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nuit neigeuse sur le pont, dans l'inaction la plus complète (Rondel).

Une trentaine d'hommes accusent des dispositions à la gengivite; peu offrent des ulcérations.

Deux fractures, l'une en travers de l'extrémité inférieure du cubitus gauche (Hillion), l'autre oblique aux 2/3 externes de la clavicule du même côté (Larnov), sont reçues au poste. Depuis la prise de connaissance d'Amsterdam, nous avons presque toujours le faux-pont mouillé par l'eau que les grands roulis font tomber de la batterie par les panneaux. Peut-être aussi n'attachait-on pas assez d'importance aux recommandations qui prescrivent l'usage modéré des briquages humides. Toujours est-il que les maîtres chargés de ces détails sont habitués à considérer comme nuls les nettoyages sans eau. D'un autre côté, la température était assez basse et l'atmosphère constamment très-humide. Le résultat de ces circonstances fut le retour des affections catarrhales qui ont augmenté en nombre et en gravité. Deux hommes ont succombé en octobre: Joubert (Julien) des suites d'une irritation gastro-pulmonaire avec accidents cérébraux, et Rouxel (Julien) avec une fièvre typhoide, l'un avant, l'autre après notre mouillage à Baie-des-Iles.

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Mais ce qui est venu nous donner de justes motifs d'inquiétude, c'est l'invasion du scorbut. Dix cas se succèdent, à courts intervalles, en octobre. Le premier appartient à un marin (Jubrey), qui en a été atteint précédemment (1840), en revenant de Terre-Neuve; les neuf autres ont été observés chez des malades déjà au poste, pour divers troubles dans les voies aériennes et alimentaires.

Il est à remarquer que l'apparition des symptômes scorbutiques coincide avec l'élévation progressive de la tempćrature, à mesure que nous remontions vers le N. pour doubler le cap Otoü (Nouvelle-Zélande). Le ciel était toujours couvert de nuages et l'atmosphère très-humide, tandis qu'un temps sec et clair aurait été si convenable à l'état

d'hommes soumis, sans précautions, à l'action prolongée d'une humidité froide, et à l'usage d'aliments peu substantiels.

Je ferai observer que je ne désigne ici sous le nom de scorbutiques que les malades qui présentent des symptômes généraux de cette redoutable maladie: tels sont les ecchymoses, pétéchies avec œdème et douleurs des extrémités, surtout les inférieures. Pour moi, les affections des gencives n'ont de valeur, en ce sens, qu'autant qu'elles accompagnent les autres phénomènes. Cependant je les considère comme les avant-coureurs de l'état scorbutique, bien que, souvent à bord de l'Héroïne, elles ne se soient manifestées que secondairement.

Le mauvais état des dents, et surtout la négligence des hommes, entretiennent presque toujours ces stomatites qu'une observance rigoureuse des habitudes de propreté la plus simple éloignerait des équipages.

Un quartier-maître de la 42' (Allain), convalescent d'une gastro-entérite, présente des accès intermittents qui réclament la prompte administration du sulfate de quinine.

Une luxation de la tête de l'humérus droit, sur le bord axillaire de l'omoplate, a été réduite immédiatement sans accidents consécutifs.

Le 20 octobre nous arrivons à la Baie-des-Iles (île du nord de la Nouvelle-Zélande), devant Kororaréka. Là nous pouvons enfin nous procurer des rafraîchissements si nécessaires.

Pressés de rallier l'Aube à la presqu'île de Banks, nous ne pouvons jouir que cinq jours d'une température égale et douce, au milieu des ressources de toute nature qui font rechercher cette baie des navires baleiniers; c'est là aussi que nous avons rencontré, mouillées devant Russel's-Town, les corvettes anglaises l'Erèbe et la Terreur, commandées par le capitaine James Clark-Ross, de retour de leur première campagne dans les mers polaires australes. Ce navigateur se disposait à renouveler ses découvertes dans les mêmes

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parages; ses équipages étaient dans un parfait état de santé. J'ai utilisé, à Kororaréka, cette espèce de myrte, connue sous le nom de thé de Cook, en fumigation, pour les œdèmes et taches scorbutiques. Une infusion légère de cette plante, fort agréable au goût, a eu pour effet de nous procurer un sommeil prolongé, suivi de pesanteur de tête et de quelques nausées. J'ai dû renoncer à son usage intérieur pour les malades.

Le 25 octobre, nous partons pour Akaroa, où nous arrivons le 5 novembre.

Pendant ce dernier mois, surtout vers la fin, sont entrés onze nouveaux cas de scorbut, dont les rafraîchissements pris à Kororaréka n'ont pu arrêter la marche. Encore quelques troubles dans les fonctions respiratoires et digestives.

