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enlevât toute souillure païenne. Le prosélytisme, qu'encourageaient les oracles prophétiques (Es. IX, 2; XLII, 7; XLV, 6; Michée, IV, 2, etc.), prit de grands développements à l'époque des Machabées, et fut exercé avec un zèle, des ruses et des machinations plus ou moins licites, surtout par les Pharisiens (Matth. XXIII, 15; cf. Tacite, Annales, 2, 85; Horace, Satires, I, 4; Suétone, Tibère, 36; Josèphe, De bello jud., 2, 17, 10; 7, 3. 3). Des peuplades entières, tels que les Iduméens sous Jean Hyrcan (Josèphe, Antiq., 13, 9. 1; 13, 7, 9) et les Ituréens sous Aristobule (Josèphe, Antiq., 13, 11. 3; 13, 15. 4), furent converties de force au judaïsme. En général, c'étaient plutôt des femmes que des hommes chez lesquels les faiseurs de prosélytes trouvaient accès, en grande partie sans doute parce qu'elles n'étaient pas obligées de se soumettre à une opération douloureuse (Josèphe, Antiq., 18, 3. 5; cf. Actes XIII, 50; XVI, 14). La libération du service militaire (Josèphe, Antiq., 14, 10. 13) ou l'appât d'un mariage (id., 20, 7, 3), ou bien aussi le vide que laissaient dans les âmes les cultes païens et le scepticisme philosophique expliquent ces conversions au judaïsme; les prosélytes ont partagé d'ailleurs le mépris qui pèse d'ordinaire sur ceux qui changent de religion. Voyez Slevogt, De proselytis Iudæorum, Jen., 1651; J.-G. Müller, De proselytis, dans le Thesaurus d'Ugolin, XXII; Wæhner, De Ebræorum prosel., Gott., 1743; Buxtorf, Lexicon talm. et rabb.; Bodenschatz, Kirchl. Verfassung der Juden, IV, 70 ss.; Saalschütz, Mosaisches Recht, II, 690 ss.; l'article de Lübkert dans les Stud. u. Krit., 1835, p. 681 ss., et le Bibl. Realwærterb, de Winer.

PROSPER D'AQUITAINE. Il semble étrange qu'un homme d'une certaine valeur littéraire et qui, comme Prosper d'Aquitaine, a joué un grand rôle dans les controverses religieuses de son temps, n'ait pas laissé plus de traces de son existence et qu'on possède si peu de détails sur sa vie. Ils sont encore bien plus rares pour ceux qui, avec Ampère, refusent d'attribuer à Prosper deux petits poèmes, l'un De Providentia divina, qui renferme quelques passages entachés de semipélagianisme, l'autre Adhortatio ad conjugem, où se trouvent quelques beaux vers, plus harmonieux et d'une plus grande douceur que ses poésies authentiques. Né en Aquitaine vers l'an 400 et ayant fui dès sa jeunesse sa patrie exposée à toutes les calamités de l'invasion, Prosper se retira à Marseille, où il séjourna presque constamment. Nous ne connaissons d'autre incident de sa vie que ses voyages à Rome, où une tradition assez sérieuse fait de lui un notaire attaché au service de Léon Ier. Une autre tradition sans fondement fait de lui un évêque. Prosper n'a jamais embrassé l'état ecclésiastique, mais s'est signalé par l'étendue de ses connaissances littéraires et par sa prédilection pour les études et les controverses théologiques. Défenseur ardent de l'orthodoxie et grand admirateur de saint Augustin, il dénonça à ce dernier, en 427, de concert avec son ami Hilaire (que l'histoire ecclésiastique appelle, pour le distinguer des autres: Hilarius Prosperi) des moines de Marseille, qui cherchaient à relever le pélagianisme en affaiblissant la doctrine de la grâce et en assignant un

