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vraient deux rues perpendiculaires l'une à l'autre, qui formaient en droite ligne comme le prolongement des galeries avec un peu plus de largeur.

Nous avons vu que, dans le paréage, l'abbé et le couvent s'étaient réservé un demi-arpent pour la construction de l'église et le logement des ecclésiastiques qui en feraient le service. Cet emplacement fut pris du côté du midi, parallèlement à la place dont nous venons de parler et dont il était séparé par un carré occupé par des maisons. L'église fut placée le long du chemin de ronde qui bordait au midi ce local, en sorte qu'au nord, entre l'église et les maisons qui occupaient le carré central, se trouvait un espace vide qui formait comme une seconde place découverte désignée par le nom de Pâtus de l'église, où se tenaient le plus souvent dans l'origine les assemblées communales, lorsque le temps permettait de se réunir en plein air. Dans la suite, ce pâtus avait été diminué de moitié. Une lisière d'environ quatre ou cinq mètres de large avait d'abord été réservée le long des maisons qui le bornaient au nord pour former une rue; puis le reste, à côté de cette lisière, avait été divisé en plusieurs parcelles et vendu pour des locaux de maisons. Deux de celles qui y furent construites s'étaient conservées jusqu'à nos jours. L'emplacement des autres était devenu un jardin clôturé par des murs. Depuis quelques années seulement, ces maisons et ces jardins ont été rachetés par la commune pour agrandir le foirail des bêtes à grosse corne. Les maisons ont été démolies à cette fin; le jardin a également disparu, et tout l'ancien local réservé dans le principe, où l'on a fait une plantation d'ormeaux, a repris ainsi son aspect primitif.

C'est à l'extrémité de cette place, du côté de l'ouest, et en partie en face de l'entrée de l'église, qu'avait été construite la maison de justice avec la prison à côté. De la première nous n'avons vu que les fondations. Mais nous nous souvenons d'avoir vu encore debout la prison, qu'on désignait sous

le nom de fort. Elle n'a disparu que depuis environ une quarantaine d'années, mais cette fois ç'a été pour tout de bon. On a arraché jusqu'aux fondements et on a fait disparaître en même temps les traces encore visibles des autres bâtiments. Tout cet emplacement a été nivelé, et sur le derrière s'élève une rangée de maisons de .construction toute récente qui font face à l'entrée de l'église et limitent de ce côté la place découverte.

L'église, dans le style ogival de l'époque, fut construite dans de belles proportions. Les débris de marbre, de verres peints et autres qui ont été retrouvés dans le sol intérieur et extérieur, surtout à l'occasion des récentes réparations, permettent de supposer que rien n'avait été épargné pour son ameublement et son ornementation. Mais pendant les guerres religieuses du xvr siècle ces richesses disparurent. Les protestants de Mauvezin qui s'emparèrent de Solomiac et l'incendièrent sous la conduite du capitaine Sus (ou Suse) (1), le 3 septembre 1589, s'acharnèrent particulièrement contre l'église et la détruisirent jusqu'aux fondements. Il ne resta debout que quelques pans de murailles du côté du nord, vers le fond, et les piliers de butée du sanctuaire tels qu'on les voit encore aujourd'hui, avec les murs adhérents qui forment le rond point. L'église actuelle est construite tout entière sur les anciennes fondations, en sorte que son plan terrier est exactement celui de l'église primitive. Le reste n'y répond pas.

Le paréage pour la fondation de Solomiac fut conclu, comme nous l'avons déjà dit, au mois de mars 1322. Quoique la ratification de cet acte fondamental n'ait été faite par le souverain qu'au mois de mars 1527, il n'est pas moins certain

(1) Le capitaine Sus ou Suse (car on trouve l'un et l'autre) paraît avoir dirigé toutes les expéditions de brigandage et de destruction exécutées à cette funeste époque par les protestants de Mauvezin dans les lieux environnants. On le trouve successivement à Solomiac, à Maubec, à Montfort, à Ste-Gemme, etc. Par tout où il passe, ce sont les mêmes ravages, et en particulier, la dévastation et la démolition des églises.

qu'on dut se mettre à l'œuvre pour la construction peu après la conclusion du traité et sans en attendre la ratification solennelle. Nous voyons se renouveler ici ce que nous avons déjà constaté pour Gimont. La ratification n'arriva que lorsque la ville fut construite; ce qui le prouve d'une manière péremptoire, c'est que la charte des coutumes, octroyée seulement quatre mois après la ratification, suppose nécessairement que la ville était alors bâtie et la communauté régulièrement établie et parfaitement organisée. Cette charte n'émane pas directement du souverain, mais du sénéchal qui la donne en son nom comme son représentant. Elle fut en même temps revêtue de la sanction de l'abbé de Gimont, qui était toujours Bernard de Gère, pour tout ce qui le concernait.

