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HISTORIQUE UNIVERSEL

POUR 1861.

PREMIÈRE PARTIE.

HISTOIRE DE FRANCE.

CHAPITRE PREMIER.

L'acte du 24 novembre 1860.- Projet de sénatus-consulte complémentaire

Quel en est l'objet.

sur cette matière.

Rapport du président Trop

de cet acte. long. Remarquable commentaire qu'il fait du projet. Délibération Adoption du sénatus-consulte modificatif de l'article 42 de la Constitution. Décret réglementaire des attributions et des travaux des grands corps de l'Etat.

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Analyse de ses dispositions. Ouverture de la session parlementaire. Discours de l'Empereur : comparaison qu'on y trouve entre les institutions d'autrefois et les institutions actuelles. Compte-rendu des projets soumis au Corps législatif et des actes réalisés. La politique extérieure. Communication au Sénat et au Corps législatif d'un Exposé de la situation de l'Empire. - Analyse de ce document.

L'acte mémorable du 24 novembre 1860 (voyez Annuaire) avait besoin d'être complété. C'est ce qui motiva la convocation extraordinaire du Sénat, puisqu'il s'agissait de modifier la Constitution. Il s'agissait en particulier de l'article 42 du pacte fondamental, lequel, d'après le projet de sénatus-consulte, devait être ainsi conçu : « Les débats des séances du Sénat et du Corps législatif sont reproduits par la sténographie et insérés in extenso dans le journal officiel du lendemain. En outre, les comptes-rendus de ces séances, rédigés

par des secrétaires-rédacteurs placés sous l'autorité du Président de chaque assemblée sont mis chaque jour à la disposition de tous les journaux.

» Le compte-rendu des séances du Sénat et du Corps législatif par les journaux ou tout autre moyen de publication ne consistera que dans la reproduction des débats insérés dans le journal officiel ou du compte-rendu rédigé sous l'autorité du Président, conformément aux paragraphes précédents; néanmoins lorsque plusieurs projets ou pétitions auront été discutés dans une séance, il sera permis de ne reproduire que les débats relatifs à un seul de ces projets ou à une seule de ces pétitions sans que la discussion puisse en aucun cas être scindée.

» Le Sénat, sur la demande de cinq membres, pourra décider qu'il se forme en comité secret.

» L'article 13 du sénatus-consulte du 25 décembre 1852 est abrogé. >>

La Commission chargée de l'examen du projet de modification, eut pour organe le premier président Troplong. Il fit d'abord ressortir ce mérite de la Constitution de 1852, qu'elle avait << mieux aimé être perfectible qu'invariable et immuable, » une Constitution étant l'œuvre du temps, ainsi que le disait l'empereur Napoléon Ier. La Constitution de l'Angleterre venait à l'appui de cette réflexion. M. le Rapporteur faisait ensuite une juste observation, c'est que tout émanée de la Constitution de l'an VII, que fut la Constitution de 1852, elle avait pu être plus généreuse avec la liberté que sa devancière. «Le successeur de Napoléon 1er, ajoutait l'organe de la Commission, n'a retranché à cette liberté, compromise par tant d'écarts, que ce qui, au jugement de tous les hommes sensés, avait ébranlé, même renversé le principe d'autorité, sans lequel il n'y a point de liberté réelle. >> Examinant ensuite la différence entre les livres, les brochures et les journaux, le Rapporteur constatait que ceux-ci, « œuvres collectives et quotidiennes, pouvaient soulever davantage les passions à cause de leur puissante organisation. » C'est pourquoi la loi actuelle leur imposait des devoirs particuliers. Pourtant, c'est M. le président Troplong qui le fait remarquer, « si, à côté des avertissements, on plaçait le tableau des censures, des libertés, des har

