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grandeur et de ses connaissances astronomiques. Dans notre nouvelle hypothèse, chaque signe reprend sa place, et le peuple égyptien trouve la justification de ses droits dans les titres même qu'on lui opposait.

Le signe de la balance, qui suit la vierge, annonce une époque aussi importante dans l'année astronomique que les épis symboliques dans l'année rurale; et il s'accorde encore de la manière la plus heureuse avec l'état du ciel dans l'époque que nous assignons à l'origine du zodiaque. L'égalité des jours et des nuits, la division égale de la lumière et des ténèbres, ne put être désignée par un symbole plus naturel et plus simple que par celui d'une balance'. On plaça donc cet emblème dans la division du zodiaque, qui répondait à l'équinoxe de printemps, celui des deux équinoxes qui, dans tous les siècles, a semblé fixer de préférence l'attention de tous les peuples. La place que nous lui assignons ici lui convient donc au moins autant que celle où l'on avait supposé qu'il fut mis originairement; supposition qui devient chimérique quand on fait attention que l'astronomie était inventée long-temps avant que les astérismes de la balance pussent répondre à l'équinoxe d'automne.

Quelques personnes ont cru que la figure de la balance était une invention moderne et l'ouvrage des flatteurs d'Auguste; mais la balance se trouve

1 Hyde de vet. Pers. Rel., p. 391. Isidor. Orig.; 1. 3,

TOME IX.

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dans les monumens égyptiens et indiens qui précèdent de bien des siècles l'âge d'Auguste; on la voit sur le zodiaque indien qui se trouve dans les Transactions philosophiques. Tous ceux qui ont donné les noms des douze signes du zodiaque chez ces peuples, y nomment la balance. Tolam, dit le Gentil, désigne une balance romaine1; la mêmė constellation s'appelle en pelhvi tarazou, qui signifie aussi balance suivant Anquetil. C'est au lever de la balance que la cosmogonie des Perses fixe l'introduction du mal ou l'approche de la mort de la Nature 2. Ce signe portait ce nom, même chez les Romains avant Auguste. Varron, le plus savant des Romains, dit formellement que les signes du zodiaque étaient des symboles significatifs, et qu'entre autres la balance avait été placée dans les cieux pour désigner l'équinoxe 3. Cicéron, qui traduisit à dix-huit ans le poème d'Aratus, l'appelle jugum, traduction de dzugos, balance, nom qu'elle portait chez les Grecs et dans Geminus *, qui écrivait du temps de Sylla, suivant le père Petau; cet auteur emploie aussi le mot de chélaï, comme Ptolémée ; il paraît qu'on disait l'un et l'autre. La raison de cette double dénomination vient de ce que les étoiles du scorpion s'étendent jusque dans la division qui appartient à la balance, et que souvent on a mis cette balance dans les pin

1 Le Gentil, Voyage aux Indes, t. 1, p. 247. - 2 Zend. Avest., 1. 2, p. 426.- 3 Varro, de ling. latin., 1. 6.4 Ġemin. Petav. Uranol., p. 1 et p. 12, 17.

ces de cet animal. De là le nom de chelaï ou serres donné au signe de la balance; mais originairement la balance était placée entre les mains d'une femme semblable à celle qui occupe le signe de la vierge. C'est ainsi qu'on la trouve dans une foule de monumens anciens: Humana est facies libræ dit Manilius, liv. 2, v. 527. Libripens enim, ajoute Scaliger, in Astrothesis figurabatur: alii tamen a virgine gestari volunt'. Aussi quelquefois la balance fut peinte seule et séparée des serres du scorpion. Achille Tatius dit positivement que le nom de balance était celui que les Egyptiens donnaient à ce signe. Chele, dit-il, ab Egyptiis vocatæ jugum. Ce symbole appartenait donc à la sphère égyptienne, de beaucoup antérieure au siècle d'Auguste. Hipparque, qui vivait plus d'un siècle avant ce prince, l'appelle aussi dzugos 3. Il est donc incontestable que la balance est un symbole astronomique aussi ancien que tous les autres; et que, s'il a été inconnu à quelques peuples, ce ne fut certai– nement pas au peuple égyptien à qui nous rapportons ces emblèmes astronomiques. Il était important de bien constater l'antiquité de ce symbole, parce qu'il est un des plus expressifs. L'image d'une balance mise précisément à trois signes de l'écrevisse, est un des argumens les plus forts de notre système sur la position primitive des douze signes du zodiaque.