rôle à la liberté de l'homme dans l'œuvre de son salut. Le chef de ce parti, qui prit un grand ascendant au sein de l'Eglise gallicane, alors aussi indépendante qu'éclairée, était Jean Cassien, disciple distingué de Chrysostome, supérieur du couvent de Lérins. Augustin répondit par ses deux traités, de l'élection des saints et du don de persévérance, mais déploya beaucoup plus de modération et d'indulgence que son fougueux admirateur. Après la mort d'Augustin, Prosper se rendit à Rome avec Hilaire. I obtint du pape Célestin II une lettre adressée aux évêques de la Gaule, qui accordait de grands éloges à Augustin et s'élevait contre les docteurs qui soulèvent les questions subtiles. Par contre, dans un véritable esprit romain, elle se contentait d'aborder, en termes vagues, le sujet même de la controverse. En réalité, Prosper avait subi un échec et Vincent de Lérins, en 434, ne manque pas d'en triompher dans son Commonitorium. Prosper ne fut pas plus heureux dans sa tentative auprès du pape Sixte III, et dut se contenter de la polémique littéraire, dont il usa largement, mais sans y remporter les succès sur lesquels il croyait pouvoir compter. En 433 il s'attaqua au moine Cassien; en 435 il répond à Vincent de Lérins dans son Liber contra collatorem et dans ses Responsiones ad capitula calumnantium. Il composa encore, sur le même sujet, un De gratia et libero arbitrio liber, et un recueil d'épigrammes tiré des sentences d'Augustin, et qui ne vaut pas celui de Martial. En 440, nous le voyons à Rome, auprès de Léon Ier, dont il aurait rédigé des lettres contre Eutychès, et auquel il dédia un traité sur l'incarnation. Il fut témoin de l'invasion d'Attila et des angoisses de la capitale. Son principal ouvrage est son Carmen de Ingratis, dirigé contre l'ingratitude des semi-pélagiens, poème rude, au langage incorrect, d'une intolérance et d'une rigueur de doctrines excessives, dans lequel il évoque contre ses adversaires les pélagiens eux-mêmes, qui réclament leur condamnation. Il en vient à se réjouir, non seulement de la damnation des méchants, mais encore du sort fatal des nations qui n'ont jamais entendu prêcher l'Evangile. Toutefois il cherche, dans certains passages, à adoucir les angles les plus aigus de la doctrine augustinienne, et nous voyons se former, peu après sa mort, survenue en 460, un parti modéré avec l'auteur du traité De vocatione gentium, parti dont le succès fut assuré par les exagérations des prédestinatiens rigides. Outre un cycle pascal (444), et une exposition des cinquante derniers psaumes, Prosper a rédigé un Chronicon consulare qui va jusqu'en 378 et suivi d'un Chronicon imperiale qui s'arrête à 455, premier modèle de ces sèches chroniques du moyen âge, qui consacrent une ligne à un fait important et des pages à des futilités. C'est dans cette chronique qu'on voit cité un évèque Palladius, qu'on ne retrouve nulle part et qui aurait provoqué la première mission en Irlande. - Voyez : Canis, Lect. Ani., I; Mangeant, Prosp. opera, Paris, 1711; Hist. litt. de France, tome II; Wiggers, De Joh. Cas., Rot, 1824; Neander, Kirchengesch., V; Ampère, Hist. litt. de France avant le douzième siècle, II.

