créaient sur le littoral de la Méditerranée un mouvement commercial important; qu'elle donnait un résidu précieux pour l'amendement des terres. Enfin on reconnut que l'huile du sésame, de qualité assez légère et de goût assez fin, pouvait, pour les usages de la table, faire une certaine concurrence à celle de l'olive 1. Dès lors commença pour le sésame cette sourde hostilité des intérêts agricoles, qui, éclatant inopinément sous forme d'amendement dans la discussion de la loi de douane de juin 1845, fit, de ce produit, un article à part soumis à une échelle de droits variant, suivant les provenances, de 4 francs à 12 fr. 50 cent. les 100 kilogrammes. Déjà la loi de 1841, que nous avons rappelée en l'atteignant dans l'augmentation dont elle frappa tous les oléagineux étrangers, en avait ralenti l'importation. Cette tarification, contre laquelle notre commerce maritime élève chaque jour de nouvelles plaintes n'a pu que continuer à exercer une dépression marquée sur l'introduction du sésame d'Orient dans les huileries du Midi. Mais à quelque chose ce malheur peut être bon. Dans l'échelle des droits qu'elle a établie, la loi de 1845, qui frappe d'un droit de 10 francs la provenance de la mer Noire et de la Méditerranée, ne taxe qu'à 7 francs celle de nos colonies. Il est donc évident que le nouveau tarif crée une situation très-favorable aux tentatives qui pourraient y être faites pour la culture du sésame. Or voici que les colonies viennent d'avoir aussi leur révélation quant à cette graine précieuse, que le mystère de son origine semble ne pas abandonner. Il résulte d'une expérimentation pratique que le département de la marine a fait faire sur un fort échantillon recueilli par les soins intelligents de l'administration de la Guyane, que la graine si connue dans cette possession sous le nom de ouangue, si commune et d'un usage si populaire dans 1 La graine de sésame, de la grosseur d'une très-petite lentille, légèrement cunéiforme, se rompt facilement sous la dent, et laisse une saveur de noisette agréable au palais. La plante affectionne les terrains bas et humides; ce qui lui rend si propices les plaines de la basse Égypte, fécondées par les inondations du Nil. Le produit d'un hectare est d'environ 1,000 kilogrammes de grain, représentant 500 kilogrammes d'huile et 500 kilogrammes de tourteaux, ainsi qu'on le verra plus loin. Tome 3.-- 1847. Rev. COLON. 41 nos Antilles sous le nom de gigiri, n'est pas autre qu'une espèce particulière de sésame dite sésame d'Afrique, et dont le rendement équivaut à peu près à celui du Levant. Pour donner une idée des faits intéressants qu'a révélés ce premier essai, nous ne pouvons mieux faire que de transcrire la lettre par laquelle M. le chef du service de la marine de Marseille rend compte à M. le ministre de la marine des résultats obtenus : M. Guende aîné, qui le premier a créé à Marseille une usine à vapeur pour la trituration des graines oléagineuses, et qui pos sède dans cette partie une grande expérience, a bien voulu se charger de notre essai, auquel il a apporté autant d'attention que de désintéressement. Voici les résultats qu'il a obtenus. «La graine de sésame de Caïenne a été reconnue d'abord de bonne qualité et pouvant être assimilée à celle qui nous arrive du Levant; néanmoins elle a donné un rendement un peu infé rieur à celle de cette dernière provenance. Ainsi, par un essai comparatif, on est arrivé à obtenir: de Caïenne. 48 kil. d'huile 1 Par 100 kil. de graines 48 kil. de tourteaux. du Levani. 50 kil. d'huile. 50 kil. de tourteaux. Traitée partie à froid et partie à chaud, la graine de sésame du Levant donne toujours une moyenne de 50 pour o/o d'huile. On pense que celle de Caïenne, triturée en parties assez fortes, ne devra donner que 45 à 46 pour o/o d'huile. « On ne fait aucune différence pour la qualité des tourteaux de l'une et l'autre provenance. Ils ne sont propres que pour l'engrais des terres. Le prix de vente est aujourd'hui à 12 francs les 100 kilog.; il peut quelquefois monter à 13 francs, mais il dépasse rarement cette limite. L'huile provenant du sésame de Caïenne a la même valeur pour la fabrication du savon que celle produite par la graine du Levant. Cette huile traitée à chaud se vend aujourd'hui sur notre place, pour la fabrique, 122 fr. 57 cent. les 100 kilog.; traitée à froid pour la bouche, 137 fr. 27 cent. les 100 kilog. « Pour les produits de Caïenne, il serait à craindre que la partie fabriquée à froid ne fût pas assez bonne pour la bouche Il y a un déficit de 4 kilogrammes, dont la lettre de M. le chef du service maritime ne rend pas compte. (Note de l'Éditeur.) Pour présenter à ce sujet les mêmes conditions que celles du Levant il faudrait que la graine fit une traversée rapide et qu'elle pût conserver toute sa fraîcheur. L'échantillon envoyé à Caïenne présentait quelques vers, ce qui accusait une date ancienne. Les frais de trituration s'élèvent suivant les localités et les usines de 5 à 6 francs les 100 kilog. Il est impossible d'établir d'une manière précise la valeur du sésame; c'est une graine de luxe, et qui varie suivant l'importance de la récolte et suivant le prix des huiles d'olive. De 1842 à 1847 nous avons vu le sésame valoir 35 francs et monter cette même année à 74 francs les 100 kilog. à la consommation. Aujourd'hui le cours est de 65 francs. L'opinion est que le sésame de Caïenne devra en tout temps valoir 5 à 6 francs de moins que celui du Levant1. • Les quelques échantillons reçus dans le temps à Marseille de la côte d'Afrique portent à croire que le sésame de la Guyane est de même qualité. Tels sont, monsieur le ministre, les renseignements dignes de toute confiance, qui m'ont été donnés par les négociants et les courtiers qui s'occupent du commerce des graines oléagineuses et des huiles en provenant. » Il résulte de ces données que le sésame peut être considéré comme la plus fructueuse des cultures secondaires qui puisse être développée dans nos colonies. C'est donc là un point qui doit attirer l'attention des hommes laborieux et intelligents, en ce moment où elles ont besoin de se créer des ressources nouvelles et de développer celles que la nature leur a départies. Il ne faut pas perdre de vue que la graine récoltée dans notre colonie est venue sans aucune culture. (Note de l'Éditeur.) N° 33. STATISTIQUE DES COLONIES FRANÇAISES. Tableaux de commerce et de navigation pour le 2' trimestre de 1846. Martinique - Guadeloupe. Guyane française. — Bourbon. Sénégal. MARTINIQUE. 1o Mouvements de la navigation. (2o trimestre de 1846.) Voir les tableaux du même genre publiés, pour le 1er trimestre de 1846, dans le tome IV (98° de la collection) des Annales maritimes, Revue coloniale de 1846. |