diesses même qui ont alimenté les journaux depuis 1852, on verrait, qu'en somme, ils ont joui de la liberté comme s'ils étaient libres... Il est donc vrai que la Constitution de 1852 repose sur les bases essentielles d'une liberté raisonnable, sincère, fructueuse; et l'on peut aimer l'Empire sans cesser d'aimer la Liberté. » Rappelant ensuite l'acte du 24 novembre, lequel décide (art. 1er) que les Chambres voteront une Adresse annuelle en réponse au discours du Trône, l'honorable Rapporteur faisait connaître la raison d'être du sénatus-consulte proposé pourvoir « par une sténographie et un compte-rendu à tous les besoins de la publicité. » Incidemment, M. Troplong s'occupait du droit d'Adresse lui-même. Nous citons quelques-unes de ces considérations qui font une sorte de commentaire des institutions actuelles. «On s'est demandé, dans les bureaux et au sein de la Commission, si la France ressentait un goût bien prononcé pour le retour de ces joûtes politiques qui, jadis, avaient ébranlé tant de ministères et compromis deux gouvernements. On s'est posé ensuite la question de savoir, si, en sa forme, une telle innovation apportée dans notre mécanisme politique n'aurait pas dû faire l'objet d'un sénatus-consulte. Et le Rapporteur répondait que la Commission avait pensé : « que si la France, fatiguée de >> tant de secousses successives et indifférente à tant d'illusions >> vaines qu'on voudrait faire reconnaître, ne portait pas ses >> pensées au delà de l'œuvre de 1852, il était bon que le Sou» verain plongeât ses regards plus loin dans l'avenir... » Une politique médiocre se contente de pourvoir au jour le jour; une grande politique a de la portée. Tout en rappelant que l'antiquité estimait que les peuples sont rarement reconnaissants de la liberté qu'on leur donne, et en ajoutant, que la maxime n'est vraie qu'autant que la concession est arrachée par la contrainte ou par la nécessité, M. le président Troplong, sans s'arrêter à un passé désormais épuisé, faisait observer que la Constitution de 1852 avait ce caractère particulier, que si l'Empereur l'avait faite, c'était la France qui l'avait voulue; appelée à décider si le gouvernement de la France serait confié à une assemblée ou à un prince, la nation avait repoussé le gouvernement des assemblées qui avait toujours fini par blesser ses sentiments monarchiques,

par froisser ses intérêts et surexciter les passions de la multitude. << Elle a préféré, dit le Rapport, le gouvernement du prince dont le nom, si souvent sorti du scrutin national, personnifie les principes de 89 et la conciliation de l'ordre avec les conquêtes légitimes de la Révolution. De là une hiérarchie qui, sans être le pouvoir absolu, place au sommet de l'édifice le gouvernement du monarque, s'appuyant sur des institutions représentatives et à sa base le suffrage universel, comine un recours toujours ouvert dans le cas de nécessité publique. Le peuple a fixé sa destinée; mais en la fixant, il n'a réservé qu'à lui seul le droit de la modifier. » Conclusion, aux yeux de l'organe de la Commission l'Adresse d'aujourd'hui ne pouvait avoir le caractère et les effets de l'Adresse d'autrefois celle-ci signifiait que les ministres devaient être choisis par les Chambres avant d'être nommés par le roi; elle signifiait que le roi était gouverné et ne gouvernait pas... « Aujourd'hui, continuait le Rapport, l'Adresse, au lieu d'être un champ de bataille, ne sera qu'une information loyale et patriotique sur les besoins du pays. On discutera pour éclairer le pouvoir, non pour le renverser; la parole des orateurs sera plus impartiale quand l'ambition des portefeuilles n'en sera plus l'excitation. On fera les affaires publiques, on ne fera plus celles des coalitions et des partis. >>

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Venait la question de forme. Ici M. le président Troplong partait de ce principe, que « le monarque a toujours le droit..., le devoir de consulter les grands corps de l'Etat sur les points où il a besoin de lumières. « Il rappelait avec le plus heureux à-propos, ce que disait Bossuet en sa Politique. « Le salut se trouve où il y a beaucoup de conseils..., qui est incapable de conseil est incapable de gouverner. C'est en prenant conseil et en donnant toute liberté à ses conseillers, qu'on découvre la vérité et qu'on acquiert la véritable sagesse ». Puis, dans le cas particulier, il y avait les précédents : si l'Empereur peut faire appel au peuple (article 5 de la Constitution de 1852), pourquoi ne pourrait-il pas s'environner de l'avis des représentants du pays? Il a sans sénatus-consulte créé un Conseil privé et formé un Conseil des ministres, il peut donc tout aussi bien consulter les organes naturels de l'opinion publique. D'où la conclusion: « que les Adresses

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