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riche abondance, tout le règne végétal de l'Afrique. L'exploitation judicieuse de ces dons spontanés de la nature procurerait d'incalculables avantages. Quand la traite des noirs n'étouffera plus tout autre intérêt, Angola pourra fournir aux marchés européens des médicaments de prix, d'excellent bois de construction et de nombreux produits importants,

Colon. Partout où le sol n'est pas trop marécageux, le plus beau coton prospère sans culture. On m'a assuré qu'il donnait des fils plus longs et par conséquent plus estimés que le coton du Brésil; mais les Européens n'en font aucun usage. Il y a, il est vrai, près de Benguela une petite plantation de coton 'entourée de palissades, mais le propriétaire n'en retire rien de plus que ne faisait son prédécesseur. Quelquefois, mais rarement, je voyais à Loanda une nègresse filer du coton nouvellement récolté. On m'a dit qu'on en fabriquait une bonne étoffe, surtout à Cabinda, mais jamais je n'en ai vu moi-même.

Le peu de femmes que j'ai vues occupées à filer se servaient d'une légère quenouille sur laquelle le coton est enroulé avec les doigts. A un bout est fixée une petite pierre ou un morceau de bois pour que le fuseau tourne plus aisément. Le fil, qu'elles tordent entre deux doigts de chaque main, est fixé autour d'un fuseau. Cette méthode, qui ressemble beaucoup à l'ancienne méthode d'Allemagne, et qu'on suit encore en Russie, est extrêmement simple. Une négresse habile peut facilement s'occuper de son fuseau, même en marchant.

Indigo. Sur toute la côte, on considère l'indigo comme une plante sauvage ou même comme une herbe nuisible. Du temps des jésuites, il y avait à l'embouchure du Coanza une plantation d'indigo qui donnait de très-beaux produits; mais c'est à peine s'il en reste encore quelques traces. Depuis lors, aucun Européen n'a fait d'essai semblable. La culture de cette plante donnait néanmoins des profits incalculables et sûrs, car le climat et le sol passent pour y être particulièrement favorables à cette branche d'industrie.

Tabac. La même observation est applicable au tabac. Il pousse également à l'état sauvage en bien des endroits, mais on ignore complétement sur toute la côte l'art de le préparer, bien. que la consommation de cet article y soit énorme. De Bamba et des autres districts de l'intérieur, on envoie vendre sur la côte de grandes quantités de tabac. On le prépare dans une disso

lution très-acre, puis on le tord par trois brins, comme notre tabac roulé d'Europe, et on le vend à l'aune ou au pied. Non-seulement les nègres fument ce tabac roulé, mais ils s'en servent aussi pour priser. Ils le dessèchent complétement au soleil, le mettent dans une petite boîte de bois ou d'ivoire, et le réduisent en poudre fine au moyen d'un petit morceau de bois.

Les amateurs de tabac à priser portent une de ces petites boîtes suspendue à leur ceinture. J'en ai vu dans toutes les caravanes qui viennent des provinces éloignées de l'intérieur. La passion des nègres pour le tabac est telle, qu'ils convertissent souvent en poudre, pour les priser, les restes de cigares. Souvent je me suis amusé, dans mes promenades, à écouter un nègre me suivre pas à pas, souvent à une grande distance, jusqu'à ce que je jetasse le bout de mon cigare. Il s'en emparait alors avec empressenient, et se croyait amplement dédommagé de sa peine.

Les pipes de terre communes, qu'on fabrique surtout à Loanda, sont d'un usage général parmi les indigènes; mais ils préfèrent à tout leurs pipes de calebasse. Voici comment ils les préparent : ils vident une grande calebasse, et y adaptent une espèce d'entonnoir en terre brune; la fumée s'échappe par une ouverture pratiquée à l'autre côté du fruit. Les nègres ne se donnent cette jouissance que quand ils fument étendus sur le sol, car cet appareil embarrassant est très-difficile à manier, et il faut y mettre les deux mains en marchant. Ces pipes sont diversement ornées de dessins sculptés ou de clous de cuivre disposés en forme de figures.

