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CHAPITRE XI.

DES DROITS DES MINISTRES DANS LES ÉTATS AUPRÈS DESQUELS ILS NE SONT POINT ACCRÉDITÉS.

2 246.

Principes du Droit des gens universel.

A la rigueur, tous les droits d'ambassade dont il a été parlé jusqu'ici n'ont lieu que dans la relation entre l'État qui envoie et celui qui reçoit un ministre. De tierces puissances sur le territoire desquelles ce ministre passe en allant ou en revenant, ou chez lesquelles il séjourne quelque temps sans leur présenter de lettres de créance, sont autorisées à le traiter comme simple particulier, sans le laisser jouir d'aucune prérogative de ministre, soit par rapport à sa personne, soit par rapport à sa suite ou à ses biens (a). La question de savoir si un ministre accrédité auprès d'une assemblée d'États peut demander à être traité comme tel par chacun de ses membres, doit être affirmée dans la généralité, sauf cependant les exceptions qui peu vent résulter des circonstances.

(a) LEYSER, De legatis transeuntibus, Medit. ad D., sp. 672; ACHENWALL, De transitu et admissione legati ex pacto repetendis, Gottinga, 1748, in-4.

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Quoique en temps de paix on accorde à un ministre destiné pour quelque autre État cette liberté de passage et de séjour (a) qu'on ne refuse pas même aux particuliers, et quoique, dans les occasions où il se présente à la cour, on lui fasse des distinctions et le laisse même jouir quelquefois de prérogatives que, dans la règle, on n'accorde qu'aux ministres accrédités, ceci n'empêche point qu'en cas de contestations on ne fasse valoir, dans la pratique comme dans la théorie, la distinction entre le ministre accrédité et le non accrédité (b), en ne considérant que comme affaire de politesse, et non de droit des gens, les attentions qu'on témoigne pour les ministres de ce dernier genre (c). On a même élevé en Allemagne des doutes, si des ministres accrédités auprès d'une assemblée d'États peuvent demander à être traités comme ministres de la part de chaque État qui en est membre, pour lequel ils n'ont point de lettres de créance particulières, surtout si c'est pour des affaires privées qu'ils se rendent chez lui (d).

(a) Elle était même prescrite en Allemagne en faveur des ministres allant ou revenant des assemblées de l'Empire, telles que la diète générale, les députations, les assemblées des cercles, etc. V. Capit. imp. de 1711, art. 8, 31.

(b) Exemple de Goertz, qui, comme Gyllenborg, n'était accrédité qu'en Angleterre, et fut arrêté en Hollande V. BYNKERSHOECK, