Images de page
PDF
ePub
[blocks in formation]

Est-il permis au ministre d'user de corruption pour parvenir au but de sa mission, ou pour avancer les intérêts de sa cour? peut-on concilier sur ce point la théorie avec la pratique (a)?

D'abord, on ne peut taxer de corruption les présents faits pour se concilier l'affection ou l'amitié de ceux qui peuvent servir à nos vues, sans leur demander expressément ou tacitement quelque chose d'illicite.

S'agit-il, au contraire, de présents destinés à faire manquer un sujet aux devoirs envers son État, c'est pécher sans doute envers lui contre les principes de morale et de droit naturel, qui défendent la séduction; mais quant à la question, si c'est manquer aux devoirs parfaits (b) envers l'État, il y a d'abord une différence entre le cas où, de son chef, on tâche de corrompre, et celui où l'on profite des offres d'un traitre; ensuite le but même de la corruption peut influer sur sa nature. Le ministre qui corrompt pour exciter une rébellion se déclare lui-même l'ennemi de l'État, et traître, en ce qu'il prend le masque d'ami : il n'en est pas de même de celui dont le but est de découvrir un secret ou d'obtenir des complaisances. D'ailleurs, un État qui se sert de cet odieux moyen contre nous, est peu

(a) VATTEL, liv. IV, chap. ví, ¿ 93; PECQUET, De l'art de négocier, p. 71.

(b) Ce n'est que de ces devoirs parfaits qu'il est question. S'agit-il de ce qui est délicat, noble et conforme à la dignité des États, on ne peut guère s'empêcher de rejeter jusqu'à l'ombre de la corruption, même dans la plupart des cas où le droit des gens externe pourrait la justifier ou en offrir des excuses. On lit avec peine l'éloge de la corruption par Louis XIV, dans ses Mémoires, t. I, p. 74 et suiv.

en droit de se plaindre si l'on use de rétorsion contre lui. Enfin, il est des cas où notre propre conversation nous autorise à manquer aux devoirs d'ailleurs parfaits envers d'autres.

:

On sait combien, dans la pratique, on emploie de corruptions cela ne peut servir à les justifier. Il faut considérer, premièrement, qu'un acte, s'il est illicite, ne peut s'excuser par l'usage; secondement, que les puissances européennes, lorsqu'on les accuse de corruption, nient le fait ou le désavouent, et se croient autorisées à se plaindre, comme d'une lésion du droit des gens, des corruptions imputées à telle cour étrangère ou à son ministre (c).

[ Il est regrettable que M. de Martens se soit cru obligé de s'arrêter à la question qui fait l'objet du présent paragraphe; il est encore plus regrettable qu'il n'ait pas flétri dans tous les cas et sans distinction, l'usage longtemps pratiqué de la corruption exercée sur des ambassadeurs. On en trouve de trop fréquents exemples dans les annales de l'histoire, sous François Ier, sous Louis XIV et peut-être à des époques plus récentes:, discuter la légitimité de pareils actes, c'est pour ainsi dire les excuser. Ce que nous disons ne s'applique qu'aux cadeaux secrets. L'usage des cadeaux officiels s'est conservé dans certains cas, mais tend chaque jour à devenir plus rare. Ces cadeaux se font dans des occasions spéciales, notamment dans le cas de rappel. Plusieurs gouvernements défendent à leurs agents d'en recevoir; c'était

(c) Mais la vague imputation d'une corruption intentée peut-elle autoriser à emprisonner un ministre? Conduite de la France envers le Portugal, en 1797. V. Nouv. extraordinaires, 1798, n. 20. S'il faut un commentaire à ce fait, les négociations entamées à cette même époque avec les États-Unis d'Amérique peuvent le fournir. V. Pièces relatives à la négociation qui a eu lieu en 1797 et 1798, sur les différends entre gouvernement des États-Unis d'Amérique et le Directoire exécutif de France, imprimées à Philadelphie en anglais, et en français à Londres, 1798, in-8.

le

autrefois la règle de la république de Venise; c'est aujourd'hui celle des États-Unis de l'Amérique du Nord.

Aussi ne pouvons-nous qu'approuver l'observation suivante de Pinheiro-Ferreira: « On ne peut qu'être surpris de l'inconséquence avec laquelle l'auteur, après avoir énoncé positivement les principes les plus clairs de la loyauté avec laquelle il convient que les agents diplomatiques se conduisent dans le pays où ils sont accrédités, se relâche de l'austérité de ses propres doctrines, jusqu'au point d'affirmer, en parlant de corruption, que, lors même qu'elle nous est défendue par un devoir parfait, nous pouvons l'employer, nous regardant comme dispensés de ce devoir toutes les fois qu'il s'agit de notre propre conservation.