Café. On trouve souvent le café à l'état sauvage dans quelques districts, et particulièrement à Enconge. De là on l'apporte au marché, à Loanda, dans de petits sacs de natte.

Ce café est excellent, mais quelquefois les nègres cueillent les fruits avant qu'ils soient mùrs, ce qui en altère beaucoup la qualité. En cet état, il a peu de valeur sur le marché. Il paraîtrait que le café ne vient pas sur le bord de la mer. J'ai pris quelque . peine pour constater ce fait, et personne n'a pu m'en montrer une seule plante dans de telles conditions de terrain.

Canne à sucre. La canne à sucre, qui croît en abondance sur les bords de toutes les rivières, est très-haute, très-épaisse, pleine de jus, et jamais cependant, autant que j'ai pu m'en instruire, elle ne sert à faire du sucre ou du rhum, ces denrées si importantes. Quelques nègres mâchent la canne fraîchement

coupée, mais on l'emploie surtout à construire des huttes ou à faire des clôtures.

Epices. -Je n'ai pas vu d'épices dans le pays, excepté le poivre, qui sert à assaissonner abondamment presque tous les mets. On m'a dit que le girofle, la cannelle et la muscade croissent en grande quantité dans l'île du Prince et sur quelques points de la côte. Le gingembre abonde dans les environs de Loanda; il s'en vend tous les jours des racines fraîches au marché; mais on ne peut les conserver faute de sucre, et elles ne servent qu'à donner plus de piquant aux sauces des Européens.

Manioc, riz, maïs.- Le manioc, le riz et le maïs sont les seules productions du pays que l'on cultive en quelques endroits pour la nourriture de l'homme. Le riz est le plus négligé, bien qu'il y ait de vastes étendues de terrain qu'on pourrait avec avantage disposer pour cette culture. Le maïs aussi est, en somme, peu cultivé, parce qu'il croît naturellement en telle abondance dans certaines localités, qu'il suffit amplement à la faible consommation qu'on en fait.

Le manioc ou tapioca est, de ces trois productions, la plus indispensable aux nègres et d'un grand usage parmi les Européens. On extrait de terre, en certaines saisons de l'année, la large et épaisse racine de cette plante, et on la râpe sur une lime grossière au-dessus d'un baril. Tout ce qui reste, après des lavages réitérés, est réduit en poudre grossière dans un mortier de bois, et séché au soleil. Les mortiers sont faits d'un épais tronc d'arbré : on en voit d'ordinaire cinq ou six rangés devant les huttes des nègres qui préparent cette farine. C'est un usage général parmi les Européens que de placer un petit panier de paille plein de farine de manioc à côté de chaque convive, et la plupart en prennent un peu en mangeant. Dans le même panier on place aussi un petit gâteau ou un morceau de pain.

Fève mandona. Outre les plantes nutritives dont je viens de parler, on trouve encore sur cette côte une petite fève délicate appelée mandona, que les blancs comme les indigènes mangent, soit comme légume, soit réduite en farine.

Céréales. -- On prétend que le blé, spécialement le froment ou le seigle, croît à l'état sauvage dans les forêts, à quelque distance des côtes, par exemple à Caconda. Il paraît que ies negres en font peu d'usage, si même ils s'en servent; de temps

en temps seulement ils en ont apporté des échantillons sur la côte.

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Tamarins, ricins. Il est probable qu'on pourrait mettre à profit les tamarins et les palma-christi, qu'on trouve partout en quantité Jamais on n'en a fait encore un article de commerce. Le jus de tamarin a été, il est vrai, employé occasionnellement dans les hôpitaux de Loanda comme remède et comme breuvage; mais bien qu'on emploie constamment l'huile de ricin qu'on tire du Brésil, à peine connaît-on la valeur de la plante qui la donne.