1 Theon ad Arat. Phæn., p. 117. 2 Achill. Tat. Uranol. Petav., p. 96.3 Hipp. Uranol. Petav,, l. 3, p. 134,

Le signe qui suit la balance est le scorpion; il répondait alors au mois d'avril et au commencement de mai, ou du second mois qui suivait l'équinoxe de printemps. L'idée que présente naturellement cet emblème est celle du venin ou de quelque maladie; et il est assez vraisemblable que les anciens, dont tous les calendriers étaient météorologiques, après avoir peint dans les cieux les principales époques de l'année astronomique et rurale, auront aussi tracé les phénomènes périodiques de leur climat. Les calendriers de Geminus et de Ptolémée, réglés sur des levers d'étoiles, ne contiennent que les annonces de la pluie, du vent, et en général de toutes les variations de l'air qui semblent se renouveler tous les ans. Comparons donc le scorpion symbolique avec l'état de l'air en Egypte dans ce mois-là, pour trouver le sens de cet emblème. Pluche, dans son Histoire du ciel', appuyé de l'autorité de Drapper, de Maillet et de Wansleb, nous dit que presque tous les ans il souffle en avril un vent d'Ethiopie, furieux et pestilentiel, qui porte partout le ravage. Il semble assez simple de regarder le scorpion, reptile malfaisant, comme l'emblème naturel de ces vents chargés de vapeurs dangereuses.

Il ne nous reste plus qu'à chercher le sens du dernier signe, celui du sagittaire, dans lequel on avait peint seulement un arc et un trait prêt à être lancé, comme il paraît par le zodiaque indien et

1 Pluche, Histoire du ciel, t. 1, p. 37.

par le nom que les Perses donnent à ce signe, qu'ils appellent l'arc 1; les Indiens le nomment la flèche ou vimasp 2, ou dhanoussou. Il me semble que la rapidité du trait fut l'image la plus naturelle de celle des vents, et qu'on voulut par-là désigner le retour des vents étésiens qui commencent à souffler dans le mois qui précède le solstice d'été et le débordement du Nil, dont on les croyait la cause. Le débordement, dit Pluche, était toujours précédé par un vent étésien qui, soufflant du nord au sud vers le temps du passage du soleil sous les étoiles de l'écrevisse, pressait les vapeurs vers le midi, et les amassait au coeur du pays d'où venait le Nil; ce qui y causait des pluies abondantes, grossissait l'eau du fleuve, et portait ensuite l'inondation dans toute l'Egypte. Pluche n'a fait ici que traduire Plutarque * et le fragment d'un ancien auteur, imprimé à la suite d'Hérodote (p. 607).

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Mais on pourrait donner encore un autre sens à ce symbole. Chez un peuple guerrier, tel que fut le peuple égyptien, et qui, après ses récoltes, n'avait plus rien à faire, parce que le Nil allait inonder tout le pays, n'est-il pas vraisemblable qu'il aura pu destiner à porter la guerre chez l'étranger un temps pendant lequel la nature même de son climat l'eût réduit à l'inaction? C'est l'idée que pourrait faire naître un arc et un trait, symbole

1 Zend. Avest, t. 2, p. 349.-2 Le Gentil, Voy. aux Indes, t. 1, p. 247.-3 Pluche, Hist. du ciel, t. 1, p. 40.-4 Plut. de Isid., p. 366.

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