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été présentés sur les évêques, sur les prêtres, sur l'Eglise. Ce fut à l'occasion de ce dernier schema que la question de l'infaillibilité séparée et personnelle du pape, qui avait plus d'importance que tous les autres articles discutés et approuvés, fut posée devant le concile. Pie XI avait déclaré maintes fois qu'il croyait fermement à l'infaillibilité, et le parti de l'absolutisme spirituel espérait qu'elle serait votée par acclamation. Mais il se trouva dans l'assemblée et dans l'Eglise des prêtres qui eurent « le courage de se mettre en travers du torrent d'adulation, d'imposture et de servilisme où les catholiques risquaient d'être engloutis. » La lutte fut ardente; les évêques opposants, dont les uns repoussaient le dogme nouveau, dont les autres le déclaraient inopportun, s'adressèrent à Pie IX lui-même, qui un moment parut se rendre à leurs prières. Mais la faction qui voulait «< ériger une idole au Vatican » était la plus forte, et le 13 juillet 1870 le schema relatif à la primatie du pape fut soumis dans sa forme définitive au concile : quatre cent cinquante et un évêques donnèrent le placet sans condition, soixante-deux conditionnellement, quatre-vingt-huit eurent la hardiesse de prononcer le non placet. Voici le texte du décret: Romanum Pontificem, cum ex cathedra loquitur, id cum omnium Christianorum Pastoris et Doctoris munere fungens pro suprema sua apostolica auctoritate doctrinam de fide vel moribus ab universa Ecclesia tenendam definit, per assistentiam divinam, ipsi in beato Petro promissam, ea infallibilitate pollere, qua divinus Redemptor Ecclesiam suam in definienda doctrina de fide vel moribus exstructam esse voluit; ideoque ejusmodi Romani Pontificis definitiones ex sese, non ex consensu Ecclesiæ, irreformabiles esse. Si quis autem nostræ definitioni contradicere, quod Deus avertat, præsumserit, anathema sit. Le 18 juillet eut lieu la dernière séance du concile, qui fut ajourné au 8 novembre suivant, mais qui ne s'est plus réuni. - La guerre entre la France et la Prusse apporta peu après de grands changements dans la situation de la Péninsule; le 5 septembre une émeute éclata dans Rome, le 12 les troupes italiennes franchirent les frontières de l'Etat pontifical, et le 22 Pie IX, assiégé dans sa capitale, fit arborer le drapeau blanc. Victor-Emmanuel, qui avait écrit au pape pour protester de son respect et de sa fidélité, et qui, à l'entendre, ne s'emparait de Rome que pour maintenir l'ordre et protéger le saint-père, consulta aussitôt les Romains, qui votèrent l'annexion à l'Italie. Le parlement de Florence décida, le 23 décembre 1870, la translation de la capitale à Rome et adopta, le 2 mai 1871, la loi des garanties qui assurait au pape une dotation de 3,225,000 lires, la possession du Vatican, de Saint-Jean de Latran, de Castel-Gandolfo et une complète indépendance comme chef de l'Eglise. Le pape repousse la loi avec indignation, refuse la dotation et s'enferme dans le Vatican, où il reste « captif » jusqu'à sa mort. Le denier de SaintPierre, organisé et administré par le ministre secrétaire d'Etat, suffit, malgré les nombreux abus de la cour et les malversations d'Antonelli, aux besoins du saint-siège; les pèlerins qui affluent à Rome, plus nombreux et plus enthousiastes que par le passé, consolent Pie IX

