DE GASCOGNE. L'ÉPISCOPAT DE BOSSUET A CONDOM (1669-1671) Supplément à la biographie et aux oeuvres de Bossuet. L'oubli qui, dans l'espace de moins d'un siècle, a couvert toutes les anciennes institutions de la France, n'a épargné peut-être, dans nos petites villes de Gascogne, que le souvenir de la suprématie épiscopale que plusieurs d'entre elles eurent le privilège d'exercer. Non-seulement les vieilles églises de ces villes n'ont pas perdu leur nom de cathédrale, mais elles restent encore, en dépit des circonscriptions paroissiales, comme le sanctuaire commun des cités dont elles sont l'ornement et l'orgueil (1). Ces monuments, dont la grandeur contraste d'ordinaire avec la modestie des constructions qui les entourent, maintiendront longtemps encore la tradition de l'ancienne juridiction perdue; mais ce qui perpétuera surtout le souvenir de ces diocèses abolis (2), c'est le (1) Autrefois l'église cathédrale était quelquefois indépendante des circonscriptions paroissiales; elle était à proprement parler l'église de l'évêque et toutes les paroisses de la ville en ressortissaient. C'est ainsi qu'on voyait à Condom s'élever å l'ombre même de la cathédrale, sur une partie du local actuel de la place Saint-Pierre, une église paroissiale sous le vocable de Saint-Nicolas. (2) Décret du 12 juillet 1790 sur la constitution civile du clergé. Cette abolition était nulle au point de vue canonique; mais le concordat de 1802 a régulièrement consacré la nouvelle circonscription ecclésiastique de la France. mérite ou l'éclat singulier des prélats qui furent à leur tête. Ces grands établissements ecclésiastiques présentaient en effet partout, et spécialement dans notre Gascogne, un spectacle curieux et imposant. L'archevêché d'Auch d'abord, appointé de 150,000 livres de revenu et assorti d'un riche chapitre composé de membres laïques et ecclésiastiques, parmi lesquels le roi de France, en sa qualité de comte d'Armagnac, occupait la première stalle du côté de l'Evangile, — l'archevêché d'Auch avait appartenu aux La Trémoille, aux Lévis, à des princes de la maison de Savoie (1), etc. Lectoure pouvait citer parmi ses évêques Charles de Bourbon (2), Louis de Polastron, Louis de la Rochefoucault et François de Narbonne-Pelet (5). Condom enfin vit se succéder sur son siège les plus illustres représentants de la noblesse de cour: les Galard, les Gontaut-Biron, les Grossolles, les d'Estrades, les Monluc, les Lorraine, et plus tard les Cossé-Brissac, les Montmorency et les Brienne. Mais l'éclat de tous ces noms devait pâlir et s'effacer devant la gloire du nom de Bossuet. Malgré les circonstances qui l'éloignèrent de son troupeau, l'épiscopat de ce « dernier Père de l'Eglise » sera l'éternel honneur de la ville de Condom, qui regrette encore, dans un pur sentiment patriotique, de n'avoir pas été visitée par l'étonnant génie auquel elle appartint. Ces souvenirs et ces regrets sont encore si vifs qu'il sera peut-être intéressant de rappeler (1) François, fils de Louis, duc de Savoie, et d'Anne de Chypre, beau-frère par sa sœur Charlotte du roi Louis XI, neveu du pape Félix V, fut nommé à l'archevêché d'Auch en 1484. L'embarras de ses affaires était tel que, malgré sa naissance et ses dignités, il ne put payer ses bulles en cour de Rome, et pour les obtenir, il dut emprunter à son chapitre la somme de 689 livres 8 sols, qui lui fut remise par Jean de Lacroix. Quittance du 7 octobre 1484. (Monlezun, Histoire de la Gascogne, t. v, p. 36.) (2) Fils d'Antoine de Bourbon et de Louise de la Béraudière. Sous son pontificat, Pithou et de Thou se rendirent à Lectoure. Comme ils n'y arrivèrent que la nuit et qu'ils tournaient autour des fossés, les sentinelles qui étaient sur les remparts tirèrent sur eux quelques coups de mousquet. (Monlezun, id., Supplément, p. 567.) (3) Qui fonda en 1765 l'hôpital actuel de Lectoure, sur les ruines de l'ancien chàteau des comtes d'Armagnac. |