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Or, ils ne résisteraient pas à la spoliation définitive du SaintSiége. Et puis, c'était un fait grave et une cause de faiblesse pour toute espèce de Gouvernement, et surtout pour un Gouvernement nouveau, que de ne pas avoir le bon vouloir des influences morales et religieuses; rien de définitif ne s'établissant sans leur appui.

Revenant aux dispositions du dehors, M. Plichon regardait comme un fait grave, l'état de défiance de l'Europe à l'égard de la France. « Pourquoi le dissimuler, disait-il, le nom de Napoléon qui a été pour la France le ralliement au moment de nos discordes civiles, est pour l'Europe à lui seul une source de défiance (à cet endroit du discours, de vives et bruyantes dénégations se produisent dans l'assemblée), car, continue l'orateur, dans ce nom s'incarnent les plus grandes calamités qui l'aient accablée ».

M. le président de Morny: « Ce que vous dites en ce moment est contraire à tout ce que vous avez dit et voté vous-même ».

M. Plichon reconnaît que la sagesse et la modération de l'Empereur étaient parvenues à amortir cette défiance, mais la guerre d'Italie, l'inexécution de la paix de Villafranca, les complaisances du Gouvernement français pour la Révolution italienne, l'application à l'organisation de l'Italie des principes négatifs du droit de souveraineté des dynasties, enfin les contradictions, « malheureusement fréquentes, >> entre les paroles du Gouvernement et les résultats, tout cela, aurait ranimé les dispositions naturelles et la défiance. Voilà pour le dehors.

M. Plichon montrait ensuite au dedans les intérêts des contrées les plus riches et les plus populeuses de la France gravement atteints par le traité de commerce, le travail ralenti, le salaire abaissé, les croyances catholiques profondément blessées « du préjudice fait au Saint-Siége. ». Enfin, il voyait dans le maintien du statu quo, la prolongation de l'anarchie en Italie et des inquiétudes en France, la surexcitation de l'esprit révolutionnaire en Europe, et jusqu'au milieu du pays, le trouble des esprits paisibles; pour l'industrie et le commerce, la crise à l'état chronique, «< car sans solution, disait-il, le réveil des

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affaires est impossible, c'est le marasme dans le présent, avec une guerre à échéance. >>

M. le Président : « On ne se croirait pas dans une Chambre française. >>

Conclusion de l'orateur: Il fallait revenir à la politique du Gouvernement aboutissant à la réalisation de cette devise : l'Empire, c'est la paix, et il voyait, dans cette politique, le vœu de l'immense majorité des Français.

Le Président du Conseil d'Etat répondit à M. Plichon en faisant observer d'abord que jamais, dans aucune assemblée, et il n'en exceptait aucune, un Gouvernement établi, un Gouvernement régnant pacifiquement et bienveillamment sur un grand pays, un Gouvernement bienfaiteur du pays depuis dix ans, n'avait été attaqué d'une manière aussi violente. Conclusion, selon le Ministre Si ce que venait de dire l'orateur était vrai, 1 Gounement était impossible; si ce qu'on disait était vrai, ce n'était pas un changement de politique que l'on devait réclamer. « Entendez-vous ? s'écriait M. Baroche, vous êtes entraîné beaucoup plus loin. » Le préopinant, avait voulu faire croire à des inquiétudes, à une émotion dans le pays. Cette émotion n'existe pas, répond le Ministre, « mais, prenez garde, à force de dire qu'elle existe, vous finiriez peut-être par dire la vérité. » Puis, on avait parlé de schisme, à quoi M. Baroche répondait en rappelant ces paroles prononcées à Marseille par l'Empereur, le 26 décembre 1852 : « Mon Gouvernement, je le dis avec orgueil, est le seul qui ait soutenu la religion pour elle-même ...........» Parlez donc de schisme sous le règne de Napoléon, reprenait le Ministre, et je vous dirai que cela n'est pás sérieux et que personne ne vous croira.

