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-an v. France.

enfiu. C'est ainsi que la révolution du 18 fructidor devint fatale 1797
au Directoire lui-même. Les auteurs de cette crise' se sont pré-
valus auprès de la nation de ce qu'elle avait été opérée sans ré-
pandre de sang; mais n'était-il pas dans leur intérêt de dé-
tourner des vaincus le glaive qui pouvait, par les mêmes moyens,
les frapper eux-mêmes un peu plus tard? Nous le répétons, ce
ne fut point exclusivement dans l'intérêt de la république qu'a
girent les directeurs : l'esprit de domination, la rivalité, l'am-
bition, la crainte des suites de récriminations fondées eurent
la plus grande part dans un mouvement qui pouvait être exé-
cuté par d'autres moyens et pour d'autres résultats. L'armée
nationale, éclairée sur les démarches qu'on lui avait fait faire,
fut préparée dès lors à voir renverser bientôt, sans y mettre op-
position, un gouvernement qui donnait ainsi le nouvel exemple
de la violation des lois constitutionnelles.

40 décembr

France.

Mort du général Hoche; pompe funèbre en l'honneur de ce 1797— an vi. général. Présentation du général Bonaparte au Directoire, etc. Avant de terminer le récit de l'année 1797, nous consignerons ici deux événements qui doivent entrer aussi dans nos fastes militaires : nous voulons parler de la mort de l'un des premiers généraux de la France républicaine et de la réception faite au vainqueur de l'Italie par le Directoire en séance solennelle.

Le destin ne permit point au guerrier libérateur de Landau, au pacificateur de la Vendée de mourir du trépas des braves sur le champ de bataille. Doué d'un tempérament robuste et ardent, quoique d'une sensibilité de nerfs extraordinaire, le général Hoche n'éprouvait que des sensations vives et brûlantes; la

1 Nous allons présenter ici, sans toutefois en garantir l'exacte ressemblance, le portrait du plus influent des trois directeurs, tracé par un observateur contemporain :

«Avide de pouvoir, agité des desseins les plus contraires, incapable d'aucune application, accessible à tout conseil funeste, n'ayant d'esprit que ce qu'il en faut pour satisfaire ses passions, d'autre talent que celui de mettre en œuvre les passions d'autrui, et trop accablé par la conscience de sa nullité pour s'élever au courage d'une noble ambition, Barras se plaçait avec ostentation à la tête des républicains, et livrait à des intrigants obscurs tout l'or de la république.

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(Essais historiques et critiques sur la révolution française, par P.....)

France.

4797 --- an vi. moindre affection morale l'agitait au delà de toute expression. La révolution française n'avait pas peu contribué à donner un plus grand développement à ces dispositions physiques. Jeté sur un grand théâtre, Hoche employa toutes ses facultés pour remplir dignement le rôle qu'il était destiné à jouer; i les usa à force de travail. Les contrariétés qu'il éprouva lors de son emprisonnement sous Robespierre, les fatigues qu'il se donna dans les départements insurgés pour les pacifier, le mauvais succès de l'expédition d'Irlande, les dangers qu'il courut sur mer en cette dernière occasion, enfin les derniers événements du 18 fructidor, auxquels son fanatisme pour la liberté, encore plus que son ambition ou son dévouement à la cause des directeurs triomphants lui fit prendre une part si active: toutes ces causes réunies épuisèrent ses forces, et ranimèrent, avec des symptômes effrayants, une maladie de poitrine, dont il avait déjà éprouvé des atteintes à Brest, et qu'il avait négligée. Tous les secours de l'art ne purent le sauver, et il mourut au quartier général de Wetzlar, le 18 septembre 1797 ( 2o jour complémentaire an v).

Sur la motion du député Malibran, et sur le rapport de Jean Debry, organe de la commission nommée à cet effet, le conseil des Cinq-Cents vota une pompe funèbre à la mémoire du général Hoche. Cette résolution, adoptée par le conseil des Anciens, fut mise à exécution par le Directoire, le 1er octobre 1797 (10 vendémiaire an vi).

Le corps du général Hoche fut déposé à côté de celui de Marceau, dans la redoute de Petersberg, près de Coblentz. Ainsi la tombe ne sépara point deux guerriers unis pendant leur vie par les liens d'une étroite amitié.

Bonaparte, après la signature du traité de Campo-Formio, avait donné ses derniers soins à l'organisation de la nouvelle république cisalpine, et s'était rendu ensuite, par la Suisse, à Rastadt, pour y préparer, par sa présence victorieuse, l'heureuse issue des négociations qu'allaient entamer les plénipotentiaires français Treilhard et Bonnier, nommés au congrès rassemblé dans cette ville.

Cependant la reconnaissance nationale appelait à Paris le héros pacificateur, et se disposait à lui rendre l'hommage pu

France,

blic dù à ses glorieux travaux. Bonaparte arriva dans la capi- 1797 — an vi. tale le 5 décembre 1797 ( 15 frimaire an vi), et le 10 du même mois fut fixé pour l'époque de sa présentation solennelle au Directoire.

« Tout ce qu'il y avait d'opprimé en France, dit l'historien Lacretelle, avait hâté son retour; depuis longtemps chacun portait dans son âme quelque pressentiment des destinées du conquérant de l'Italie. Ceux qui n'avaient encore éprouvé que des rigueurs de la république voyaient en lui un libérateur; tous brûlaient de saluer celui qui avait porté si haut la gloire de la nation.... Le peuple jouissait d'avance du plaisir de dire à cinq magistrats sans renommée et sans popularité: Voilà un grand homme! >>

On avait disposé la cour du palais du Directoire pour être le theatre de la cérémonie. Au milieu s'élevait un autel de la Patrie, surmonté des statues de la Liberté, de l'Égalité et de la Paix, et décoré de plusieurs trophées formés avec les nombreux drapeaux conquis par l'armée d'Italie. A chaque côté de l'amphithéâtre destiné aux autorités était placé un faisceau des drapeaux des différentes armées de la république.

