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lyre, et elle porta le nom de lyre de Mercure '. Lucien raconte que Mercure trouva une tortue morte, et que sur son écaille il monta sa lyre. Germanicus César dit que cette lyre est celle de nos constellations, et que Mercure trouva cette tortue après la retraite des eaux du Nil ; c'est le temps où se lève la constellation de la lyre. Cet auteur ajoute qu'il y mit neuf cordes; nombre égal à celui des Muses. D'autres disent sept, à cause des sept sphères; d'autres trois, à cause des trois saisons de l'année égyptienne.

Il est important de distinguer la double fonction qu'a faite la lyre: celle d'étoile polaire dans le premier âge ou à l'époque de l'invention de l'astronomie, et celle de paranatellon ou d'astre qui fixait l'équinoxe de printemps et le solstice d'été dans les derniers àges, lorsque la vierge eut quitté ce solstice. Cet emblème se retrouve dans les monumens égyptiens, et dans les fables on fait souvent allusion à ce symbole. Quoique sa dernière fonction soit celle qu'on y ait le plus souvent enviságée, on a besoin quelquefois de remonter à la première époque.

Dans la dernière époque, elle présidait au mouvement ou au départ des sphères, comme les autres génies de l'équinoxe, le cocher ou Pan, le serpentaire ou Esculape, etc. Voilà pourquoi Manilius, liv. 1, dit de cette constellation:

1 Hygin, l. 2. German. Cæs., c. 13. Lucian, t. 1, p. 136. — 2 Theon ad Arat. Phoen., p. 135.-3 Hygin., 1. 2, C. 6.

Nunc sidera ducit,

Et rapit immensum mundi revolubilis orbem.
(Manil., 1. 1, v. 355.)

Le temps où l'on fait vivre Iao tombe précisément sous le signe équinoxial du taureau. Dans cet âge, ou lorsque le taureau était à l'équinoxe, le lever du soir de la lyre ou de la tortue céleste fixa long-temps l'équinoxe et le départ des sphères.

On y trouvera l'origine et le sens de cette fable, dans laquelle les Chinois supposent que le monde est soutenu par un serpent, à qui une tortue a donné naissance. Kirker, in Chind illustrata, p. 137, nous dit: Sub numine FE, draco volans, quem spiritum aeris et monstrum dicunt, testudinis scuto tectus, conspiciendum se exhibet, quam fabulam à Brachmanibus mutuati aiunt, mundum draconi seu serpenti ex testudine nato insistere.

La tortue et le dragon custos hesperidum sont placés près du pôle, et se lèvent ensemble dans les climats méridionaux; l'un et l'autre soutiennent le monde, dans ce sens qu'ils sont voisins du pivot ou du pôle. C'est ainsi que le bouvier, bootės, et la constellation d'Hercule passaient pour soutenir le ciel, c'est-à-dire le pôle ou l'axe du monde : il en est de même de toutes les constellations circompolaires. Manilius dit d'elles: Cœlumque et sidera torquent1.

On retrouve jusque chez les Hurons et chez les

1 Manil., 1. I, v. 279.

Iroquois une fable de la tortue, dans laquelle il est question du soleil et de la lune. «Ils représentent six hommes dans le monde. Un de ces hommes monte au ciel pour y chercher une femme nommée Atahensie, avec laquelle il eut un commerce dont on s'aperçut bientôt. Le maître du ciel la précipita du haut de son empire: elle fut reçue sur le dos d'une tortue; ensuite elle mit au monde deux enfans, dont l'un tua l'autre. » Ils disent qu'un de ces enfans est le soleil. Cette fable pourrait être relative à l'équinoxe de printemps, fixé alors par le lever de la tortue et par le coucher de Sirius, astre d'Isis, de cette Isis qui disait d'elle-même : Ego sum, quæ in sidere canis exorior; et qui, dans un autre endroit, dit aussi : Fructus quem peperi est sol.

