toute autre substance non combustible, au lieu d'employer à cet usage, ainsi qu'on le fait aujourd'hui, la toile ou le papier peint.

Nous n'avons heureusement pas encore eu de désastre à déplorer; mais il vaut mieux prévenir un mal que de lui porter remède; et nous appelons aujourd'hui l'attention de

pre

l'administration sur ce fait, que, si par accident le feu nait à ces enveloppes combustibles, l'incendie se propagerait, comme le feu grégeois, d'un toit à l'autre dans toute l'étendue du chantier. Et, pendant que nous sommes sur le terrain ingrat et brûlant de donner des avis aux maleys, nous recommandons avec instance que la mise à l'eau des vaisseaux soit perfectionnée de manière à assurer à ceux-ci la conservation de leurs os, en se rendant à leur destination. Nous n'énumérerons pas tous les bâtiments qui, après avoir quitté leurs berceaux, sont arrivés perclus dans ce que les journaux appellent leur élément naturel; mais nous remarquerons seulement que du mode barbare actuellement employé il ne peut revenir aucun avantage pour le bâtiment, et qu'il peut en résulter d'immenses désastres. Nous admettons que la mise à l'eau d'un vaisseau est un spectacle du plus haut intérêt, mais nous ne nous y sommes jamais sentis tout à fait heureux que lorsque, après la chute de ses accores, nous avons vu la masse énorme tracer sa route sans accident, et laisser aux deux galeries de spectateurs, ignorant jusqu'alors qu'elles fussent si voisines l'unede l'autre, un espace vide à contempler.

Ce n'est du reste pas une démarche aussi vaine, de lâcher un mot d'avis aux divers départements de la marine, tels qu'ils sont actuellement constitués, qu'elle pouvait l'être jadis sous les amis affectionnés. Ceux-ci, avec cette orgueilleuse suffisance des hommes secondaires, et cet esprit tracassier de ceux qui sentent bien leur ignorance, offraient des obstacles continuels au bien public, et étaient une source de peines, de vexations et de dépenses, pour la plupart de ceux qui étaient condamnés à se trouver en contact avec eux. Et parmi les changements du siècle actuel, il n'en est peut-être pas qui ait donné plus de satisfaction que celui par lequel l'amirauté A, en détruisant le bureau de la marine, et créant l'amirauté B, a mis un terme à l'anomalie. Alors les lords commissaires, qui sont en tout temps respon

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