A. PAUMIER.

PROTESTANTISME (Principe du). Ce titre suppose que le protestantisme, en dépit de la pluralité de ses origines historiques et des différences doctrinales qui existent dans son sein, possède une existence propre, et, en un sens, tout au moins, une réelle unité. En dehors de cette supposition il ne saurait être question de protestantisme, et encore moins d'un principe du protestantisme. Or, cette unité a été niée à des points de vue fort divers. D'abord au point de vue du catholicisme, lequel, se refusant absolument à concevoir l'unité religieuse sous une autre forme que celle d'une Eglise visible soumise à une autorité légale uniformément acceptée, n'a pas eu de peine à réduire à néant toute prétention du protestantisme à une unité quelconque. Il n'était même pas besoin pour cela du génie de Bossuet et des ressources qu'il a déployées dans son Histoire des variations. L'unité du protestantisme est également écartée, du moins implicitement, par deux tendances contraires qui se sont produites dans son sein même. D'une part, une tendance sectaire qui voudrait donner à telle confession protestante spéciale une valeur telle, que seule elle représenterait le vrai protestantisme, et de l'autre une tendance radicale qui voudrait dépouiller le protestantisme de toute affirmation religieuse positive pour n'y plus voir qu'une méthode qu'il aurait en commun avec d'autres systèmes. Pour nous, nous maintenons l'unité organique du protestantisme. Cette unité n'est, évidemment, pas de l'ordre légal. Elle n'en est pas moins réelle. Elle repose d'abord, historiquement, sur la grande révolution religieuse qui a surgi au seizième siècle sur plusieurs points de l'Europe, avec cette simultanéité et cette indépendance qui, ensemble, sont le caractère des mouvements longtemps préparés, et au fond harmoniques. Malgré cette diversité dans l'origine historique, et d'autres diversités dont nous aurons à parler, cette révolution s'appelle pour tous, amis et adversaires, d'un seul nom que l'on n'a pas réussi à faire passer du singulier au pluriel; ce nom est celui-ci la Réforme. Nous pourrions encore invoquer en faveur de l'unité réelle du protestantisme, et toujours sur le terrain des faits, bien des signes actuels; par exemple, l'institution de l'Alliance évangélique (voir l'article), et ce fait, plus significatif encore, de l'union en maint pays des protestants des diverses Eglises pour l'œuvre de la mission étrangère et intérieure. L'unité du protestantisme repose ensuite sur certains principes communs à tous les protestants qui n'ont pas rompu avec les traditions essentielles de la Réforme. Sans doute, on discute sur la question de savoir quelles sont ces traditions essentielles, comme on discute sur toutes choses, et nous devons reconnaître que nous n'avons aucun critère légal qui nous permette de décider quelle est la ligne précise au delà de laquelle un homme ou une église cesse d'appartenir à la Réforme. Nous déclarons même renoncer à l'avantage que pourrait nous donner sur ce point la lettre des anciens symboles des diverses branches du protestantisme. Il n'en est pas moins vrai que celui-ci a ses traditions essentielles, et que s'il n'y a pas de limite légale entre ce qui est la Réforme et ce qui ne l'est pas, il y a, à cet égard, d'autres limites dont l'évidence s'impose au bon

sens et à la bonne foi. Quelles sont ces limites, ou, en d'autres termes, quels sont les principes essentiels du protestantisme? C'est là ce que nous allons tout d'abord rappeler. Nous rechercherons ensuite si ces principes ne seraient pas eux-mêmes dominés par un principe supérieur.

I. LES PRINCIPES ESSENTIELS DU PROTESTANTISME. 1° Le libre exa. men. S'il faut entendre par cette expression la souveraineté persistante de la raison en face de toute autorité religieuse, de quelque nature qu'elle soit, il est évident qu'on ne saurait considérer le libre examen comme l'un des principes, essentiels ou non, de la Réforme. On sait ce que les réformateurs ont pensé touchant les lumières naturelles de l'homme (Conf. de la Rochelle, art. IX), et l'on connaît la tendance anti-pélagienne de tout leur système. Mais s'il faut entendre par libre examen le droit absolu que possède l'individu de ne se soumettre, en dépit de toute autorité légale, qu'à une vérité qu'il aurait reconnue comme telle dans son for intérieur, il est évident que le libre examen est un des principes essentiels de la Réforme. En face d'une Eglise qui réclamait (et qui réclame encore aujour d'hui) de tout homme une foi implicite à sa doctrine officielle, la Réforme a proclamé le droit, pour tout homme, d'avoir sa foi à lui. C'est en vertu de ce droit que Luther, à Worms, refusa de se rétracter et qu'il y prononça ces paroles immortelles : « Il est dangereux d'agir contre sa propre conscience... Me voici, je ne puis autrement, que Dieu me soit en aide. Amen! » C'est en vertu de ce droit que, huit ans plus tard, les Etats évangéliques d'Allemagne protestèrent contre les décisions de la diète de Spire, qui prétendait défendre à la Réforme de s'établir là où elle n'avait pas encore pénétré et d'innover en rien là où elle s'était déjà établie. Ces états déclarèrent, en effet, en face d'une majorité oppressive que « dans les choses qui regardent l'honneur de Dieu et le salut de l'âme, chacun est respon sable de lui-même devant Dieu. » Cet acte donna aux réformés un nom qui leur est resté, et qui est celui par lequel on les désigne le plus généralement aujourd'hui, le nom de protestants. Ce nom est loin de les définir complètement; il a toutefois sa vérité et il a aussi sa grandeur. Nous savons que la Réforme, à ses débuts, n'a pas toujours été fidèle au principe du libre examen, ainsi entendu, et que là où elle a dominé, elle a trop souvent appliqué, en matière de respect des croyances, les principes de son temps. Nous nous souvenons en particulier de la Genève de Calvin. Mais il n'en reste pas moins vrai qu'elle a posé le principe du libre examen en matière religieuse et que, malgré ses propres inconséquences, elle l'a propagé dans le monde. - 2° L'autorité de l'Ecriture sainte. Si le libre examen, entendu comme précédemment, exclut toute autorité qui réclamerait une soumission implicite et aveugle, il n'a rien qui soit contraire à une autorité reconnue par l'être moral. Il est certain que la Réforme a été unanime a proclamer l'autorité religieuse de l'Ecriture sainte. Ce n'est point par là qu'elle à commencé. Il y a plus; à cet égard nous remarquons dans son propre sein, certaines nuances,