Au reste, je ne m'étendrai pas ici sur les différens noms que cette seule constellation a portés dans les derniers âges, et sur les diverses fables auxquelles elle a donné lieu, lorsque, par ses levers et ses couchers, elle fixait les équinoxes et les solstices. C'est ce que je détaillerai dans le traité qui va suivre. Je n'envisage ici cette constellation que dans l'époque primitive, lorsqu'elle était étoile polaire, et je ne considère que les rapports qu'elle avait avec le système général des cieux au temps où je place l'invention du zodiaque et de la sphère.

Dans le temps où la lyre était l'étoile polaire, la constellation de l'aigle fixait le solstice d'été par son coucher héliaque, de manière qu'on pût désigner le point le plus élevé de la course du soleil par le capricorne ou par le quadrupède (z) qui monte le

plus haut, et par l'aigle ou l'oiseau qui s'élève le plus. Il est même certain que l'accipiter de l'Egypte, suivant Horus-Apollon (chap. 6), était un symbole de l'élévation : Altitudinem pingentes pingunt accipitrem. Clément, dans son cinquième livre des Stromates', dit qu'il était le symbole de l'élévation du soleil; et Avenar nous assure que les Egyptiens peignaient l'accipiter dans la constellation où les Grecs mettaient l'aigle2.

Au reste, je n'attache pas à mes idées sur l'origine des constellations extrazodiacales, la même importance qu'aux preuves que j'ai apportées en faveur de l'origine des douze signes; mais quelle que soit l'époque de leur invention, au moins je suis persuadé qu'elles ont un sens relatif à l'état du ciel, à celui de la terre et au passage du soleil dans les différens signes, et qu'on ne peut découvrir ce sens qu'en remontant à la plus haute antiquité, et qu'en suivant les déplacemens successifs de la sphère et des points équinoxiaux produits par la précession. Ce qu'il y a de certain, c'est que, dans l'explication que j'ai donnée des fables par l'astronomie, j'ai retrouvé toujours l'équinoxe au moins au taureau, et qu'alors les figures des constellations étaient déjà inventées; de manière qu'il faut remonter à cette époque, et même plus haut, pour apercevoir une raison de ces différens emblèmes.

Après avoir déterminé la position primitive des

↑ Strom., l. 5, p. 567.—2 Kirk. OEdip., t. 2, part. 2, p.204.

cieux, lorsque les hommes créèrent les symboles astronomiques qui nous réstent, et avoir fixé la position des points solsticiaux et équinoxiaux, et celle du pôle, relativement aux étoiles à cette époque, nous nous croyons en droit de conclure, par le rapport frappant qu'a une telle sphère avec l'agriculture égyptienne et éthiopienne, que les rives du Nil ont vu naître cette science'; que le zodiaque est l'ouvrage des peuples de ce climat, puisqu'il a un sens chez eux, et qu'il n'en peut avoir que chez eux; qu'enfin, il est à eux, puisqu'il n'est fait que pour eux. Cela se conclut d'après l'hypothèse simple qui suppose un sens à ces emblèmes; hypothèse née de la connaissance que nous avons du génie hieroglyphique de ces peuples, confirmée par le témoignage de Macrobe et par celui de Lucien qui voyagea dans ces climats, et qui nous dit expressément, en parlant des dénominations données aux astres, qu'elles n'étaient pas seulement nomina, sed rerum signa.

Cette conclusion est aussi parfaitement d'accord avec l'opinion reçue chez les Grecs et chez les Romains, que les sciences astronomiques étaient nées en Egypte.

Hérodote dit que les Egyptiens sont les premiers inventeurs de la division de l'année en douze mois, et que cette division du temps était calquée sur celle des astres: Et hæc ex astris excogitasse ;

1 August. de Civ. Dei, l. 18, c. 39-40.—2 Herod., l. 2, c. 4,

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