Teinture ursella. On recueille en grande quantité et on vend sous le nom d'ursella une espèce de mousse propre à la teinture. Cette plante n'appartient pas à la famille des roxellaria: c'est un lichen qui pousse sur le tronc des arbres peu élevés. Elle passe pour renfermer beaucoup de substance colorante; et une cargaison de ce produit, transporté de Benguela à Loanda par un de nos navires, s'est vendue à un prix plus élevé que les mousses ordinaires des îles d'Afrique.

On peut affirmer sans crainte qu'après l'abolition complète de la traite des noirs et par suite de l'essor que prendra alors le commerce de ces côtes, on verra le trafic des produits végétaux prendre un grand accroissement. Les médicaments précieux, en particulier, deviendront bientôt un article très-lucratif d'exportation. Il est bien regrettable qu'aucun des botanistes qui ont visité les forêts et les plaines marécageuses d'Angola, ne nous ait encore donné aucuns détails sur la flore si riche de ce pays.

Bois de teinture et de construction. Les plus beaux bois de construction et de teinture abondent dans les forêts de l'intérieur et à l'embouchure des rivières. De temps en temps le bois de teinture s'exporte en petite quantité. Quant aux bois de construction, ils ne servent qu'à la consommation locale. On élève des scieries sur la rivière Coanza quand un édifice est en voie de construction; mais les travaux sont à peine terminés que les scieries sont abandonnées et tombent en ruines. Le bois de charpente nécessaire à Loanda y est amené d'ordinaire de la rivière Bengo. Le Coanza, qui est plus éloigné de la ville, serait moins commode pour le transport. Il y a trois ans, on a essayé, à Loanda, de construire un petit sloop de guerre pour veiller à la garde des côtes. Le bois de construction avait été

également apporté du Bengo. Malheureusement la tentative a échoué par l'ignorance du constructeur : le navire est achevé, mais il ne peut pas naviguer, et dort inutile dans le port de Loanda. Un des arbres les plus estimés par les nègres, et qui croît sur le bord de la rivière, est le mafumeiro, dont le tronc haut et étroit sert à faire des canots.

Bois d'ébénisterie. - L'ébène, l'acajou, le packwood, etc., etc., abondent également dans les forêts. Jusqu'ici on s'est peu occupé de ces bois, mais quelques vaisseaux de Uha do Principe forment tous les ans une partie de leur charge avec les espèces les plus belles.

Gommes. Parmi les articles d'exportation les plus importants, on compte les gommes résineuses, dont le copal1 donne la plus grande quantité. Les nègres de l'intérieur apportent cette gomme sur la côte dans de petites poches de natte. A en juger par l'apparence, ils la recueillent sur des arbres d'espèces différentes. La gomme qui découle des branches de l'acacia est sou vent prise pour celle du copal. Il y a dans les environs de Benguela un grand nombre d'acacias dont les branches laissent suinter une gomme en tout semblable à la gomme arabique; seulement les morceaux sont plus petits et sous forme de gouttelettes, ce qui fait sans doute qu'on ne la récolte pas. On trouve également dans l'intérieur la gomme kino, ainsi que le sang-dragon, l'aloès et d'autres productions médicinales sans nombre qui certainement formeront bientôt des articles de commerce.

Huile de palme. La préparation de l'huile de palmier, à laquelle semble inviter particulièrement l'abondance de ces nobles arbres, est comparativement négligée dans la partie portugaise d'Angola. Les nègres, il est vrai, en font autant qu'il est nécessaire à leur propre consommation ou pour l'usage des Européens; mais si l'on en exporte, c'est en très-petite quantité. La révolution de 1820, quand elle éclata, fit échouer une tentative d'exportation d'huile de palme au Brésil. Depuis lors on n'a pu reprendre avantageusement ce commerce qui, cependant, semble promettre des bénéfices. La plante qui fournit la meilleure huile est l'arachis hypogea: sur la côte on l'appelle amendoim

1 Le meilleur copal vient de la province de Para, où s'était établi un commerce très-étendu du temps du roi Don José, et où s'étaient formés, en conséquence, de nombreux établissements, grâce à l'assistance du marquis de Pombal.

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