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1798 — an vj. fait échange contre un pareil nombre de Français. La premiers Océan ind. chose dont il s'occupa ensuite fut d'équiper ses prises; cela fait, il les expédia pour l'ile de France, où elles arrivèrent heureu

Colonies francaises.

sement.

Ce coup de main du capitaine L'hermite sous Tellichery ne retarda pas beaucoup sa mission : il arriva à Mangalore le 24 avril. Il débarqua sur-le-champ les ambassadeurs de Tippoo et les volontaires français, et, après avoir passé deux jours sculement dans cette rade, il en partit, et fut rejoindre, vers la mi-juin, à Java, l'amiral Sercey, qui venait d'y arriver sur la Brûle-Gueule, avec l'intention d'établir son quartier général dans cette ile.

Précis des événements militaires arrivés dans les colonies depuis le commencement de 1797 jusque vers le milieu de 1798. Les détails que nous venons de donner sur les opérations de l'escadre de l'amiral Sercey se trouvaient tellement liés aux événements politiques et militaires qui, dans les îles de France et de la Réunion, ont marqué l'époque comprise dans ce volume, qu'il ne nous reste presque plus rien à dire sur ces deux colonies. Le gouverneur général et les assemblées coloniales, toujours en bonne intelligence, y persévéraient dans le systéme de conduite qu'ils avaient adopté; et tous leurs actes, basés sur l'intérêt privé des colons, continuaient d'avoir pour but de se mettre, par tous les moyens possibles, en mesure d'empêcher l'exécution de l'article de la constitution de l'an III et des lois de la république sur la liberté générale.

Après avoir obtenu la déportation de tous les soldats venus avec les agents, les colons de l'ile de France ne se crurent pas encore en sûreté, et il leur tardait de voir la colonie débarrassée entièrement des troupes européennes. Il ne restait alors dans l'ile que les squelettes des 107° et 108° régiments, dont la plupart des officiers et sous-officiers, mariés à des femmes du pays, se trouvaient unis d'intérêt avec les habitants. L'assemblée coloniale comptait ainsi, avec raison, sur les chefs; mais les soldats ne lui inspiraient pas la même confiance. Soit que ceuxei eussent, en effet, formé le projet de proclamer la liberté des esclaves, ou que l'assemblée cut seulement des craintes qu'ils le formassent par la suite, elle obtint, le 24 avril 1798, un

an VL Colon. fr.

ordre du gouverneur Malartic, pour que les compagnics de gre- 17:8 nadiers des deux régiments s'embarquassent sur la frégate la Seine, prête à partir en croisière. On présume que ces deux compagnies devaient être débarquées à Batavia ou à Mangalore, pour y passer au service de Tippoo.

Voyant dans cet ordre un dessein formé par l'assembléc de se défaire d'eux comme de leurs camarades, qu'on avait envoyés périr dans une fle, tombeau des Européens, les grenadiers se mutinèrent et refusèrent de s'embarquer. En vain leur assurat-on qu'il n'était question que de faire une croisière, dans laquelle ils pourraient gagner de bonnes parts de prises, et nullement de les déporter, représentations, prières, tout fut inutile. Le gouverneur résolut alors d'avoir recours à la force pour se faire obéir.

Les grenadiers ayant entrainé le reste des soldats de leurs corps dans la révolte, les deux régiments prirent les armes, se pourvurent de cartouches et placèrent en batterie huit pièces de canon qui étaient dans la cour de leur caserne. Les officiers, presque tous attachés à la colonie par des liens de famille ou ceux de la propriété, loin de favoriser les soldats, firent les plus grands efforts pour les empêcher de se porter dans la ville, ce que toutefois quelques turbulents seuls avaient envie de faire, la majeure partie de la troupe, au contraire, voulant se borner à se tenir sur la défensive. La nuit se passa dans cet état.

La nouvelle de cette insurrection s'était sur-le-champ répandue dans l'ile, et des ordres avaient été envoyés de toutes parts pour que tous les habitants en état de porter les armes se rendissent à la ville. Au point du jour, le 25, les tambours de la gårde nationale battirent la générale, et chaque habitant courut à son poste, pensant que cette journée allait décider du destin de la colonie. Tout ayant été disposé pendant la nuit pour attaquer les soldats dans leur caserne, quatre pièces de canon et deux obusiers furent établis sur une hauteur qui dominait la cour où les deux régiments étaient en bataille. Douze pièces de campagne, traînées par de jeunes colons exercés à les servir, s'avancèrent de différents côtés à la tête de quatre colonnes de la garde nationale, et furent mises en batterie autour de la caserne; les mèches étaient allumées des deux côtés, et

1798

- an vi.

Colon. fr.

tout annonçait qu'un combat sanglant allait commencer.

En ce moment M. de Malartie se présente, suivi de quelques membres de l'assemblée coloniale; il somme les grenadiers d'obéir à l'ordre qu'il leur avait donné la veille, et d'aller surle-champ s'embarquer à bord de la Seine, pour partir en croisière. Les grenadiers réitèrent leur refus. Les membres de l'assemblée qui avaient accompagné le général le supplient alors de changer cet ordre et d'ordonner que les deux régiments tout entiers s'embarquent pour la France. Il cède à leurs désirs, et intime aux soldats ce nouvel ordre, en leur donnant jusqu'à midi pour faire leurs sacs. Ceux-ci, après avoir un peu hésité, acceptèrent cette proposition, et, le jour même, ils s'embarquèrent sur la frégate la Seine et sur un grand navire marchand qui fut frété pour les transporter en Europe. La plupart des officiers abandonnèrent leurs drapeaux et demeurèrent dans l'ile c'étaient en grande partie des officiers de l'ancien régime, beaucoup moins partisans de la république qu'attachés à la colonie.

