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bélier: il ne l'avait donc pas encore entamée il y a quatre mille ans. Dans ce temps-là le taureau ouvrait le printemps. Ainsi, qu'on ne dise pas que le bélier était dès-lors signe printanier. Car enfin, il n'est pas possible d'imaginer que les auteurs du zodiaque aient jamais prétendu placer les constellations hors de leurs propres signes. » Ces réflexions de M. de la Nauze tombent également sur le cancer et sur le capricorne, mais ne prouvent pas ce qu'il veut établir, que le zodiaque soit d'invention moderne; mais au contraire elles prouvent qu'il est de la plus haute antiquité, si une fois il est constant, par d'autres preuves, que l'astronomie et la division des cieux remontent au moins au temps où les astérismes du taureau répondaient à l'équinoxe de printemps. Or, c'est ce qu'ont prouvé nos explications des poèmes mythologiques.

M. Fréret, dans sa défense de la Chronologie, entreprend de prouver que chez les Egyptiens, deux mille sept cent quatre-vingt-deux ans avant Jésus-Christ, et conséquemment lorsque le taureau répondait à l'équinoxe de printemps, la période sothiaque était déjà inventée et employée. Mais une pareille période suppose déjà une astronomie trèsperfectionnée, et, en conséquence, une division du ciel et du zodiaque; ce qui fut comme le premier pas des inventeurs de l'astronomie.

Nous trouvons dans notre nouvelle hypothèse un second avantage, celui de pouvoir expliquer pourquoi, dans toutes les sphères anciennes, le capricorne est représenté par un poisson, ou uni

à un poisson, ou terminé par un poisson '. Ce capricorne demi-poisson annonçait le débordement du Nil, qui commençait sous ce signe. La réunion du corps du capricorne à celui du poisson n'est que des siècles postérieurs, et nous vient des calendriers sacrés ou des calendriers des génies dans lesquels ces réunions monstrueuses étaient familières; mais dans le calendrier rural ou primitif, on peignit un double symbole, un capricorne et un poisson. C'est sous cette forme qu'on le trouve dans un planisphère indien, imprimé dans les Transactions philosophiques de 1702, planisphère qui paraît remonter à la plus haute antiquité. L'idée du débordement si intéressant pour le peuple égyptien, et conséquemment celle du poisson symbolique, semble même avoir fait oublier le capricorne ou l'emblème solsticial; de manière que les Indiens, en recevant cette astronomie, ont conservé la dénomination de poisson à l'astérisme du capricorne; ils l'appellent macaram, nom d'une espèce de poisson. Le Gentil croit apercevoir ici une différence entre le zodiaque indien et l'égyptien. « Je n'ai, dit-il, remarqué de différence bien réelle entre leur zodiaque et celui des Egyptiens que dans le capricorne que les Brames n'ont point.»> Le mot macaram de la langue brame, qui répond au capricorne, signifie poisson; et effectivement, le Gentil, en nous donnant les noms des douze si

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Theon., p. 136. Hygin., l. 2, c. 19. German., c. 26. — 2 Bayer, Tab. 48.- 3 Gent., voy. t. 1, p. 247.

gnes dans la langue des Brames, traduit macaram par espèce de poisson: mais dans le zodiaque indien l'on trouve le capricorne aussi bien que le poisson. Cette différence n'est donc qu'apparente; et, comme nous avons retenu le nom du capricorne et oublié le poisson, les Brames ont retenu le nom du poisson et oublié le capricorne, quoique ces deux emblèmes eussent été inséparablement unis dans l'origine, et placés dans la division où nos sphères peignent le capricorne amphibie. Souvent même les Perses l'appellent comme nous, capricorne, en pelhvi Nahi, suivant Anquetil. D'autres l'ont peint amphibie. Capricornus est difués et dimorfon. Nam pars caper est, pars piscis (Scaliger in apotelesm. Manilii, in lib. 4, v. 254 ).