>> Cette doctrine est non-seulement erronée, mais abominable. La fin ne justifie pas les moyens. Pourvoir à notre propre conservation par des moyens licites est un devoir; employer à cet effet des moyens illicites, c'est un crime; engager quelqu'un à commettre une trahison pour nous sauver, est un acte de scélératesse. >> CH. V.]

233.

Conduite du Ministre envers les étrangers qu'il rencontre à la cour.

Les égards que le ministre doit à l'État auprès duquel il réside doivent influer aussi sur sa conduite envers les étrangers qu'il y rencontre; et même, par rapport aux ministres ou sujets de ceux dont le souverain est en guerre avec son maître, il doit pleinement respecter la neutralité du territoire où il se trouve. S'il y manque, il ne perd pas toujours à la vérité par là les prérogatives dont il jouit en faveur de sa cour, mais l'État est pleinement en droit, et peut même être obligé de l'éloigner et de demander satisfaction au gouvernement qui l'a envoyé.

[blocks in formation]

Avant l'introduction des missions permanentes il n'était pas d'usage parmi les ministres de se faire accompagner de leurs épouses, et le titre d'ambassadrice était ignoré (a). Ce n'est qu'au dix-septième siècle (b) que l'un et l'autre ont été introduits, à mesure que les missions permanentes devinrent plus fréquentes.

L'épouse du ministre jouit, dans cette qualité, d'une inviolabilité encore plus distinguée que celle qui est due à son sexe et à sa naissance. Les immunités de son époux s'étendent sur elle; et, quant au cérémonial touchant les visites, la préséance, la présentation à la cour, etc., ses prétentions au rang sur d'autres dames de qualité sont les

(a) F.-C. VAN MOSER, die Gesandtinn nach ihren Rechten und Pflichten, dans ses Kleine Scriften, t. III, n. 2.

(b) Encore en 1649 un ambassadeur français à La Haye plaisantait sur l'arrivée de l'épouse de celui d'Espagne, en disant que c'était une ambassade hermaphrodite. V. BYNKERSHOECK, Du juge compétent, chap. xv,

g.

mêmes que celles que son époux fait valoir par rapport aux époux de celles-ci (c).

[ Au premier rang des personnes qui participent à plusieurs prérogatives du ministre public, spécialement à l'inviolabilité et à l'exterritorialité qui s'attachent à son caractère, viennent sa femme et ses enfants.

En général, il n'est accordé à l'épouse du ministre aucuns droits honorifiques particuliers; elle est habituellement traitée comme une personne étrangère d'un rang élevé. L'épouse de l'ambassadeur porte le titre d'ambassadrice. Plusieurs auteurs, V.. notamment HEFFTER, le Droit international public, traduction de M. Bergson, § 221, et ESCHBACH, Introduction à l'étude du droit, § 234 in fine, refusent à la femme d'un ministre public le libre exercice de son culte, si ce culte différait de celui de son mari; mais cette opinion empruntée à Ch. DE MOSER, Kleine Schriften, t. III, ne serait sans doute plus suivie aujourd'hui.

Quant aux enfants du ministre public et aux autres membres de sa famille, ils sont inviolables tant qu'ils résident auprès de lui, mais dans les cérémonies ils ne jouissent d'aucun privilége. V. VATTEL, le Droit des gens, édit. Guillaumin, liv. IV, ch. ix, § 121, et la note de M. Pradier-Fodéré, le baron Ch. DE MARTENS, le Guide diplomatique, 4o édit., t. I, p. 162.

CH. V.]

8 235.- Des Gentilshommes et des Pages d'ambassade.

Les gentilshommes et les pages d'ambassade servent à augmenter l'éclat de la mission dans les occasions de cérémonie (a). Peu importe qu'ils soient nommés et appointés par la cour ou par le ministre, ou qu'ils servent gratis, pourvu qu'ils soient attachés à la mission, ils jouissent alors de l'inviolabilité et des prérogatives que le ministre

(c) Exemples de disputes sur ces objets, dans BOUGEANT, Histoire des guerres, etc., t. I, p. 331. Exemple en France, V. Moniteur de 1804, 31 mai.

(a) MOSER, Versuch, t. III, p. 136; Beyträge, t. III,

p. 150.

« PrécédentContinuer »