Images de page
PDF
ePub

Et fous le faux efpoir de quelque reffemblance,
Aux intrigues qu'ils ont, donner de l'innocence,
Ou faire ailleurs tomber quelque traits partagez
De ce blâme public dont ils font trop chargez.
M. PERNELLE.

Tous ces raisonnemens ne font rien à l'affaire :
On fçait qu'Orante mene une vie exemplaire;
Tous les foins vont au Ciel; & j'ai fçû par des gens
Qu'elle condamne fort le train qui vient ceans.
DORIN F.

L'exemple eft admirable, & cette Dame eft bonne :
Il eft vrai qu'elle vit en auftere perfonne :
Mais l'âge dans fon ame a mis ce zele ardent,
Et l'on fçait qu'elle eft Prude à fon corps défendant,
Tant qu'elle a pû des cœurs attirer les hommages
Elle a fort bien joui de tous fes avantages:
Mais voyant de ses yeux tous les brillans baiffer,
Au monde qui la quitte elle veut renoncer;
Et du voile pompeux d'une haute fageffe,
De fes attraits ufez déguiser la foibleffe.
Ce font là les retours des Coquettes du temps.
Il leur eft dur de voir deferter les galans.
Dans un tel abandon leur fombre inquietude
Ne voit d'autre recours que le métier de Prude;
Et la feverité de ces femmes de bien

;

Cenfure toute chofe, & ne pardonne à rien
Hautement d'un chacun elles blâment la vie,
Non point par charité, mais par un trait d'envie,
Qui ne fçauroit fouffrir qu'un autre ait les plaifirs,
Dont le penchant de l'âge a fevré leurs defirs.

M. PERNELLE.

Voila les contes bleus qu'il vous faut pour vous
plaire,
Ma Bru, l'on eft chez vous contrainte de se taire ;
Car Madame à jaser tient le dé tout le jour :
Mais enfin je prétens difcourir à mon tour.

Je vous dis que mon fils n'a rien fait de plus fage
Qu'en recueillant chez foy ce devot perfonuage;
Que le Ciel au befoin l'a ceans envoyé
Pour redreffer à tous vostre esprit fourvoyé:
Que pour voftre falut vous le devez entendre,
Et qu'il ne reprend rien qui ne foit à reprendre.
Ces vifites, ces bals, ces conversations,
Sont du malin Ffprit toutes inventions.
Là jamais on n'entend de pieufes paroles
Ce font propos pififs, chanfons & fariboles;'
Bien fouvent le prochain en a fa bonne part,
Et l'on y fçait médire & du tiers & du quart.
Enfin les gens cenfez ont leurs teftes troublées
De la confufion de telles affemblées :

Mille caquets divers s'y font en moins de rien;
Et comme l'autre jour un Docteur dît fort bien,
C'eft veritablement la Tour de Babylone,

Car chacun y babille & tout du long de l'aune;
Et pour conter l'Hiftoire où ce point l'engagea....
Voilà-t-il pas Monfieur qui ricane déja ?

Allez chercher vos Fous qui vous donnent à rire,
Et fans... Adieu, ma Bru, je ne veux plus rien dire.
Sçachez que pour ceans j'en rabats de moitié,
Et qu'il fera beau temps quand j'y mettrai le pié.
Donnant un foufflet à Flipote.

Allons, vous, vous rêvez, & bayez aux corneilles;
Jour de Dieu, je fçaurai vous frotter les oreilles ;
Marchons, gaupe, marchons.

SCENE I 1.

CLEANTE, DORINE.

CLEANTE.

JE n'y veux point aller,

De peur qu'elle ne vinft encor me quereller;
Que cette bonne femme ...

DORIN E.

Ah! certes, c'est dommage Qu'elle ne vous ouît tenir un tel langage; Elle vous diroit bien qu'elle vous trouve bon, Et qu'elle n'eft point d'âge à lui donner ce nom. CLEANTE.

Comme elle s'eft pour rien contre nous échauffée ! de fon Tartuffe elle paroift coëffée !