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Ainsi les Symboles réformés, proprement dits, sont plus explicites sur l'autorité de l'Ecriture et la mettent en une tout autre lumière que les symboles luthériens (comp. là dessus Conf. d'Augsb., préambule des art. contestés et art. XV; art. de Smalk. 1° partie, art. II; Form. de Conc. 1re part. art. I; avec Conf. de la Roch., art V; Conf. Helv. II, etc.) Il n'en est pas moins vrai que la Réforme est unanime pour voir dans l'Écriture la règle de la foi. Elle ne l'est pas moins pour déclarer que si c'est par l'Eglise que l'Ecriture nous a été transmise ce n'est pas elle qui nous en garantit la vérité. Calvin proteste contre cette idée avec une énergie singulière et s'il reconnaît que: « L'autorité de l'Eglise est comme une entrée pour amener les ignorants ou les préparer à la foi de l'Evangile, » il n'en déclare pas moins que : & Quant à ce que ces canailles demandent, dont et comment nous serons persuadés que l'Ecriture est procédée de Dieu si nous n'avons refuge aux décrets de l'Eglise, c'est autant comme si aucun s'enquerrait dont nous apprendrons à discerner la clarté des ténèbres, le blanc du noir, le doux de l'amour. Car l'Ecriture a de quoi se faire connaître, voir d'un sentiment aussi notoire et infaillible comme ont les choses blanches et noires de montrer leurs couleurs et les choses douces et amères de montrer leur saveur » (Inst. chr., liv. I, ch. VII, § 3). « Cette Parole, écrit-il plus loin, n'obtiendra pas foi au cœur des hommes, si elle n'y est scellée par le témoignage intérieur du Saint-Esprit » (Ibid., § 4). Nous voici bien loin de la foi implicite du catholique. Il serait facile de montrer que nous en sommes tout aussi loin avec Luther et avec Zwingle. On sait d'ailleurs les hardiesses critiques que Luther alliait à sa foi indomptable au Christ. Le Christ était pour lui le Maître de l'Ecriture. C'était à cause de lui qu'il croyait en elle. Là où il ne croyait pas en retrouver l'esprit, il n'y avait plus pour lui d'autorité, même dans l'Ecriture. Si Zwingle et surtout Calvin n'ont pas usé à cet égard de la même liberté, cette liberté n'en était pas moins impliquée par toute leur conception de l'autorité en matière de foi. Il suffit d'ailleurs de s'être approché quelque peu de ces hommes pour s'être aperçu que cette liberté n'était pas celle de l'indépendance à l'égard de l'autorité religieuse, mais bien au contraire celle qu'impliquait leur entière soumission à une autorité qui, pour eux, était l'âme même de l'Ecriture, nous voulons dire l'autorité du Dieu de Jésus-Christ. -3° La justification par la foi. La doctrine de la Réforme, sur ce point, se lie intimément à sa conception de la chute. Tandis que pour le système catholique l'homme, après le péché, subsiste dans l'intégrité de sa nature, y compris son libre arbitre, et se trouve seulement dépouillé de la justice surnaturelle qu'il a reçue de Dieu à titre de don supplémentaire (voir Concile de Trente, Ve sess.; Cat. romain; Bellarmin, Disputationes de controversiis); pour la Réforme tout entière l'homme après le péché est corrompu dans sa nature même et enchaîné au mal, car, dit Luther (Com. sur la Genèse): « La justice n'est pas pour l'homme un don qui viendrait du dehors et qui serait distinct de sa nature... la nature d'Adam était d'aimer Dieu, de croire en lui et de le connaître ;»

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