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Suisse

Berne, était soumis à un gouvernement qui ne permettait pas 1798 — an v1. à tous les citoyens de prendre une égale part à l'administration publique. Des oligarques, décorés du titre de magnifiques seigneurs, tenaient dans une espèce d'asservissement, sur le sol de la liberté, des villes populeuses et florissantes; et les habitants de ces villes n'étaient désignés que par la dénomination de sujets, mot humiliant pour des hommes qui pouvaient se considérer comme républicains. La révolution opérée en France fit concevoir à ces prétendus sujets l'espérance de recouvrer des droits imprescriptibles. Tout le pays de Vaud (c'est la denomination du territoire soumis alors à l'autorité des cantons de Berne et de Fribourg) enhardi dans sa démarche par la destruction du gouvernement vénitien, et peut-être excité sous main par des agents du Directoire, qui avait à se venger de la conduite tenue par les magnifiques seigneurs à l'égard des proserits du 18 fructidor 1; le pays de Vaud demanda à former un canton séparé, et menaça de recourir à l'intervention du gouvernement français. Les motifs allégués par les Vaudois en fa veur de leur demande n'étaient point, au surplus, sans fondements légitimes.

Le pays de Vaud, précédemment démembré de la France, appartenait, avant l'année 1530, au duché de Savoie, et formait, sous le gouvernement des dues, une province séparée, régie par des États de concert avec un bailli ducal, dont les attributions étaient circonscrites par des lois constitutionnelles.

En 1530, le pays de Vaud fut détaché de la Savoie et passa sous la domination des patriciens des cantons de Berne et de Fribourg, qui abolirent les priviléges de leurs nouveaux sujets.

En 1564, le duc de Savoie, ayant solennellement renoncé à ses prétentions sur ce pays, stipula néanmoins la réserve de sa constitution; et l'année suivante (1565), le roi de France, Charles IX, se constitua garant de ce traité, et par conséquent des droits politiques du pays de Vaud.

A différentes époques, les Vaudois avaient réclamé contre la violation de ces clauses; mais toujours la force avait imposé

1 Plusieurs des exilés avaient trouvé un asile hospitalier dans le canton de Berne.

1798-an VI. Suisse.

silence aux réclamants. Ceux qui montrèrent plus de courage ou de persévérance que les autres furent proscrits; et de ce nombre fut le brave général Laharpe, dont le nom figure si ho¬ norablement dans nos annales: adopté par la république française, il devint un de ses intrépides défenseurs, et scella de son sang, dans les plaines de l'Italie, l'attachement qu'il avait voué à sa nouvelle patrie.

Le 28 décembre 1797 (8 nivôse an vi), le Directoire français prit un arrêté qui chargea le ministre de la république pres les cantons helvétiques de déclarer, aux gouvernements de Berne et de Fribourg, que les membres de ces gouvernements répondraient personnellement de la sûreté individuelle et des propriétés des habitants du pays de Vaud qui se seraient adressés et pourraient s'adresser encore à la république française pour obtenir, par sa médiation, en exécution des anciens traités, d'être maintenus ou réintégrés dans leurs droits.

Si les droits des peuples, consacrés par des actes solennels, ne peuvent être regardés comme chimériques, il est évident que l'intervention du gouvernement français dans le procès entre les Vaudois et les cantons de Berne et de Fribourg n'était point arbitraire, et ce que nous venons d'exposer nous a paru suffisant pour repousser l'insinuation de certains écrivains qui ont cherché à prèter au Directoire le motif de s'emparer d'un trésor de quinze millions de livres tournois que possédait la ville de Berne.

Cependant les sénats de Berne et de Fribourg faisaient des préparatifs pour étouffer l'insurrection qui s'organisait contre eux. Le colonel de Weiss fut chargé de rassembler un corps de troupes, et établit, à cet effet, son quartier général dans la ville d'Yverdun. D'un autre côté, le Directoire avait fait avancer une division de l'armée d'Italie vers les frontières de la Suisse ; et le général Menard, qui la commandait, fit signifier au colonel bernois que, s'il ne licenciait pas sur-le-champ les troupes déjà réunies, et s'il ne faisait pas cesser les levées d'hommes qui n'avaient pour but que de comprimer l'émission des vœux du peuple, leur continuation serait regardée comme une hostilité, et qu'à moins d'une réponse catégorique et satisfaisante, les Français entreraient dans le pays de Vaud pour en éloigner la

guerre civile, que des ennemis de l'humanité tenteraient d'y 1728-an vi

fomenter.

Le général Menard chargea son aide de camp, le capitaine Autier, de porter cette déclaration au colonel de Weiss, en le faisant accompagner par deux hussards, que les habitants de Moudon crurent devoir, à son passage dans cette ville déjà en insurrection contre Berne, renforcer par deux dragons vaudois. Au village de Thierens, distant de deux lieues d'Yverdun, le capitaine Autier, qui était en voiture, fut attaqué par un poste de troupes bernoises, sans doute provoqué par quelques propos des dragons vaudois. Les deux hussards français furent tués dans cette rixe, l'un des dragons vaudois blessé, et son cheval tué sous lui; l'aide de camp parvint à s'échapper avec beaucoup de difficulté.

De retour à Moudon, cet officier trouva toute la milice sur pied et en armes : avertie de ce qui venait de se passer, elle se disposait à marcher à son secours et à incendier le village, théâtre de l'attentat commis. Le capitaine Autier employa tous ses efforts pour arrêter cette vengeance. La milice de Moudon et celle de Lausanne se bornèrent à chasser les troupes bernoises du village de Thierens.

Le général Menard, informé qu'on n'avait point crié sur l'escorte de son aide-de-camp et qu'on n'était point venu la reconnaître, vit dans l'acte des soldats de Berne l'intention du sénat de cette ville de commencer les hostilités, et se crut, en conséquence, obligé de mettre sa division en mouvement pour venger l'insulte faite à la république française. Le 28 janvier, la 75° demi-brigade, dirigée par le général Rampon, traversa le lac de Genève et vint s'établir à Lausanne, où le quartier général français se rendit également

Voici l'extrait de deux proclamations que le général Menard publia, à son entrée sur le territoire vaudois, aux troupes de sa division et aux Vaudois :

« Braves soldats,

« La liberté, dont vous êtes les apôtres et les défenseurs, vous appelle dans le pays de Vaud..... Vous vous pénétrerez du sentiment de dignité qui convient à notre mission. La répu

Suisse.

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