Et que

DORIN E.

[ocr errors]

Oh vraiment tout cela n'eft rien au prix du fils
Et fi vous l'aviez vû, vous diriez, c'est bien pis.
Nos troubles l'avoient mis fur le pied d'homme fage,
Et pour fervir fon Prince il montra du courage:
Mais il eft devenu comme un homme hebeté,
Depuis que de Tartuffe on le voit entêté.
11 l'appelle fon frere, & l'aime dans fon ame
Cent fois plus qu'il ne fait mere, fils, fille & femme,
C'eft de tous fes fecrets l'unique confident,
Et de fes actions le Directeur prudent;
Il le choie, il l'embraffe ; & pour une Maîtreffe
On ne fçauroit, je penfe, avoir plus de tendreffe.
» A table au plus haut bout il veut qu'il foit affis,
» Avec joye il l'y voit manger autant que fix;

Les bons morceaux de tout il faut qu'on les lui cede; "Et s'il vient à rotter; il lui dit, Dieu vous aide.

C'est une Servante qui parle.

Enfin il en eft fou, c'eft fon tout, fon Héros,
Il l'admire à tous coups, le cite à tous propos;
Ses moindres actions lui femblent des miracles,
Et tous les mots qu'il dit font pour luy des oracles.
Luy qui connoift fa dupe, & qui veut en jouir,
Par cent dehors fardez à l'art de l'éblouir.

Son Cagotifine en tire à toute heure des fommes,
Et prend droit de glofer fur tous tant que nous fom-

mes.

Il n'eft pas jufqu'au Fat qui luy fert de garçon,
Qui ne fe mefle auffi de nous faire leçon.

Il vient nous fermonner avec des
yeux farouches
Et jetter nos rubans`, noftre rouge & nos mouches.
Le traiftre l'autre jour nous rompit de fes mains
Un mouchoir qu'il trouva dans une Fleur des Saints,
Difant que nous mêlions, par un crime effioyable,
Avec la fainteté les parures du Diable.

DİO ASIE OSIOS #ICOSIO DEIXAS IE
SCENE III.

ELMIRE, MARIANE, DAMIS,

CLEANTE, DORINE.

ELMIRE.

Ous eftes bien-heureux de n'eftre point venu

Vau difcours qu'à la porte elle nous a tenu.

Mais j'ai vû mon mari; comme il ne m'a point vûë, Je veux aller là haut attendre sa venuë.

CLEANTE.

Moy je l'attens icy pour moins d'amusement,
Et je vais luy donner le bon jour feulement.
DAMIS.

De l'hymen de ma four touchez lui quelque chofe,
J'ai foupçon que Tartuffe à fon effet s'oppofe;

Qu'il oblige mon pere à des détours fi grans
Et vous n'ignorez pas quel intereft j'y prens.
Si même ardeur enflâme & ma four & Valere,
La fœur de cet ami, vous le fçavez, m'est chere.
Et s'il falloit...

DORIN E.

Il entre.

DE DE 3836 36 36:3636 DEDE38:06 SCENE I V.

ORGON, CLEANTE, DORINE. ORGON.

AH! mon frere, bon jour.

CLEANTE.

Je fortois, & j'ai joye à vous voir de retour:
La campagne à prefent n'eft pas beaucoup fleurie.
ORGON.

Dorine, mon beau-frere, attendez je vous prie.
Vous voulez bien fouffrir, pour m'ôter de foucy,
Que je m'informe un peu des nouvelles d'icy.
Tout s'eft-il ces deux jours paffé de bonne forte ?
Qu'est-ce qu'on fait ceans? comme eft-ce qu'on s'y
porte?

DORIN E.

Madame eut avanthier la fiévre jusqu'au foir,
Avec un mal de tefte étrange à concevoir.

Et Tartuffe ?

Gros & gras,

Le pauvre

ORGON.

DORIN E.

Tartuffe Il fe porte à merveille

[ocr errors]

le teint frais, & la bouche vermeille. ORGON.

homme!

« PrécédentContinuer »