Nous nous sommes souvent demandé si tout cet espace primitivement destiné aux constructions et dont une partie considérable est aujourd'hui occupée par des jardins, avait été réellement bâti à l'origine. Nous croyons que l'affirmative peut être tenue comme absolument certaine. Il est d'abord incontestable que Solomiac, comme nous l'avons dit, fut pris et brûlé en 1589. Tout ne fut pas sans doute consumé par les flammes; mais les maisons les plus exposées tout autour et surtout du côté du midi, par où arrivaient les protestants, furent certainement ruinées. Il n'y a pas d'apparence, vu l'extrême misère où le pays se trouvait réduit et qui ne fit que s'aggraver durant le siècle suivant, que ces maisons aient été reconstruites. Divers documents de cette époque, et notamment les procès-verbaux des délibérations du xvir siècle conservées à la maison commune, nous apprennent que même une partie de celles qui avaient échappé à la destruction avaient été abandonnées par les habitants et étaient demeurées désertes. Ici comme à Gimont, on les vendait comme propriétés tombées en déshérence à quiconque voulait seulement s'engager à en payer les charges annuelles. Il y eut, par suite de ces ventes, un certain nombre de ces maisons démolies, et leur Tome XX.

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emplacement fut converti en cours ou en jardins. Quelquesuns des vides qui s'étaient ainsi formés, soit dans l'intérieur de la ville, soit à l'est et à l'ouest de l'église, où les maisons qui occupaient ces carrés avaient dû particulièrement souffrir lors de l'invasion, ont été plus tard comblés, certains même de notre temps ou à des époques très-rapprochées de nous. Les vides qui restent encore remontent sans nul doute à la même époque et sont dus à la même cause.

Rien n'indique que Solomiac ait jamais été protégé par des murs de défense. Le projet d'en élever avait bien été fait dans le principe, mais on ne voit pas qu'il ait jamais été mis à exécution. Il est seulement fait mention de parets, sorte de murs en terre, peu élevés, qui bordaient le chemin de ronde et ne pouvaient protéger la ville que contre l'invasion des animaux. La principale défense consistait dans de larges fossés pleins d'eau, creusés par delà les jardins et qui environnaient la ville de toutes parts, en sorte qu'on ne pouvait pénétrer dans son intérieur que par quatre portes qui s'ouvraient sur les avenues de Maubec, Mauvezin, Monfort et Beaumont-deLomaigne.

Le paréage dont nous n'avons donné qu'une courte analyse est, dans son genre, une pièce remarquable. Il fut rédigé avec beaucoup de soin, et on reconnaît sans peine que les nombreux articles dont il se compose ont été mûrement délibérés par des hommes compétents. Tout y est prévu. La rédaction est aussi d'une netteté et d'une clarté telles qu'elle ne laisse aucune prise à la chicane et rend pour ainsi dire les discussions impossibles. Aussi ne voyons-nous pas dans ces premiers temps à Solomiac ce que nous avons vu à Gimont presque aussitôt après sa fondation: la division éclater entre les religieux et les cessionnaires des terrains donnés à fief, et la nécessité pour y mettre un terme de recourir à de nouvelles transactions. Ce ne fut que longtemps après, à la suite des guerres religieuses qui mirent la confusion partout, qu'éclata l'an

tagonisme entre l'abbaye et la communauté. Mais une fois la lutte commencée, elle fut ardente ici comme partout ailleurs, et elle se poursuivit avec acharnement et presque sans trève, tantôt pour un motif, tantôt pour un autre, jusqu'à là révolution de 1789.

(La fin prochainement).

R. DUBORD,

prêtre, curé d'Aubiet.

NOTES DIVERSES.

CXXV. Une fête agricole à Corneillan (1781).

Le curé de Corneillan, au diocèse de Condom, ayant proposé, en 1779, un prix de dix écus pour celui des laboureurs qui se distingueroit davantage par la bonne conduite et la meilleure culture, et M. Dupré de Saint-Maur, intendant de la province, ayant accordé à ce curé trois décharges de capitation en faveur de trois autres habitans de ce village qui auroient le mieux rempli les mêmes conditions, il se tint, le 9 du mois d'octobre de l'année dernière, une assemblée dans l'église paroissiale pour y prendre les suffrages, qui se réunirent d'abord sur Pierre Senscost [? peut-être Senescau], et relativement au second objet sur Joseph Dupouy et Pierre Arquisan. Cette fête rurale avoit attiré beaucoup de monde; et trois particuliers, dont les biens sont situés dans la même paroisse, ont prié le respectable pasteur d'annoncer pour l'année prochaine un second prix tel que le sien. On supprime ici les détails de cette fête, où les cérémonies religieuses ont tenu le premier rang, et dans laquelle le curé avoit pourvu à ce que les plaisirs permis de la campagne jettassent de la gaieté. Le sentiment de la reconnaissance pour le pasteur et l'intendant de la province y a surtout éclaté.

(Esprit des journaux de janvier 1782; d'après le Journal encyclopédique.)

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