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époque reculée, non-seulement Sirius était l'étoile qui annonçait le solstice d'été, condition requise d'après les traditions anciennes; mais qu'il était encore uni au capricorne, liaison qu'on a eu soin de perpétuer par la cérémonie la plus singulière. Il nous reste à faire quelques recherches sur les constellations qui fixaient alors les principales époques du temps, et par l'usage auquel elles servaient à

deviner la raison de leur institution et leur sens allégorique.

En continuant mes observations sur la sphère, dans son état primitif, je remarquai que le lever de Sirius était suivi ou même accompagné de celui de l'hydre. La durée du développement successif des étoiles de cette constellation, et l'idée allégorique qu'elle semble présenter me firent croire qu'elle était comme la mesure astronomique de la durée du débordement'. En effet, il s'écoule précisément trois mois entre le lever acronyque ou le lever du soir des étoiles de la tête, et celui de la dernière de la queue de cette constellation.Il me parut assez vraisemblable qu'on avait marqué toute la suite des étoiles qui se levaient le soir tous les jours, depuis le solstice d'été jusqu'à ce qu'au bout de trois mois le soleil entrât au bélier, durée précise de l'inondation, afin d'avoir dans les cieux pendant plusieurs siècles une mesure exacte de cette durée. Le serpent ou l'hydre, animal aquatique, dont la marche tortueuse représente assez bien les sinuosités du fleuve, fournit un

1 Theon. ad Arat. Phon., p. 104.

symbole assez naturel du Nil débordé' que peignait la nouvelle constellation. Virgile lui-même compare les replis du serpent, voisins du pôle, aux sinuosités d'un fleuve in morem fluminis elabitur anguis, etc. C'est même la seule supposition par laquelle on puisse expliquer pourquoi l'on a donné à l'hydre céleste une si prodigieuse étendue3, et pourquoi l'on a rempli le ciel de fleuves ou de serpens symboles des fleuves. L'effet de la précession étant de donner aux étoiles un mouvement d'occident en orient, les anciennes mesures furent en défaut au bout d'un certain nombre de siècles. Le même génie symbolique, guidé par le mêmebesoin, créa sans doute, dans les âges suivans le serpent d'Ophiucus et le fleuve d'Orion qui porte encore en astronomie le nom de Nil. Le serpent d'Ophiucus put fixer la durée du débordement dans le temps où le solstice coïncidait avec le commencement de la balance, et le fleuve d'Orion* lorsqu'il coïncidait avec le commencement du sagittaire. Cette conjecture, que j'avais formée sur le sens allégorique de la constellation de l'hydre céleste, a été confirmée dans la suite par une autorité qui semblait devoir la détruire. Jablonski, pour prouver qu'il y avait des différences entre la sphère des Grecs et celle des Egyptiens, cite pour exemple la constellation de l'hydre, à la place de laquelle ces derniers dessinaient le Nil, ou même, dit-il, qu'ils appelaient le

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1 P. 113. Georg., 1. 1, v. 244.3 Hygin., 1. 3, c. 39.

—4 Ibid., l. 2, c. 33.

Nil. Jablonski cite l'autorité de Théon. Ce qui parut une différence essentielle à Jablonski, loin d'être destructif de mon système, confirme de la manière la plus frappante l'explication allégorique à laquelle m'avait conduit mon hypothèse, et qui était la suite de la fonction que dut faire primitivement cette constellation'. Cet heureux accord de mes conjectures, avec des faits que j'ignorais d'a-` bord, s'est retrouvé plusieurs fois dans mes recherches, et c'est une des choses qui a le plus servi à me convaincre de la vérité de mon système.

Après avoir examiné l'origine des constellations qui présidaient au solstice d'été, et qui fixaient le commencement du débordement, passons à la seconde époque de l'année rurale égyptienne pour trouver l'origine de quelques autres constellations, On divisait l'année en trois époques principales ou trois saisons le débordement, le labourage et les récoltes; ces époques sont séparées chacune par un intervalle de quatre mois. Cette division de l'année en trois saisons, qu'on sait avoir eu lieu chez les Egyptiens, et qui a passé chez d'autres peuples, était assez bizarre ailleurs; mais en Egypte elle était donnée par la Nature même du climat. Le Nil se déborde en juillet; on laboure en novembre; on récolte en Mars; trois époques intéressantes pour le cultivateur égyptien, et qui ont dû former la première division de ses travaux. Il laboure, recueille et se repose; et ces intervalles sont fixés par

1 Theon ad Arat. Phoen., p. 150.

2 Solin.,

P. 8.

la Nature même à une durée de quatre mois chacun. On peut donc regarder les Egyptiens comme les inventeurs de cette division du temps.

C'est à l'ouverture de leurs travaux, en novembre ou au signe que le soleil parcourait alors, que nous férons l'application de notre principe. Voyons parmi les constellations extrazodiacales qui se levaient ou se couchaient alors, s'il n'y en avait pas qui, fixant l'entrée du soleil au signe du boeuf agriculteur, présentassent aussi quelque idée relative au labourage. La première et la plus brillante qui s'offre à mes regards, c'est un homme armé d'un fouet, placé sur le taureau, et qui par son coucher héliaque marquait l'entrée du soleil dans ce signe.

Je crus voir du dessein dans les attributs de cette constellation, et le nom d'arator qu'elle porte encore aujourd'hui dans Blaeü' justifiait mes conjectures. Nigidius prétend qu'elle est la même qu'Orus qui enseigna l'agriculture aux Egyptiens. Tous ces rapports réunis donnaient une espèce de raison de la liaison de cet arator avec le boeuf agriculteur. Néanmoins, comme il paraît être une invention des derniers âges, où le cocher, à l'équinoxe de printemps, était censé conduire le char du soleil, je laisse au temps à décider, et au lecteur à juger de l'origine de cet emblème. Car, quoique je croie qu'il y a des constellations dont les symboles et les noms remontent à la position primitive, je ne pense pas qu'il en soit de même de toutes, et je crois

1 Cæs. Col. Astron., p. 125.

qu'on doit fixer l'époque de leur institution dans l'âge où elles avaient un usage naturel et présentaient un sens net. Il ne faut pas raisonner sur les constellations comme sur les douze signes qui ont été inventés ensemble, et qui ont dû avoir l'origine la plus ancienne de tous les astérismes.

La troisième époque qui nous reste à considérer est celle des récoltes. Quatre mois après que la terre avait été ensemencée, le soleil arrivait dans la constellation de la vierge ou dans le signe de la moissonneuse, et cette entrée était annoncée par le coucher héliaque d'une constellation remarquable par une belle étoile, et qui se couchait au-dessus de la vierge, comme le cocher, quatre mois auparavant, au-dessus du taureau. Cette constellation est le bouvier, bootės, dont l'étoile la plus brillante porte le nom d'arcturus. On y peignit encore un laboureur', icare, en hébreu ; mais au lieu de fouet, on lui mit en main une faucille, et devant lui marchait un char attelé de boeufs pour voiturer ses récoltes, sous le nom de chariot et de boeufs d'Icare:

Flectant icarii sidera tarda boves,

(Properce.)

La belle étoile de la vierge, dont le coucher précédait de peu de minutes celui d'arcturus, s'appela l'épi; et on y peignit un épi dans les mains d'une moissonneuse qui prit elle-même le nom de

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1 Plut. parall., p. 397. Hygin, l. 2, c. 5.-2 German. Cæsar.,

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