dans l'affliction: jamais souverain pontife ne fut plus puissant sur les âmes, plus respecté, plus adulé même que ne l'est ce vieillard charmant, qui fait accueil à tous, qui gagne les cœurs des plus indifférents par son doux regard et par sa voix mélodieuse; les audiences qu'il donne, les exercices religieux auxquels il se livre, ne l'empêchent pas cependant de se consacrer, avec un zèle que ni l'âge ni la maladie ne lassent, aux affaires de l'Eglise. Il rétablit la hiérarchie en Ecosse, en Hollande, en Bulgarie, en Grèce (1870), comme il a déjà fait en Angleterre; il crée le diocèse de Genève, de nombreux évêchés dans divers pays; il engage une lutte mémorable avec l'empire d'Allemagne. La foi et la doctrine ne furent pas négligées; armé de son infaillibilité, il prétendit imposer à tous les arrêts qu'il avait prononcés, et les croyances superstitieuses qu'il avait approuvées. Thiers avait soutenu que la puissance temporelle était un frein pour le pape, et que si ce dernier, au lieu d'être un souverain, n'était plus qu'un simple moine ou un prêtre, il ne se croirait plus soumis à aucune règle et exercerait son pouvoir spirituel en véritable despote; il avait vu juste, pour Pie IX du moins, et chaque jour il devenait plus évident que dans le catholicisme il n'y avait plus place pour ceux qu'on appelait les libéraux, et que l'ultramontanisme tel que l'avaient compris Montalembert et ses amis était une hérésie aux yeux de Pie IX qui avait accompli des choses inouïes et s'était, il le disait lui-même, substitué à la tradition. S'il fut intraitable pour ses contradicteurs, il ne manqua pas d'indulgence pour ses adversaires politiques, pour ceux qui l'avaient dépouillé. On raconte qu'en apprenant la fin subite de Victor-Emmanuel, auquel il n'avait pas refusé les consolations de l'Eglise, « il est mort, dit-il, en chrétien, en roi et en galant homme : » le vieux pape mystique se souvint à ce moment qu'il était Italien. Pie IX mourut d'une hydropisie le 7 février 1878; Antonelli l'avait précédé de quelques mois dans la tombe. - Voyez Mémoires de Massimo d'Azeglio; Petruccelli della Gatina, Pie ÌX,. Bruxelles, 1866; Reuchlin, Geschichte Italiens, t. Ier; Preuss, Die römische Lehre von der unbefleckten Empfängniss, Berlin, 1865; Dupanloup, La convention du 15 septembre et l'encyclique du 8 décembre 1865, lettre pastorale sur les malheurs et les signes du temps, l'athéisme et le péril social; les brochures de La Guéronnière et Veuillot; E. de Pressensé, Le concile du Vatican; Pomponio Leto, Oulo mesi a Roma durante il concilio, Florence, 1873; Friedrich, Tagebuch während des Vaticanischen Concils geführt, Nördlingen, 1871; Friedberg, Sammlung der Actenstücke zum ersten Vaticanischen Concil, Tübingen, 1872; Quirinus, Römische Briefe, Oldenbourg, 1870 Ce qui se passe au concile, la dernière heure du concile, Paris, 1870; Acta et decreta S. et Ec. concilii Vaticani, Fribourg, 1871 ; Zeller, Pie IX et Victor-Emmanuel, Paris, 1880. G. LESER.

PIERIUS (Saint), savant presbytre d'Alexandrie, dirigea l'école des catéchètes après la mort de l'évêque Denys. Célèbre par son ascétisme et par son habileté dialectique, il mérita d'être appelé Origenes junior par Jérôme qui mentionne les Pierii codices sur le texte de la Bible,

une homélie sur le prophète Osée, un commentaire sur l'évangile de saint Luc et sur la première épître aux Corinthiens. Après la persécution qui éclata sous Maxence, Pierius alla s'établir à Rome. Une église d'Alexandrie porta plus tard son nom. On célèbre sa fête le 4 novembre. Voyez Jérôme, In, Matth., XXIV, 36; Eusèbe, Hist. eccl., VII, 32; Epiphane, Hæres., LXIX, 2; Photius, Biblioth., cod. CXIX; Tillemont, Mémoires, IV; Ceillier, Hist. des aut. sacr. et eccl., III, 348 ss.; Guericke, De schola Alex., I, 74 ss.; II, 28, 82, 325.