« M. Baroche repoussait ensuite les autres articulations du préopinant celle d'un prétendu marasme devant aboutir à la guerre, celle des prétendues défiances de l'Europe. » Et c'est dans cette Chambre, s'écriait l'orateur, qu'on a dit cela; lorsque nous avons communiqué, lorsque chacun a pu lire ces documents diplomatiques, lorsqu'on sait ce qui a eu lieu à l'entrevue de Varsovie, dans laquelle l'Europe a rendu justice à la sagesse du Gouvernement de l'Empereur, à la sagesse de cette politique dont

il ne s'est jamais départi depuis 1852 et dont il ne se départira jamais. «Nous disons, nous, continuait le Ministre, que la sagesse de l'Empereur, cette sagesse qui se manifeste chaque jour, inspire confiance à l'Europe, (je ne dis pas à tous les Gouvernements de l'Europe,) ..... Je dis que nous inspirons la confiance à tous les Gouvernements qui ont avec nous sympathie d'origine, de tendances, d'idées, d'intérêts, peut-être pas, par exemple, à ceux dont l'honorable préopinant à fait le plus d'éloges. Quant aux reproches adressés au Piémont, M. Baroche ne prétendait pas défendre la politique du Gouvernement piémontais, mais encore ne fallait-il pas oublier qu'il n'y avait pas longtemps que les soldats du Piémont étaient les compagnons de dangers et de gloire de l'armée française. S'agissait-il de l'Angleterre ? Il était temps, suivant l'orateur du Gouvernement, de s'expliquer sur notre situation vis-à-vis de ce pays. Il n'y avait pas que le Gouvernement de l'Empereur qui eût jugé d'une politique habile « d'avoir une bonne et sérieuse alliance avec l'Angleterre; tous les Gouvernements qui avaient successivement régi la France, avaient cherché à se maintenir dans les termes d'une entente cordiale avec ce grand pays; mais on ne trouverait dans ce passé aucun Gouvernement qui se fut aussi noblement placé vis-à-vis de l'Angleterre que le Gouvernement impérial. » Nous sommes les alliés de l'Angleterre, remarquait le Ministre, mais nous sommes des alliés indépendants, des alliés qui comprennent ce que vaut notre alliance, et qui ne croient pas avoir besoin de payer l'alliance anglaise par de trop grands sacrifices. >>

Après avoir rappelé notre situation vis-à-vis de l'Angleterre en Crimée et lors de la guerre d'Italie, et montré que cette dernière campagne avait eu une conclusion qui n'était pas précisément à la satisfaction complète de l'Angleterre, témoin la restitution de Nice et de la Savoie par un traité conclu sans doute sans « la permission » du Cabinet de Londres, M. Baroche faisait observer que la France s'était toujours tenue dans une ligne parallèle à la ligne suivie par l'Angleterre. On avait considéré d'abord l'intérêt français, et puis une fois l'intérêt français mis en rapport intime avec l'intérêt d'une autre puissance, d'une puissance amie, on avait été heureux, comme en Crimée, comme en

Chine, de voir le drapeau français flotter à côté du drapeau de l'Angleterre. « Voilà, disait le Ministre, comment nous entendons l'alliance anglaise, alliance honorable et basée sur la réciprocité, sur l'égalité, alliance dans laquelle nous avons la prétention de recevoir autant que nous donnons et de ne pas donner plus que nous ne recevons. » Ainsi l'alliance avait-elle été entendue dans la question d'Italie.

