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C'eft le coup, fcelerat, par où tu m'expedies,
Et voilà couronner toutes tes perfidies

TARTUFF E.

Vos injures n'ont rien à me pouvoir aigrir,
Et je fuis, pour le Ciel, appris à tout fouffrir.

CLEANTE.

La moderation eft grande, je l'avouë.

DAMIS.

Comme du Ciel, l'Infame, impudemment fe joue!
TARTUFF E.
Tous vos emportemens ne sçauroient m'émouvoir;
Et je ne fonge à rien, qu'à faire mon devoir.
MARIANE.

Vous avez de cecy, grande gloire à pretendre,
Et cet employ pour vous, eft fort honnête à prendre.
TARTUF FE.
Un employ ne fçauroit eftre que glorieux;
Quand il part du pouvoir qui m'envoye en ces lieux.
ORGON.

Mais t'es-tu fouvenu que ma main charitable,
Ingrat, t'a retiré d'un eftat miferable?

TARTUF FE.

Oui, je fçay quels fecours j'en ay pû recevoir;
Mais l'intereft du Prince eft mon premier devoir :
De ce devoir facré, la jufte violence

Etouffe dans mon cœur toute reconnoiffance;
Et je facrifirois à de fi puiffans næus,

Amy, femme, parens, & moy-mesme avec eux,
EL MIRE.

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Comme il fçait, de traiftreffe maniere, Se faire un beau manteau de tout ce qu'on révere ! CLEANTE.

Mais s'il eft fi parfait que vous le déclarez

Ce zele qui vous pouffe, & dont vous vous parez,

Tome V.

K

D'où vient que pour paroiftre, il s'avife d'attendre, Qu'à pourfuivre fa femme, il ait fceu vous surpren dre?

Et que vous ne fongez à l'aller dénoncer,

Que lors que fon honneur l'oblige à vous chaffer? Je ne vous parle point, pour devoir en diftraire, Du don de tout fon bien qu'il venoit de vous faire : Mais le voulant traiter en coupable aujourd'huy, Pourquoy confentiez-vous à rien prendre de luy ?

TARTUFF Eà l'Exempt.

Delivrez-moy, Monfieur, de la criaillerie,
Et daignez accomplir voftre ordre, je vous prie.

L'EXEMPT.

Oui, c'eft trop demeurer, fans doute, à l'accomplir.

Voftre bouche à propos m'invite à le remplir;
Et pour l'executer, fuivez-moy tout-à-l'heure
Dans la prifon qu'on doit vous donner pour de-

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Ce n'eft pas vous à qui j'en veux rendre raison. Remettez-vous, Monfieur, d'une allarme fi chaude, Nous vivons fous un Prince ennemy de la fraude, Un Prince dont les yeux fe font jour dans les cœurs, Et que ne peut tromper tout l'art des Impofteurs. » D'un fin difcernement fa grande ame pourveuë, "Sur les choses toûjours jette une droite veuë : » Chez-elle jamais rien ne furprend trop d'accés Et fa ferme raison ne tombe en nul excés.

" Il donne aux gens de bien une gloire immortelle, » Mais fans aveuglement il fait briller ce zele » Et l'amour pour les vrais, ne ferme point fon

cœur

» A tout ce que les faux doivent donner d'horreur. Celuy-cy n'eftoit pas pour le pouvoir furprendre, 7 Et de pieges plus fins on le voit fe défendre.

» D'abord il a percé par les vives clartez,

» Des replis de fon cœur, toutes les lâchetez. » Venant vous accufer, il s'eft trahy-luy-mefme, » Et par un jufte trait de l'équité fuprême, » S'est découvert au Prince un fourbe renommé, » Dont fous un autre nom il eftoit informé; » Et c'eft un long détail d'actions toute noires, » Dont on pourroit former des Volumes d'hif

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toires.

Ce Monarque, en un mot, a vers vous detefté
Sa lâche ingratitude, & fa déloyauté ;

"A fes autres horreurs, il a joint cette fuite,
» Et ne m'a, jusqu'icy, foumis à fa conduite,
"Que pour voir l'impudence aller jufques au bout,
"Et vous faire, par luy, faire raifon de tout.

Oui, de tous vos papiers, dont il fe dit le maiftre, Il veut qu'entre vos mains, je dépouille le traif

tre.

D'un fouverain pouvoir il brife les liens

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Du contrat qui luy fait un don de tous vos biens
Et vous pardonne enfin cette offense secrette
Où vous a, d'un amy, fait tomber la retraite
Et c'eft le prix qu'il donne au zele qu'autrefois
On vous vit témoigner, en appuyant ses droits,
Pour montrer que fon cœur fçait, quand moins on y
pense,

D'une bonne action verfer la récompense;
Que jamais le merite, avec luy, ne perd rien,
Et que mieux que du mal il se fouvient du bien,

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Qui l'auroit ofé dire?

ORGON à Tartuffe.

Hé bien, te voila, traiftre....

CLEANTE.

Ah! mon frere, arrestez,

Et ne defcendez point à des indignitez.

A fon mauvais deftin laiffez un miferable,

Et ne vous joignez point au remords qui l'accable.
Souhaitez bien plûtoft, que fon cœur, en ce jour,
Au fein de la vertu faffe un heureux retour;
Qu'il corrige fa vie, en déteftant fon vice,
Et puiffe du grand Prince adoucir la justice ;
Tandis qu'à la bonté vous irez à genoux,
Rendre ce que demande un traitement fi doux.

ORGON.

Oui, c'eft bien dit; allons à fes pieds avec joye, Nous louer des bontez que fon cœur nous déploye: Puis acquittez un peu de ce premier devoir,

Aux juftes foins d'un autre, il nous faudra pourvoir;

Et par un doux hymen, couronner en Valere,

La flâme d'un Amant genereux, & fincere.

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MONSIEUR

DE

POURCEAUGNAC,

COMEDIE-BALLET,

Faite à Chambord pour le diyertissement du Roy, au mois de Septembre 1669.

Par J. B. P. DE MOLIERE,

Et reprefentée en public à Paris, pour la premiere fois, fur le Theâtre du Palais Royal, le 15. Novembre de la mesme année 1669.

Par la Troupe du Roy.

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