PIERRE (Saint), Hétpos, araméen, Kephah, Knçãs, le premier des apôtres de Jésus, appelé de son vrai nom Schimehon, d'où le grec Zuusov (Act. XV, 14; 2 Pierre I, 1) et plus ordinairement Simon, était fils, non de Jonas ('Iwvac), selon la leçon inexacte de l'évangile de Matthieu, mais de lochanan (Jean), d'après la vraie leçon du quatrième évangile (I, 43; XXI, 15) confirmée d'ailleurs par celui des Hébreux. Originaire de Bethsaïda (Jean I, 45), frère d'André, il était pêcheur sur les bords du lac de Tibériade, lorsque Jésus l'appela et se l'attacha avec son frère pour en faire des pêcheurs d'hommes (Marc I, 16-18). Il était déjà marié et habitait avec sa belle-mère une maison d'un seul étage à Capernaum (Marc I, 36; cf. II, 4). D'après le quatrième évangile, Jésus se serait déjà attaché Pierre en Judée, sur les bords du Jourdain, et lui aurait donné son surnom. Mais cette donnée paraît bien difficile, sinon impossible, à concilier avec le récit des synoptiques. Luc raconte encore d'une manière différente et plus miraculeuse la vocation de cet apôtre (V, 1-11). Le plus sûr est de s'en tenir à la version de l'évangile de Marc reproduite par celui de Matthieu, qui certainement nous donne la forme la plus ancienne, la plus simple et la plus historique de la tradition chrétienne sur ce point. Suivant le dire de Jean le presbytre, rapporté par Papias (chez Eusèb., H. E.,III, 39), Marc, interprète de Pierre, aurait mis par écrit ses souvenirs de la prédication évangélique de cet apôtre. Quel que soit son rapport avec l'écrit dont parle Papias, notre second évangile laisse bien entrevoir ce lien secret qui le rattache encore à Pierre. Rien n'est plus original que le début du ministère de Jésus d'après Marc. C'est un vendredi que Jésus appelle à le suivre Pierre, André et les deux fils de Zébédée. Ils viennent le soir encore à Capernaüm et Pierre donne l'hospitalité à son maître. C'est encore chez lui que Jésus se retire après sa première prédication et son premier miracle dans la synagogue. Cette maison de Pierre fut comme le centre de toute cette première action. C'est là que l'Evangile est né. — Pierre est à la tête de ceux qui suivent ou cherchent Jésus et ne veulent pas se séparer de lui (Marc I, 36). Dès cette première heure, il manifeste ce tempérament ardent et naïf qui le fait aimer. C'est le type le plus pur de cette foi populaire que fit naître spontanément la parole et la personne de Jésus. Il aura des faiblesses et des inconséquences, mais nulle fraude ni calcul. C'est un homme du peuple, chez qui le cœur domine, que l'enthousiasme soulève, que les événements contraires abattent et déconcertent du premier coup, mais qui se relève également vite et entier, parce qu'il n'y a dans ces na

:

tures ni fiel ni arrière-pensée. Jésus lui donna ce surnom de Pierre, à quel moment, il est difficile de le dire dans l'incertitude où nous laissent les textes divergents de Jean I, 43, de Matthieu XVI, 18, et de Marc III, 16. C'est ce dernier toutefois qu'il semble préférable de suivre. Jésus a dû baptiser ainsi Simon, fils de Jean, dès qu'il l'eut bien connu. Mais on se demande alors quelle raison put le porter à lui donner un surnom que dément tout le caractère de cet apôtre. Bien loin d'avoir la fermeté du roc, Pierre se présente à nous aux diverses époques de sa vie, comme une nature enthousiaste et faible. Il est le premier à confesser la messianité de Jésus (Matth. XVI, 17); mais après avoir mérité le grand éloge que le Maître fait de sa foi, il s'attire immédiatement ce véhément reproche « Arrière de moi, Satan, tu m'es un scandale; tu ne comprends pas les choses de Dieu, mais celles des hommes » (Matth. XVI, 23). Il tire l'épée pour défendre Jésus contre la bande qui vient le saisir, et un peu plus tard il le renie par trois fois sur le propos d'une servante (Matth. XXVI, 33, 51 et 69-75; Jean XVIII, 10 et 25-27). C'est lui qui a inspiré à Jésus cette parole qui le peint si bien : « L'esprit est prompt, mais la chair est faible » (XXVI, 41). Plus tard, à Antioche, il s'attire encore par son inconséquence les réprimandes les plus vives de Paul. Le nom de roc donné à un tel homme serait donc une ironie, s'il ne fallait supposer que Jésus a moins voulu marquer ce que Pierre était que ce qu'il devait être, et dans ce surnom a mis un avertissement perpétuel pour l'apôtre contre les défaillances de sa nature, ou bien qu'il a eu peut-être simplement en vue la part que Pierre devait prendre à la fondation de l'Eglise. Il est certain, en effet, que malgré toutes ses faiblesses passagères, Pierre n'a point trompé les espérances de Jésus et qu'il a été l'une des colonnes (crúλot, Gal. II, 7) de l'Eglise apostolique. Quoi qu'il en soit, Pierre est toujours en tête de la liste des douze apôtres institués par Jésus et même avec la désignation expresse de poros dans Matthieu. C'est lui qui paraît partout en première ligne, soit qu'il porte la parole au nom des autres, soit que Jésus lui adresse personnellement les paroles qu'il veut faire entendre à tous. Cette primauté de Pierre semble s'accuser davantage encore dans la fameuse déclaration : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise » (Matth. XVI, 18). Cette parole est fort claire; elle ne s'applique pas à la confession de foi que Pierre vient de déposer, comme l'ont voulu la plupart des exégètes protestants, mais bien à la personne même de Pierre, comme le veulent les catholiques. Toutefois, ainsi entendue, cette déclaration n'implique aucune prééminence en dignité de Pierre sur les autres apôtres, ni surtout une sorte d'apanage qu'il pouvait laisser comme un héritage à des successeurs. Il y a ici une prédiction du rôle de Pierre dans la fondation de l'Eglise après la mort du Christ, mais rien qui puisse légitimer les prétentions de la papauté romaine, ni même une suprématie de Pierre quelconque, exclue formellement par d'autres paroles plus significatives encore de Jésus (Matth. XVIII, 18; XX, 25-28; XXIII, 8-12). Il y a plus. Nous devons faire une observation critique essentielle. Le récit de la