Bonaparte paraît, accompagné des ministres des relations. extérieures et de la guerre, et suivi de ses aides de camp. Des acclamations unanimes partent de toutes les bouches, et élévent aux cieux les noms de libérateur de l'Italie et de pacifivaleur du continent. Parvenu au pied de l'autel de la Patrie, le général est présenté au Directoire par le ministre des relations extérieures, Talleyrand-Périgord, qui prononce un discours dont nous croyons devoir extraire le passage suivant :

« Je veux bien taire en ce jour tout ce qui fera l'honneur de l'histoire et l'admiration de la postérité; je veux même ajouter, pour satisfaire aux vœux impatients du général, que cette gloire, qui jette sur la France entière un si grand éclat, appartient à la révolution. Sans elle, en effet, le génie du vainqueur de l'Italie eût langui dans de vulgaires honneurs. Elle appartient au gouvernement qui, né comme lui de cette grande mutation qui a signalé la fin du dix-huitième siècle, a su deviner Bonaparte et le fortifier de toute sa confiance; elle appartient à ses valeureux soldats, dont la liberté a fait d'invincibles héros; elle

France.

1797 — an vi. appartient enfin à tous les Français dignes de ce nom : car c'etait aussi, n'en doutons point, pour conquérir leur amour et leur vertueuse estime, qu'il se sentait pressé de vaincre; et ces cris de joie des vrais patriotes, à la nouvelle d'une victoire, reportés vers Bonaparte, devenaient là les garants d'une victoire nouvelle. Ainsi tous les Français ont vaincu en Bonaparte; ainsi sa gloire est la propriété de tous; ainsi il n'est aucun républicain qui ne puisse en revendiquer sa part. »

Après avoir remis au président du Directoire la ratification donnée par l'empereur d'Autriche au traité de paix de CampoFormio, le général Bonaparte s'exprima en ces termes :

« Citoyens directeurs,

« Le peuple français, pour être libre, avait les rois à combattre.

« Pour obtenir une constitution fondée sur la raison, il avait dix-huit siècles de préjugés à vaincre.

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La constitution de l'an 11 et vous, avez triomphe de tous ces obstacles.

« La religion, la féodalité et le royalisme ont successivement, depuis vingt siècles, gouverné l'Europe; mais de la paix que vous venez de conclure date l'ère des gouvernements représentatifs.

« Vous êtes parvenus à organiser la grande nation, dont le vaste territoire n'est circonscrit que parce que la nature en a posé elles-mêmes les limites.

« Vous avez fait plus :

« Les deux plus belles parties de l'Europe, jadis si célèbres par les arts, les sciences et les grands hommes dont elles furent le berceau, voient avec les plus grandes espérances le génie de la liberté sortir des tombeaux de leurs ancêtres.

« Ce sont deux piédestaux sur lesquels les destinées vont placer deux grandes nations.

« J'ai l'honneur de vous remettre le traité signé à CampoFormio et ratifié par S. M. l'empereur.

« La paix assure la liberté, la prospérité et la gloire de la république.

a Lorsque le bonheur du peuple francais sera assis sur les

an 11. France.

meilleures lois organiques, l'Europe entière deviendra libre. » 1797
Le ministre de la guerre présenta ensuite au Directoire le gé-
néral Joubert et le chef de brigade Andréossi, chargés par Bo-
naparte, à son départ de l'armée d'Italie, de venir rapporter au
Directoire exécutif le drapeau que les deux conseils avaient dé-
cerné à cette brave armée, et sur lequel étaient les inscriptions
qui rappelaient ses principaux exploits.

Sur une des faces de ce drapeau on lisait :

A L'ARMÉE D'ITALIE, LA PATRIE RECONNAISSANTE.

Sur l'autre côté étaient inscrits les noms des combats livrés et des villes prises par cette armée. On y remarquait entre autres les inscriptions suivantes :

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« Cent einquante mille prisonniers. Cent soixante-dix drapeaux. Cinq cent cinquante pièces de siége.- Six cents pièces de campagne. — Cinq équipages de pont. Neuf vaisseaux de 64 canons, douze frégates de 32, douze corvettes, dix-huit galères. Armistice avec le roi de Sardaigne. Convention avec Gènes. Armistice avec le duc de Modène, le roi de Naples, le pape.- Préliminaires de Leoben, etc.

« Donné la liberté aux peuples de Bologne, Ferrare, Modène, Massa-Carrara, de la Romagne, de la Lombardie, etc.; aux peuples du département de Corcyre, de la mer Egée et d'Ithaque.

« Envoyé à Paris les chefs-d'œuvre de Michel-Ange, du Guerchin, du Titien, de Paul Véronèse, Corrége, Albane, des Carraches, Raphaël, Léonard de Vinci, etc., etc. »

L'aspect de cette auguste enseigne redoublait encore, s'il etait possible, l'enthousiasme des spectateurs.

En présentant les deux guerriers, le ministre dit :

Citoyens directeurs,

«La reconnaissance nationale décerna un drapeau à l'arméc d'Italie, comme un monument de sa gloire et de son courage; ce drapeau est devenu le gage de nouveaux triomphes, ou plutôt de prodiges, qui, par leur nombre et leur éclat, surpassé tous les faits mémorables transmis par les fastes de l'histoire.

ont

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