Je dis plus, le nom de macaram n'est point un nom de la langue brame; c'est un nom grec altéré par les brames; en voici la preuve : le poisson qui est uni au capricorne, est celui que les Egyptiens honoraient sous le nom d'oxyrinque ou le poisson, comme dit Plutarque, acuto rostro. C'est lui qui, en Egypte, était regardé comme le génie précurseur des eaux et la cause du débordement, comme on peut le voir plus haut 1.

Or, cette espèce de poisson est celle que les latins appelaient gladiolus, et les Grecs macaira ou épée; c'est le Theut dont parle Plutarque. Cet auteur compare les habitans d'Erétrie à ce poisson

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1 Ci-dessus, t. 5, p. 49. - 2 Oppian. Alieut., 1. 1, v. 462. -3 Apophteg., p. 185.

qui a une épée, et qui n'a pas de cœur. Telle est précisément la forme du poisson peint avec le capricorne dans le zodiaque indien des Transactions philosophiques; l'inspection seule de ce monument prouve la vérité de mon étymologie. Ce n'est pas le seul mot de la langue brame que j'aie reconnu pour une altération manifeste de noms grecs et latins, ou plutôt d'une langue primitive d'où ces deux langues ont été formées. Ainsi, l'union du poisson au capricorne n'a rien de bizarre. Elle a dû être, conséquemment à nos principes et à l'origine primordiale que nous supposons à la sphère.

Pendant le second mois, ou lorsque le soleil parcourt le signe qui suit immédiatement le signe solsticial, l'inondation augmente et arrive à son plus haut degré d'intumescence. Le débordement du Nil fut représenté dans les cieux par un génie à figure humaine, tel qu'on peignait les dieux des fleuves, appuyé sur une urne d'où sort un fleuve', et qui était censé faire sortir le fleuve de son lit, suivant Théon 2.

Ille quoque inflexâ fontem qui projicit urnâ.

(Manil., 1. 4, v. 256.)

C'est ainsi que dans nos sphères on peint le verseau ; et le caractère abrégé de ce signe fut un courant d'eau, et eut cette forme =. Dans d'autres planisphères, tels que le planisphère égyptien conservé dans l'OEdipe de Kirker, on voit, au lieu de

1 Manil., 1. 1, v. 276-434.2 Theon., p. 136.

l'homme ou du verseau, une urne percée de mille trous, et d'où l'eau s'échappe abondamment de toutes parts (o): image assez naturelle d'un débordement, Aussi, dans la distribution qui fut faite de la terre par aspects célestes, le signe solsticial ou le cancer, sous lequel le Nil commençait à se déborder dans les derniers âges, fut affecté à l'Egypte, comme nous l'avons vu plus haut: Nilusque tumescens in Cancrum: mais on lui attribua aussi le verseau comme génie tutélaire.

Sed juvenis nudos formatus mollior Artus
Ægyptum ad.... vicina et Aquarius arva recedit.

( Manil., 1. 4, v. 793.)

On place même le Nil dans la division du verseau avec le poisson oxyrinque 1.

Dans le zodiaque indien des Transactions philosophiques, on voit simplement une urne. Ce symbole revient au même. En effet, un vase destiné à contenir l'eau peut être très-bien pris pour le symbole de l'eau; et il a été effectivement le symbole du débordement chez les Egyptiens, suivant le témoignage d'Horus-Apollon: Nilum exundantem Egyptii pingentes pingunt tres hydrias 2. Le même auteur dit qu'on le peignait aussi sous l'emblème d'un lion, à cause que l'inondation arrivait sous ce signe; et Plutarque dit que les Egyptiens adoraient le lion et peignaient sa figure sur les portes

1 Kirk, OEdip., t. 2, pars. 2, p. 201. C. 21. 3 Plut. de Isid., p. 366.

2 Hor. Apoll., 1. 1,

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