confession de Pierre se retrouve dans les trois évangiles synoptiques et aussi dans Jean. De ces récits, le plus ancien est sans contredit celui de Marc qu'ont suivi Luc et Matthieu. Or, Matthieu est le seul qui ajoute à cette confession la réponse de Jésus : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. » Déjà ce mot d'église dans la bouche de Jésus rend ce texte suspect. Mais la preuve décisive qu'il n'était pas dans le récit primitif, c'est que Luc qui a reproduit ce dernier ne connaît pas cette addition. Nous devons donc la considérer comme une tradition postérieure que le rédacteur du premier évangile aura trouvée flottante dans l'Eglise et dont il a enrichi le récit de Marc qu'il avait, lui aussi, certainement sous les yeux. Ce texte ne saurait donc être pris pour une parole authentique de Jésus; il est d'origine postérieure et marque pour nous le point précis où l'histoire de Pierre fait place à sa légende dans l'Eglise. D'après 1 Cor. XV, 5, et Luc XXIV, 34, 9, il fut le premier à qui Jésus apparut après sa résurrection. Le Maître le rétablit dans sa charge d'apôtre après la plus touchante des épreuves et lui prédit le martyre (Jean XXI, 15 ss.). Dans la primitive Eglise, Pierre garde parmi les apôtres ce rôle principal que nous avons déjà constaté dans les évangiles (Act. I, 14 ss.; II, 14 ss.; III, 1-26; IV, 8; V, 1, 15, 29). Le tableau de ces premiers jours a bien pu être idéalisé par la piété de la seconde génération chrétienne; mais cette ardente initiative de Pierre est trop conforme à sa nature pour faire l'objet d'un doute. De même il entre hardiment dans la mission de Samarie (VIII, 14 ss.), puis visite les villes de la côte de Palestine et de Phénicie et baptise le centurion Corneille à la suite d'une vision symbolique des plus frappantes. Le premier d'entre les apôtres, il a quitté Jérusalem et s'est lancé bravement sur des routes inconnues où d'autres devaient aller plus loin que lui. Dans la primitive Eglise, il eut certainement ce rôle d'initiateur jusqu'à ce qu'il le laissat à saint Paul. Emprisonné à Jérusalem avec Jacques, fils de Zébédée, sur l'ordre d'Hérode, vers l'an 44, il échappa, contre toute espérance, au supplice que subit son collègue. Sans admettre l'historicité littérale du discours que Luc lui met dans la bouche lors des conférences de Jérusalem (Act. XV, 7-11), nous sommes amené à penser, d'après l'épître aux Galates, que Pierre prit une attitude confiante et joyeuse à l'égard de la mission païenne et fut comme séduit par les grands succès que Paul et Barnabas venaient raconter à Jérusalem. A ce moment il se trouve flottant entre les influences contraires de Jacques et de Paul, deux natures autrement fermes que la sienne. Venu à Antioche, il se laisse aller à manger librement avec les chrétiens d'origine païenne et à célébrer les agapes avec eux. Après l'arrivée des messagers de Jacques, il se retire et fait cause commune avec les judaïsants. Paul taxa d'hypocrisie une conduite qui n'était que de la faiblesse. Mais la vivacité même des paroles de Paul atteste en même temps combien Pierre s'était montré libéral avant ce qu'il lui reproche ici comme une défaillance. Paul a eu encore une fois l'occasion de parler de Pierre dans sa première épître à l'Eglise de Corinthe, où s'était formé un parti de Céphas

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