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DE

TOUS LES CULTES,

OU

RELIGION UNIVERSELLE.

MEMOIRE

SUR

L'ORIGINE DES CONSTELLATIONS.

DANS toutes les explications que nous avons données jusqu'ici des fables anciennes et des monumens religieux des premiers peuples, nous avons supposé les constellations déjà inventées par les astronomes pour les besoins de l'agriculture et de la navigation, avant que les prêtres les fissent entrer dans les chants sacrés et dans les images de la Nature et de ses principaux agens. Le succès qu'a eu notre méthode prouve assez cette existence antérieure, puisque nous n'aurions pu expliquer ainsi

TOME IX.

I

ces fables et ces monumens par les images célestes, si ces mêmes images n'en eussent été le sujet et comme les élémens employés dans leur composition. En un mot, c'est par ces images que les monumens de l'antiquité religieuse s'expliquent avec un accord étonnant. Donc c'est sur ces images déjà existantes qu'ils ont été composés.

Quoique nous puissions rigoureusement en rester là, sans remonter plus loin et jusqu'à l'origine allégorique des images elles-mêmes, cependant il reste quelque chose à désirer encore: c'est de savoir quelles sont les raisons qui ont déterminé les inventeurs de l'astronomie à grouper tel ou tel amas d'étoiles sous telle ou telle image, et à créer les élémens de la science astronomique, qui ont passé ensuite dans la science sacrée. Cet examen peut être regardé comme une suite de la dissertation sur l'origine du culte des animaux et des autres emblèmes consacrés dans les temples, comme autant d'expressions allégoriques des opérations variées de la Nature, dans les diverses époques de son action annuelle et de la période solaire. Les caractères astronomiques sont censés faire partie de l'écriture hiéroglyphique, qui précéda de beaucoup de siècles l'écriture alphabétique.

On a soupçonné, de tout temps, que les noms des signes du zodiaque étaient relatifs aux travaux de l'agriculture et aux variétés des saisons; mais on n'a pu le démontrer faute de remonter, par la précession des équinoxes, à une époque assez éloignée.

L'origine de l'astrologie se perd dans l'obscurité des siècles, et tous les monumens qui nous restent de l'antiquité la plus reculée supposent cette science déjà existante. Les livres d'Homère, d'Hésiode et de Job (a) contiennent les noms de plusieurs constellations, et les caractères astronomiques se trouvent gravés sur ces obélisques fameux que l'Egypte élevait long-temps avant que l'Europe fût sortie des ténèbres de la barbarie; de manière qu'il est aussi difficile d'assigner un temps où cette science n'existât pas, que de fixer l'époque de sa naissance.

1

Sénèque prétend que l'astronomie des Grecs précédait tout au plus de quinze cents ans le siècle où il vivait; mais Sénèque ne devait pas ignorer que la Grèce moderne ne fu tjamais le berceau de cette science, et que les premiers astronomes grecs (b) avaient puisé en Egypte, en Phénicie et en Chaldée (c) le peu de connaissances astronomiques qu'ils avaient. L'aurore des sciences dans la Grèce, au siècle d Hésiode, était en Orient le déclin d'un beau jour. Les derniers Grecs et les Romains, de qui nous tenons les lettres et les sciences, étaient peu astronomes; et sans s'occuper à remonter jusqu'à l'origine de l'astronomie, ils ont fixé ses commencemens à l'époque où ils l'ont reçue de nouveau des maîtres du monde savant, semblables à peu près à celui qui, placé au centre d'une vaste plaine, fixerait les limites de l'Univers à son horizon, qu'un homme plus instruit ne regarde que comme le terme de sa vue.

1 Senec. quæst. nat., l. 7, c. 25.

Pour nous, qui sommes persuadés que l'astronomie est née du besoin de l'homme, et qu'elle est liée aux travaux des nations agricoles, nous la ferons suivre de près l'invention des autres arts; et nous croyons que, dès qu'on suppose des peuples instruits et des empires florissans, tels que l'ont été, dès la plus haute antiquité, les Chinois, les Indiens, les Perses, les Mèdes, les Assyriens, les Babyloniens et les Egyptiens, on doit conclure que la nécessité de partager et de régler le temps a dû donner naissance de bonne heure au calendrier et à la distribution des cieux chez quelques-unes de

ces nations savantes.

On se demande d'abord si chacun de ces peuples a eu une astronomie distinguée de celle des autres; et on verra dans la suite qu'ils l'ont tous reçue d'une source commune. Il s'agit donc de savoir quel fut le peuple inventeur, et quel était l'état du ciel lorsqu'on en fit la première distribution, ou du moins celle qui est parvenue jusqu'à nous.

Plusieurs peuples semblent prétendre à la gloire de l'invention: les Chaldéens et les Egyptiens ont paru dans l'antiquité y avoir le plus de titres. On a voulu aussi leur associer les Indiens et même les Chinois; effectivement, on trouve chez ces derniers peuples des traces d'une astronomie au moins aussi ancienne que celle des Chaldéens et des Egyptiens. Pour nous, qui ne croyons pas que ce que les historiens rapportent sur l'antiquité de l'astronomie de ces différens peuples soit suffisant pour fixer nos idées sur l'époque précise de son invention, nous

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