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mande-t-il 40 centimes par tonneau à tous les navires marchands qui viennent y faire leur provision d'eau. Les autres rafraîchissements qu'on peut se procurer dans ces îles, à un prix très-modéré, consistent en volailles, telles que oies, canards, poules, dindes, en tortues et en porcs, en courges, en riz, en blé d'Inde, en bananes, en noix de cocos, en farine et en biscuit d'Amérique. Le poisson est aussi trèsabondant sur les côtes.

La plus grande des îles a 10 milles de longueur, et elles sont au nombre d'une vingtaine réunies généralement par d'étroites chaussées guéables à basse mer. Le capitaine Ross les représente comme très-salubres et exemptes d'animaux nuisibles, d'insectes et de reptiles venimeux. Pendant notre séjour aux îles des Cocos, nous vîmes arriver en relâche plusieurs navires anglais et américains, ce qui confirma ce que nous avait dit le capitaine Ross, que le nombre des navires qui viennent visiter ces îles s'élevait annuellement à 70 ou 80.

Reconnaissance des îles Madjico-Sima.

Le capitaine sir Edward-Belcher, commandant le bâtiment de Sa Majesté Britannique le Samarang, est de retour à Hong-Kong de sa visite aux îles Meïa-co-Shimah, appelées généralement Madjico-Sima, après avoir reconnu Batan, Sabtang, Bashee et les îles Goat, du groupe de Batan, Patchungsan et onze îles du groupe de ce nom, Typinsan et quatre îles du même groupe. Il a trouvé que les habitants de Meia-co-Shimah avaient à peu près le même caractère que ceux de Lieu-Quieu (prononcez Liou-Qiou), auxquels ils sont soumis. Ils mirent beaucoup d'obligeance à lui procurer des chevaux, des litières et des coulies pour ses opérations de reconnaissance que la nature des îles et les vents régnants l'avaient empêché de poursuivre avec des embarca

tions. L'équipage du Samarang et les natifs avaient conçu beaucoup d'affection les uns pour les autres, etils se séparèrent avec des regrets mutuels et le désir de se revoir. Ils ne voulurent pas, de même qu'à Liou-Chou, recevoir d'argent en payement de ce qu'ils avaient fourni, et ce n'est qu'à la fin qu'on les décida à accepter de la toile et quelques bagatelles.

Aucun navire ne doit approcher de ces îles avant que la reconnaissance en soit terminée.

La grande baie de Hee-Chee, sur l'île de ce nom, a été appelée port Haddington. Elle est égale en étendue aux plus grands ports d'Angleterre, et est parfaitement fermée de tous côtés.

No 102.

APERÇU comparatif sur la côte N. de la Nouvelle-Hollande, et sur la côte S. de la Nouvelle-Guinée. Quelques mots sur les races noires. (Extrait du journal de M. le docteur Hombron, membre de l'expédition au pôle S. et dans l'Océanie.)

Nous appareillâmes de Banda le 25 février 1839. Le commandant d'Urville voulut tenter le passage du détroit de Torrès, bien que la mousson de N. O. tendît à sa fin; mais les calmes, les brises irrégulières, les grains violents, accompagnés d'orage, le forcèrent bientôt à renoncer momentanément à son projet.

Les navigateurs ont souvent observé que les décharges électriques atmosphériques qui éclatent à la mer sont presque constamment le résultat de la rencontre de deux courants opposés, poussant devant eux des nuages chargés d'électricité et de vapeurs épaisses. C'est surtout dans le voisinage des côtes que s'observe ce phénomène, c'est-à-dire dans la limite de leur sphère d'activité magnétique. Celle-ci est proportionnelle à la masse des terres, ou au moins à l'élévation de leurs mon

tagnes. Or, nous étions alors placés entre deux terres étendues!, dont l'une très-élevée est un des principaux affluents météorologiques du système melano-malaisien; nous nous trouvions donc sur un centre d'attraction et de neutralisation électrique; aussi pûmes nous observer à notre aise ce conflit de courants contraires que nous signalons ici, et qui précède toujours le changement de mousson.

En revenant sur ses pas, le commandant dirigea les corvettes sur la côte septentrionale de la Nouvelle-Hollande, puis vers l'archipel des îles Arrou et vers l'isthme Geelwink, qui lie la Nouvelle-Guinée à la terre des Papous. Ces points sont tous trois remarquables et méritent que nous tracions les principaux traits de leur physionomie.