Bien qu'installés, depuis notre arrivée à Akaroa, dans l'hôpital de l'établissement, nos premiers malades n'ont ressenti que peu d'amélioration. Nous sommes en décembre, et, à la fin de ce mois, deux nouveaux scorbuts se déclarent. C'est à cette époque (28 décembre 1841) que j'adressai, sur sa demande, au commandant, un rapport sur l'état sanitaire du bord; j'y signalai l'insuffisance, à Akaroa, des ressources propres à rétablir promptement nos convalescents et à fortifier les bien portants contre de nouvelles fatigues. L'Aube était alors à Sydney. Le nommé Périer a succombé ce mois à la phthisie, suite d'une gastro-bronchite chronique.

Neuf scorbutiques sont sortis cependant. Les légumes commencent à paraître, et, malgré leur prix exorbitant, nos malades s'en procurent. Les stomatites ont été plus fréquentes en décembre que pendant les deux mois précédents. Les deux diarrhées chroniques ont marché peu régulièrement.

Deux hommes, atteints d'ulcérations aux jambes (Léveillé et Perron), n'éprouvent aucun changement durable dans leur état.

Un Anglais marié, canotier et jardinier du magistrat anglais à Akaroa, est entré dans notre hôpital pour y être opéré d'un hydro-sarcocèle ulcéré du côté droit, datant de deux ans, et résultat d'une contusion violente par une flèche de wagon. Aidé de M. Cigale, mon second chirurgien, j'amputai facilement l'organe malade avec un lambeau du scrotum, le 6 décembre. Dans les premiers jours de janvier 1842, Shaw, complétement guéri, a repris ses travaux sans inconvénient.

Quelques hommes, détachés à terre pour labourer un jardin, faire du charbon, etc., m'ont présenté quelques accidents imitant les symptômes de la colique végétale au premier degré; j'en ai éprouvé moi-même trois attaques, la dernière très-violente, à la suite de courses fatigantes dans les forêts: j'avais, lors de ces excursions, bu sans mélange l'eau des ravins. Une constipation opiniâtre avec météorismes, coliques atroces et vomissements, accompagnés de crampes aux mollets et ralentissement du mouvement circulatoire, ont été des symptômes constants. Les laxatifs et les opiacés ont triomphe de ces accidents.

Le commencement de janvier a été signalé par une série des plus beaux jours que nous ayons eus à Akaroa. Nos scorbutiques en ont éprouvé les bienfaisants effets. A la fin du mois je n'en compte plus que quatre à l'hôpital.

Depuis la fin de novembre, la pêche ayant été nulle, j'obtins, pour les malades, dix-huit repas de viande adaubée, prélevés sur les cinq dîners d'équipage embarqués à Brest. Par le moyen d'échanges, faits avec l'excédant de leur ration de bord, les convalescents ont pu se procurer, de temps en temps, quelques pigeons, perroquets, poissons, plus rarement des légumes, soit avec les colons, soit avec les Maouris d'Akaroa, qui pêchaient à l'ouverture de la baie.

A bord, les hommes, qui le plus souvent dormaient sans précaution sur le pont, à l'humidité des nuits, m'ont présenté plusieurs catarrhes pulmonaires avec coryza, et un

plus grand nombre d'irritations gastro-intestinales. Deux, parmi ces dernières, ont offert, dès le début, des symptômes inquiétants: la première appartient à un jeune quartier-maître charpentier (Vern), qui a travaillé quelque temps à terre au soleil et dans un endroit marécageux; il était atteint depuis quelques jours de diarrhée simple quand il rentra à bord. Le second cas est observé chez le nommé Penteuvre, homme déjà usé et convalescent du scorbut; il arrive également à bord avec une diarrhée asthénique qui le fatigue beaucoup.

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Enfin, le départ de l'Héroïne étant fixé au 1 janvier, je propose au commandant de laisser à l'Aube, récemment arrivée de Sydney, cinq de nos malades qui me paraissent hors d'état de prendre immédiatement la mer :

1o Le Tousse.—Diarrhée chronique, suite de dyssenterie des Antilles; anasarque de la partie inférieure du corps et émaciation.

2° Bésard.... Gastro-pneumonie chronique; rechutes fréquentes. 3° Thymeur. - Gastro-duodénite chronique avec diarrhée souvent recrudescente.

4° Le Bigot...Scorbut; troubles fréquents de l'appareil digestif. 5° Gousdaff..-Fracture compliquée récente des os de la face, à la suite de chute nocturne du bouquet de grande voile

sur le cabillot de tournage de l'écoute de grand humier. (29 janvier 1842.)

Malgré la gravité de l'accident, tout marchait, à notre départ, de manière à ne laisser que peu de crainte pour la vie de ce marin : une hémorragie abondante provenant des branches maxillaires avait probablement prévenu les symptômes de commotion.

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Le 1 février, la corvette met à la voile pour se rendre à Port-Adélaïde (Nouvelle - Hollande), par le S. de la Nouvelle-Zélande. Quelques boîtes de viande conservée et 600 livres de pommes de terre achetées à Nicholson, sur le détroit de Cook, sont mises à la disposition de l'hôpital.

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