La journée du 25 avril décida, en effet, du sort de l'île de France, gouvernée par elle-même, défendue par ses milices: à compter de ce jour, elle fut aussi indépendante en apparence de la métropole qu'elle l'était en réalité depuis 1792'.

Nous allons maintenant parler des colonies françaises d'Amérique, et, poursuivant la marche que nous avons adoptée, nous commencerons par les îles du Vent.

Les mêmes causes qui, en 1796, mirent un terme aux succès que les armes républicaines avaient obtenus l'année précédente, continuant d'exercer leur influence en 1797 et 1798, l'histoire militaire de ces colonies n'offre aucun événement d'importance. Parmi les petites Antilles, la France ne possédait uniquement alors que la Guadeloupe et une partie de ses dé

a

Voici comment un auteur, que nous avons déjà cité, dépeint la situation de l'ile de France après cette fameuse journée : « L'ile ne renfermait plus dans son sein un seul individu qui ne fût intéressé à sa prospérité, et elle avait le bonheur d'être gouvernée par un général qui, bien qu'exerçant l'autorité au nom de la république française, n'avait d'autre volonté que celle de Fassemblée coloniale

GRANT'S, History of Mauritius.

Colon. fr.

pendances. Privé des secours de la métropole, Victor Hugues 1798 — an v1. se bornait à continuer la guerre de corsaires qu'il faisait aux Anglais, et il avait de bonnes raisons pour la pousser avec activité.

Dans ses expéditions maritimes, Hugues ménageait peu les neutres, et, dans les ports de la Guadeloupe, ils étaient exposés à des vexations. La conduite de cet agent amena de la mésintelligence entre la France et les États-Unis. Cette circonstance, et peut-être aussi les innombrables dénonciations dont il était F'objet, les actes arbitraires et les exactions dont on l'accusait sans cesse déterminèrent le Directoire à lui retirer des pouvoirs dont la durée ne devait être que de dix-huit mois, et qui avaient été prorogés beaucoup au delà de ce terme. Nous reprendrons notre récit à l'arrivée de son successeur.

L'état de Saint-Domingue, ainsi que nous l'avons dit, semblait s'améliorer depuis la venue des agents du Directoire. L'attachement des noirs pour Santhonax, les soins, le zèle et les efforts du général Desfourneaux, aidés de ceux de Toussaint Louverture, avaient produit ces heureux effets. La plupart des nègres étaient retournés aux ateliers; ceux qui étaient demeurés sous les armes avaient été soumis à une discipline plus exacte; les bandes errantes devenaient de jour en jour moins nombreuses, et les désordres qui avaient longtemps affligé l'ile avaient presque entièrement cessé. Laveaux, nommé membre du conseil des Anciens, partit au commencement de 1797, et laissa le commandement militaire de la colonie au général Desfourneaux. Celui-ci ne tarda pas à se signaler par des succès contre les Anglais, les émigrés et les noirs insurgés contre la république.

La bataille de Vallière fut le plus important. Par cette bataille et les avantages que les chefs sous ses ordres remportèrent pendant la courte campagne qui la précéda, le général Desfourneaux eut l'honneur de terminer une guerre intestine qui durait depuis près de six ans. Le défaut de renseignements nous empêche de donner les détails de la bataille de Vallière; elle n'est connue jusqu'à présent que par ses résultats. Desfourneaux, dans cette action mémorable, acheva de vaincre et de disperser les restes de l'armée du trop fameux chef noir

Colon. fr.

1:98 - an vi. Jean François, qui fut d'abord général au service de l'Espagne, et depuis, lors de la paix entre cette puissance et la république, s'était mis à la solde de l'Angleterre et avait servi sous les ordres du comte de Rouvray. Les beaux quartiers de Vallière, Ouanaminte, Sainte-Suzanne, le Trou et la Grande-Rivière passèrent sous les lois de la république.

Après avoir opéré la soumission de cette partie importante du territoire de la région du nord de Saint-Domingue à l'autorité de la métropole, le général Desfourneaux entreprit de chasser les Anglais des postes qu'ils occupaient encore dans l'intérieur, et parvint à les resserrer dans les places fortes qu'ils possédaient, espérant bientôt les y assiéger. Ainsi se passa l'année 1797.

C'est vers la fin de cette année que se termina la mission de Santhonax, et qu'il quitta un pays où il exerça deux fois une autorité dont les actes ont fourni matière aux accusations les plus graves et les plus réitérécs. Dépeint cent fois comme un monstre féroce par des orateurs qui souvent contribuèrent à former l'opinion publique, Santhonax, quelle que soit la réputation qu'on lui ait faite, n'a pas été convaincu des crimes qu'on lui imputait, puisqu'il n'a jamais été légalement accusé. Nous, qui n'avons point la mission de le juger, et qui nous sommes récusé d'avance à cet égard, nous laisserons à la postérité le soin de prononcer un jugement que les contemporains ne portent presque jamais d'une manière impartiale. Nous dirons, comme un membre du conseil des Cinq-Cents' : « Quel est celui de nous qui oserait se prétendre assez éclairé pour porter un jugement définitif sur les événements dont Saint-Domingue a été le théâtre, ainsi que sur les hommes qui y ont joué les principaux rôles? »

Santhonax, nommé membre du conseil des Cinq-Cents, aux élections de l'an V, par la colonie de Saint-Domingue, devait opter entre les fonctions d'agent du Directoire et celles de représentant; il s'était décidé à accepter les dernières. Cette détermination trompa l'attente de ses collègues. L'opinion qui s'établit dans la colonie que le départ de Santhonax serait le

Guillemardet.

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