La baie Raffles est vaste et pénètre profondément au fond des terres; cette côte basse est formée de grès rouge enfoui dans des bancs d'argile différemment colorés; l'humus y est peu épais et ne cache point encore en totalité le sable corallin qui couvrait cette plage avant que la végétation s'en fût emparée. C'est un terrain assez ingrat pour la culture; les Anglais l'ont abandonné vers 1826. Nous croyons qu'ils eussent fait une faute s'ils n'eussent envisagé dans cet abandon que la nature du sol en effet, il n'est pas de terre qui résiste à la persévérance du cultivateur, là surtout où la nature produit déjà sans le secours modificateur de la main de l'homme. Peut-être ont-ils eu l'intention de s'éloigner des marécages, et de choisir plus tard un lieu où les eaux de la rade eussent assez de profondeur pour admettre des navires de toute dimension. Leur nouvel établissement de la baie Essington semblerait prouver la verité de cette assertion; cette rade est mieux encaissée, plus creuse par conséquent, et la ville est située sur un promontoire élevé et éloigné des points inondés. Victoria n'est encore qu'une réunion de militaires et de marins devenus constructeurs et cultivateurs; mais cette manière de créer des colonies est la meilleure et la moins coûteuse. Ces

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hommes courageux, habitués aux privations, à l'ordre et à la soumission de la discipline militaire, trouvent dans ces sortes de créations l'espoir d'un avenir tranquille et honorable; ils se livrent à leurs travaux avec une ardeur que l'on ne saurait attendre d'aventuriers pressés de jouir, ou de pauvres diables affaiblis par la misère et avilis par les vices de nos capitales. Si les Anglais apportent cette fois de la persévérance dans l'exécution de leurs projets, nul doute qu'ils ne réussissent à fonder encore un centre de richesse et de prospérité.

L'immense surface de pays, qui se développe de la mer vers l'intérieur au S. des baies Rafles et Essington, est couverte de belles forêts, mais d'un aspect particulier : elles ne peuvent être comparées, ni à celles de l'Europe, ni à celles des grandes îles de l'archipel indien, ni même aux forêts de la Nouvelle-Guinée, si voisines de celles de la côte N. de l'Australie. Ces bois ont une physionomie spéciale qui se retrouve sur toute l'étendue de ce singulier pays. La végétation des régions tempérées de l'Asie, de l'Europe et de l'Amérique diffère, au premier coup d'œil, de celle des régions chaudes de ces mêmes continents; les productions végétales de l'Australie apparaissent toujours constantes et uniformes; les latitudes mêmes ne semblent point changer le type général de leur organisation. Il y a donc partout analogie de causes, puisqu'il y a harmonie d'effets. Mais il y a plus, quelque éloignés que puissent être les familles et leurs genres, leurs espèces semblent toutes s'être conformées à une organisation, qui est, bien certainement, la condition de leur existence sur cette terre, où tout rentre dans le champ des exceptions. Les arbres et arbustes de la baie Raffles et de la baie Essington, comme ceux qui couvrent la presque totalité du continent austral, portent des feuilles coriaces et glanduleuses; le plus grand nombre de ces feuillages sont recouverts d'une poudre blanche résineuse, qui leur donne une teinte vert pâle d'une uniformité

monotone et triste. La tristesse de ces lieux augmente au milieu de la solitude de ces bois formés entièrement des eucalyptus hæmastoma, piperita, resinifera, capitellata; des acacia alata et sulcata; du leptospermum trinerve; des melaleuca leucodendron et viridiflora. Plusieurs autres plantes comptent peu dans cet aspect général, et vivent à l'abri de ces hautes futaies aux troncs grisâtres et espacés, et dont le feuillage peu fourni, sans cesse tremblant, rappelle involontairement ces saules que l'art a placés autour des tombeaux. D'assez belles touffes de graminées, à chaume long et effilé, croissent sur toute la surface de la forêt; ils pourront être utiles aux premiers efforts colonisateurs de l'homme. Le canguroo argile1 en fait sa nourriture et s'y réfugie; la colombe à collier roux y niche, à l'instar de nos perdrix; les moucherolles, les pardalotes et les bengalis se posent sur leurs tiges flexibles, fléchissant à peine sous le poids de ces petits êtres aériens. Les rayons du soleil traversent facilement ces massifs de feuilles étroites, sans cesse agitées sur leurs longs pédoncules; aussi projettent-ils une lumière douteuse, mêlée d'ombres sans cesse fugitives. L'œil pénètre au loin sous ces voûtes de branches et de feuilles; il y arrêté moins par la rencontre fortuite de quelques inégalités du sol, que par l'éclat incessamment variable de la clarté incertaine et mystique de ce séjour.

est

Cette végétation de la Nouvelle-Hollande semble faite pour un continent dont la physique ne serait encore qu'ébauchée. Ses montagnes, peu élevées et concentrées sur quelques points seulement de son étendue, sont disproportionnées, par rapport à la vaste étendue qu'elles dominent; il en résulte, que les plaines ne sont point suffisamment en communication avec les phénomènes fertilisateurs de l'atmosphère, et que le peu de pente du pays est un obstacle à une distribution convenable des cours d'eau:

Kanguroo agilis. Voyage au pôle S. et dans l'Océanie; par Dumont d'Urville. Zoologie, mammif., pl. 19.

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