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le prouve en effet. Ce monument que nous venons d'expliquer est dans Montfaucon '.

Parmi ces différens emblèmes, il en était un qui désignait assez clairement la belle constellation de Persephone: c'est la couronne que portait en pompe l'hierophante ou le prêtre stéphanophore. Le nom d'anthesphores était donné à ces fêtes. Cette couronne et ces guirlandes étaient des symboles évidens de la constellation que l'on honorait. On voit dans tous les monumens qui représentent l'enlèvement de Proserpine, la corbeille de fleurs qui est renversée. Dans les poèmes allégoriques sur l'enlèvement de cette Déesse, on faisait également allusion à la nature de l'emblème astronomique, en supposant que Proserpine s'occupait à rassembler des fleurs et à composer des guirlandes lorsque son ravisseur la surprit. Ces allusions étaient familières aux prêtres astronomes, et elles n'ont point échappé à Manilius. Le poète astrologue y tire l'horoscope de ceux qui naissent sous ce signe, et il nous dit qu'ils aimeront les fleurs 3...

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On voit que les poètes ont conservé précieusement cette circonstance des guirlandes et des fleurs, qui était comme le mot de l'énigme, et qui contenait une allusion délicate à la couronne céleste; appelée sertum et corolla. Claudien suppose même que ce fut un stratagème de Vénus pour faire tomber Persephone dans les filets de Pluton, et il y ajoute la

!Antiq. Expliq., t. 1., pl. 20, fig. 3. Ovid. Fast, I. 4, v. 425. Métani., 1. 5, Fab. 11, - Mapil., 1. 5, v. 254.

TOME IX.

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circonstance de la couronne: Se ignara coronat. A son exemple les femmes qui célébraient ces fêtes, cueillaient aussi des fleurs et se couronnaient, nous dit Strabon".

Enfin Ovide dit en termes formels que la couronne boréale, appelée autrement couronne d'Ariadne est la fameuse Proserpine des anciens, de inanière que ce que nous prouvons par notre système, se trouve confirmé par le témoignage de l'antiquité. Voici ce qu'il dit :

Protinus aspicies venienti nocte coronam.
Gnossida: Thesæo crimine facta Dea est.
Jani benè perjuro mutarat conjuge Bacchum,
Quæ dedit ingrato fila legenda viro.

Il suppose qu'Ariadne se plaint des infidélités de son amant, et que Bacchus qui l'écoutait l'embrasse pour la consoler, et la place dans les astres sous le le nom de Libera ou de Proserpine.

:

Dixerat audibat jandudum verba quærentis
Liber, ut à targo forte secutus efat.

Occupat amplexu, lacrymasque per oscula siccat,
Et pariter cœli summa petamus ait.

Tu mihi juncta toro, mihi juncta, vocabula sume,
Jam tibi mutatæ Libera nomen erit.

Sintque tuæ tecum faciam nonumenta coronæ,
dedit, illa tibi...

Vulcanus Veneri quam

Dicta facit, gemmasque novem transformat in ignes;
Aurea per stellas nunc micat illa novem.

Strabon, 1. 6, p. 256.

Ovid. Fast., 1. 3, v. 459.

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Hygien et Lactance confirment la même tradition sur le nom de Libera, donné à Ariadne '.

Dans le beau monument qui représente le mariage de Bacchus et d'Ariadne, un faune , ou Dieu à cornes de bouc, met la couronne sur la tête d'A– riadne, et Bacchus tient dans sa main un serpent, symbole visible du serpent céleste dont l'âme du monde ou Bacchus prenait alors la forme, et auquel il s'unissait dans sa conjonction avec la couronne boréale: il était alors Bacchus Sarap'. Hygin fait Ariadne ou Libera fille de la fameuse Pasiphaë qui aima le taureau des constellations ou de la pleïade placée sur ce taureau. C'est, en d'autres termes, la filiation de Proserpine qui naît des amours de Jupiter métarphosé en taureau.

Ainsi Libera ou Persephone est certainement ou une constellation, ou la lune unie à cette constellations; et les aventures de cette Déesse ne peuvent être que des apparences astronomiques de la nature de celles qui, suivant Chérémon, avaient pour objet le soleil, la lune, les planètes, le zodiaque et les astres en aspect avec eux; fondement unique de toutes les fables sacrées. Il n'est donc point étonnant de voir Proserpine avec les douze signes dans le monument qui représente l'enlèvement de cette Déesse, et d'y trouver à ses côtés Hercule ou Thésée, comme il l'est dans la sphère des étoiles. Les planètes durent également lui êtres unies comme elles le sont aux autres

'Hygin, Fab. 324. Lact., l. 1, c. 10. Ant. Expliq., t. 1., 1. I 50.

astres génies, soit à Bacchus, soit à Apollon, etc Aussi les anciens disaient que les planètes formaient son cortège et les appelaient les chiens de Proserpine. La plupart des auteurs l'ont confondue avec la lune, reine de la nuit et de la végétation, à la→ quelle elle était intimement unie, comme l'astre qui présidait aux signes inférieurs et à l'empire des ténèbres, et comme l'intelligence motrice de la sphère lunaire.

Il sera donc aisé de la reconnaître encore lorsque quittant les habits de la Déesse de la nuit, elle prend la parure de Vénus au printemps. C'est ainsi qu'on pourra concilier tout ce que disaient d'elle les anciens, et expliquer le bel hymne d'Orphée à Proserpine, qui, sans cette clef, renferme les idées presque contradictoires, telles que celles de. Lucifera, etc.

Vitæ datrix,

Quæ tenes inferni portas sub profunditatibus terræ,
Furiarum genitrix, subterraneorum regina,

Temporum contextrix, LUCIFERA... Fructibus florens,
Benè lucens, verna, palustribus gaudens auris,
Sacrum manifestans corpus, germinibus fructiferis
Autumnalis desponsata

Vita et mors sola, Percéphone, quæ fers omnia
Et omnia occidis.

Audi, beata Dea, et frustus reduc à terra.

On voit qu'il suffit de la considérer dans la double

! Porphyr. vit. Pytbag.

époque qu'elle fixait par son lever et son coucher, et dans ses unions à la lune pleine ou nouvelle, pour expliquer toutes les dénominations, et concilier deux idées aussi contraires que celles de reine de la vie et de la mort.

Ainsi, sous quelque point de vue qu'on envisage l'histoire de Proserpine, soit qu'on cherche l'étymologie de ses différens noms, soit qu'on explique la théologie monstrueuse de sa naissance et de son hymen, et ses autres aventures, soit qu'on examine l'horoscope de son enlèvement ou de ses amours avec le Dieu-serpent, tout s'accorde à prouver que Proserpine est la constellation de la couronne boréale ou d'Ariadne; ou au moins qu'elle est la lune pleine ou nouvelle dans la balance, en conjonction avec la couronne d'Ariadne; car il a existé pour la lune la la même confusion que pour le soleil. On a donné souvent son nom à la constellation qui lui prêtait ses attributs, comme le soleil a donné son nom d'Hercule à la constellation voisine de la couronne.

Nonnus, dans ses Dionnysiaques, a parlé assez au long des amours d'Ariadne et de Bacchus, et de la consécration que ce Dieu fit aux cieux de la belle couronne d'Ariadne, pour y être un monument éternel de leurs amours. Comme ce morceau a été extrait dans notre chapitre sixième sur les Dionnysiaques et sur Bacchus, nous y renvoyons le lecteur.

Nonnus, 1. 48, v. 971; I. 25, v. 145; l. 47, v. 70. ? Ci-dess., t. 2, c. 6.

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