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ties d'un bâtiment, et qui, quand elles étaient neuves, remplissaient entièrement les ouvertures dans lesquelles elles avaient été introduites, ont été petit à petit tellement rongées par l'oxydation qu'elles ont perdu toute leur force, et, quoiqu'on ait, dans certains points, remplacé ces chevilles par des chevilles en cuivre; toujours est-il qu'il entre une énorme quantité de chevilles et de clous en fer dans la construction d'un bâtiment, et que dans le voisinage de toutes ces pièces on est sûr de trouver, à la longue, de grands

ravages.

La plupart de ces détériorations proviennent de l'humidité qui résulte du séjour dans l'eau des bâtiments à flot, et cette remarque a fait prendre la mesure de conserver les bâtiments le plus possible sur les chantiers, en ne les lançant que quand on a besoin de les faire naviguer; mais cette mesure, quoique fort bonne en elle même, ne remédie au mal qu'en partie, puisqu'il y a une portion des bois qui se détériore, même hors de l'eau, et, dans tous les cas, elle occasionne une très-grande dépense en obligeant de maintenir de nombreuses çales de construction.

En récapitulant les causes de détérioration, dans les bâtiments à flot, et en mettant de côté la pourriture séche, dont nous parlerons plus tard, nous trouvons donc, d'un côté, l'humidité qui vient du dehors, et qui, s'introduisant de toutes parts par infiltration, arrive jusqu'au centre des bois et les pourrit en même temps qu'elle oxyde le fer; de l'autre, les insectes qui attaquent et le bois sec et le bois mouillé.

Dans ces deux cas, la cause ne réside pas dans les matières elles-mêmes; elle provient du dehors. Si donc on peut parvenir à garantir les surfaces, les bois resteront intactes. Or, quelles conditions devrait remplir un corps étranger qui serait placé à la surface des bois pour les protéger contre l'humidité et contre les insectes? C'est évidemment d'être tout à fait imperméable en ayant une grande adhérence, et de ne pouvoir être attaqué par les vers.

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La glu marine remplit toutes ces exigences: elle est complétement insoluble dans l'eau, et, par conséquent, imperméable; elle adhère parfaitement au bois et à tous les métaux; enfin on peut y ajouter facilement du sublimé corrosif en quantité telle, qu'aucun ver, aucun coquillage, aucune plante marine, ne pourrait s'y attacher. Toutes ces propriétés sont constatées par une expérience de près de trois ans dans le port de Woolwich, et elles semblent devoir se conserver bien plus longtemps encore.

Il reste à examiner maintenant de quelle manière il faudrait employer la glu marine, pour qu'elle pût remplir parfaitement le rôle important, qu'elle semble devoir jouer dans la conservation des bois, des métaux, des toiles à prélarts, des cordages mêmes, en un mot de tout ce qui compose le matériel naval.

Nous avons besoin d'entrer ici dans quelques détails, en examinant successivement tous les cas où l'on peut faire une application utile de cette composition.

On fait usage de la glu marine solide et de la glu marine liquide, l'une et l'autre sont complétement insolubles dans l'eau; elles sont très-adhérentes aux bois et aux métaux, et elles sont élastiques. Ces trois qualités sont très-importantes dans les applications. La glu solide s'emploie dans tous les cas où l'on a besoin d'une grande adhérence et d'une grande force, ainsi que cela a lieu dans les collages, les calfatages, les enduits de carènes, etc.

La glu liquide, qui n'est qu'une modification de la première, sert comme enduit plus léger, et comme intermédiaire entre le bois et la glu solide.

L'application de ces deux glus, doit toujours se faire à 'une température élevée; une instruction particulière donne avec détails la manière de s'en servir.

La glu solide remplace avantageusement le brai dans le calfatage; en effet, elle ne commence à fondre qu'à une température de 72° centigrades, elle ne devient pas cassante

par le froid, et elle adhère tellement au bois, qu'il n'est pas possible de l'en détacher. Il s'ensuit que les coutures remplies de glu solide se conserveront intactes dans quelque climat que se trouve le bâtiment. On a l'exemple d'une frégate anglaise, le Talbot, dont le calfatage entier, fait avec la glu marine, a été reconnu dans un état parfait de conservation, après une campagne de 18 mois dans les mers du Sud, et ayant passé par toutes les alternatives de chaud et de froid. Ce fait est constaté par un rapport officiel, fait au retour de cette frégate à Portsmouth, le mois d'août dernier.

Voilà donc une protection efficace apportée par la glu solide aux bâtiments pour toutes les coutures, et, en général, pour toutes les ouvertures par lesquelles l'eau pourrait trouver passage, car toutes les gercures, toutes les fissures, etc., peuvent être remplies de la même manière.