Rappelant les faits essentiels, M. Baroche établissait que la France avait fait la guerre à l'Autriche parce qu'il « n'était pas possible de laisser plus longtemps l'Autriche dominer dans la Péninsule,..... parce qu'on ne pouvait pas laisser écraser >> un voisin qui n'avait pas alors toute la force qu'il avait acquise depuis. La France avait eu dès le début de cette guerre une grande préoccupation : c'était la Papauté : « Nous n'allons pas, disait l'Empereur, faire la guerre en Italie pour attenter au pouvoir du Saint-Père; nous y allons dans un but tout différent. » Et les faits avaient répondu à cette déclaration. Vint le traité de Villafranca, « témoignage éclatant (suivant le contraditeur lui même) de la sagesse et de la modération de l'Empereur.» Maintenant ce qu'on reprochait au Gouvernement c'était de n'avoir pas suivi la politique tracée par la paix de Villafranca et le traité de Zurich, et on lui demandait de revenir à cette politique. Etait-ce la France qui avait fait insurger les Légations? Non, répondait M. Baroche c'étaient les Autrichiens. C'étaient à cause d'eux et par eux seuls que les Légations s'étaient trouvées immédiatement soustraites au pouvoir du Saint-Siége. Néanmoins, il eût été temps encore de suivre les conseils de l'Empereur au Gouvernement pontifical, « de donner aux Légations un Gouvernement indépendant mais laïque. >> De larges concessions données à ce moment eussent été acceptées. Mais on n'avait pas écouté ces conseils; on n'avait répondu que par des promesses dilatoires. Les combinaisons proposées depuis n'avaient pas eu un meilleur sort et l'on avait placé la France « dans cette condition d'avoir à demander au pouvoir temporel s'il ne pourrait pas enfin se considérer comme suffisamment défendu par l'armée qu'il avait recrutée, et si l'on ne pouvait pas ramener en France les troupes qui, depuis 1849, occupaient les

Etats pontificaux. » A ce moment se plaçait un fait qui témoignait dans quelle pensée de dévouement le Gouvernement français avait toujours agi envers la Papauté. En mai 1860, le Saint-Père avait consenti au départ des troupes françaises : ce départ avait été organisé à jour fixe. Soudain on apprend que Garibaldi a quitté Gênes et Livourne, sans direction connue. Aussitôt dépêche télégraphique partie de Paris qui ajourne le départ des troupes françaises. Pouvait-on faire plus? demandait le Ministre. On objectait que ce n'était point là la politique de Villafranca : confédération et rétablissement, autant que possible, des dues dans leurs duchés. En effet mais était-ce la faute du Gouvernement français? M. Baroche démontrait, par les faits, le contraire. A cette occasion, l'organe du Gouvernement, partant du discours d'ouverture de la session actuelle qui déclarait que sa règle de conduite serait la non-intervention, s'attachait à expliquer ce système, son origine, son but, sa portée, enfin sa moralité. Il datait en France de 1831 et y avait été naturalisé « par des hommes qui n'avaient pas pris les formules révolutionnaires : c'étaient Casimir Périer, Sébastiani, MM. Guizot et Dupin. » On voulait qu'ils intervinssent en Italie. Le général Lafayette s'indignait « Vous laisserez donc couler le sang des libéraux d'ltalie!» Le sang français lui répondait-on, n'appartient qu'à la France, et nous n'interviendrons pas. On leur disait encore: Les Autrichiens interviennent, faites donc comme eux et ils n'intervenaient pas et répondaient de nouveau : Le système de nonintervention n'est pas l'engagement pris de faire la guerre à tous ceux qui ne veulent pas adopter le système de non-intervention. A l'appui de cette assertion, M. Baroche rappelait les paroles prononcées par Casimir Périer dans la séance du 18 mars 1831. « Ce principe, disait cet homme d'Etat, nous le pratiquons pour notre compte, nous le professons en toute occasion. Est-ce à dire que nous nous engagerons à porter nos armes partout où il ne sera pas respecté? Ce serait une intervention d'un autre genre; co serait renouveler les prétentions de la Sainte-Alliance. Ainsi entendu, le droit de non-intervention servirait de masque à l'esprit de conquête..... L'intérêt ou l'honneur de la France pourrait seul nous faire prendre les armes. Nous ne concédons

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