On pourra en outre perfectionner: 1° le chevillage, en trempant dans la glu marine bouillante les chevilles, soit en bois, soit en fer, au moment de les enfoncer; 2o le clouage des ponts, en remplaçant une partie des clous en fer par de petites gournables qui, au moyen de la glu, adhéreront dans toute leur longueur; 3° l'assemblage de beaucoup de pièces de bois qui ne sont que superposées et chevillées, et mille autres opérations, dans lesquelles on apportera aux constructions plus de solidité et plus de durée.

Partout, en un mot, où il se trouve des vides, quelque petits qu'ils soient, la glu marine viendra les remplir, et elle s'opposera au passage de l'eau en même temps qu'elle a mentera la solidité. Les applications en seront donc nombreuses tant dans la mâture que dans la coque. V STCW SONG

Que l'on suppose maitenant un bâtiment construit de cette manière, et que l'on vienne en outre à passer un enduit suffisamment épais de glu empoisonnée sur toute la surface extérieure submergée, on comprend facilement que pas une goutte d'eau ne pourra pénétrer du dehors et qu'aucun vers

t

de mer ne pourra attaquer la carène. (Les expériences faites
à Woolwich ne laissent aucun doute sur le résultat.)

Le travail conservateur sera complété en couvrant de
glu liquide le reste de la surface extérieure et toute la sur-
face intérieure. Je ne veux pas dire pour cela qu'un bâti-
ment ainsi construit ne fera jamais d'eau, et se conservera
toujours; mais il est hors de doute qu'il fera moins d'eau et
se conservera plus long temps.

L'enduit de la carène pourra même dispenser du doublage en cuivre, et l'exemple suivant peut donner une idée de l'économie qui en résulterait. Le doublage en cuivre d'unc frégate de deuxième rang coûte environ 30,000 francs, tandis que l'enduit de glu empoisonnée, qui le remplacerait, ne coûterait pas même 3,000 francs, et cet enduit, restant toujours lisse, conserverait aux bâtiments leur marche, tandis que le cuivre se salit promptement, et nécessite des nettoyages fréquents; cette considération est à elle seule d'une grande importance.

Quant à la question de durée, il est probable que l'enduit, qui se durcit et fait corps avec le bois, n'ayant aucune cause de détérioration dans l'eau de mer, tiendra au moins aussi longtemps que le doublage en cuivre.

On pourrait, au reste, si l'on craignait plus d'usure à la flottaison, laisser quelques virures à cette hauteur; le but serait rempli et les bâtiments conserveraient l'apparence extérieure que leur donne le cuivre et 'qui ajoute à leur élégance. Plusieurs opérations de ce genre ont été faites en Angleterre et ont donné de très-bons résultats, et la frégate le Shannon va recevoir, dans peu de jours, un enduit de glu marine empoisonnée, qui devra remplacer totalement le doublage en cuivre.

Outre ces applications de glu solide, on trouvera, dans l'emploi de la glu liquide comme enduit, un moyen de donner une bien plus grande durée à toutes les manœuvres

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dormantes, aux amarres, etc., et à toutes les toiles dont on se sert comme prélarts, couvertures de hangars, etc.

Le fer, la fonte, la tôle, le plomb, et, en général, tous les métaux, trouveraient aussi, de cette manière, une protection efficace contre l'oxydation; les canons, les chaînes de portehaubans, et mille autres objets sujets à la rouille, seraient alors beaucoup mieux protégés qu'ils ne le sont maintenant. Tel est le résumé des diverses applications de la glu marine pour la conservation des bâtiments, et on pourrait les étendre aux matières qui ne sont point encore employées, surtout aux bois de construction; on arriverait alors à la conservation du matériel total. Il est possible que nous nous soyons exagéré les résultats que l'on pourrait en obtenir, entraînés comme nous le sommes par l'espoir de trouver un moyen d'arrêter un grand mal, celui qui résulte de la prompte détérioration du matériel naval; mais ces résultats ne sont pas sans probabilité, et ils sont d'une telle importance, qu'ils valent la peine que l'on fasse de nombreux essais et que l'on cherche, par tous les moyens possibles, à en acquérir l'assurance.

J'ajouterai un mot sur la pourriture sèche, que je n'ai fait qu'indiquer parmi les causes de destruction des bois, attendu que, jusqu'à ce jour, on ignore ce qui peut engendrer ce redoutable fléau; néanmoins, comme on sait qu'en général le contact de l'air en favorise le développement, et que de plus des constructeurs distingués, consultés à ce sujet, ont émis l'opinion qu'il pourrait y avoir quelques relations entre la pourriture sèche et une certaine action galvanique, qui se produit dans le contact des bois de natures différentes qui entrent dans la construction d'un bâtiment, il en résulte que, s'il en était ainsi, la couche de glu marine qui les couvrirait pourrait contribuer à diminuer les chances de pourriture sèche, en préservant le bois du contact de l'air et en isolant les surfaces au moyen d'une composition qui, comme toutes les résincs, est non conducteur

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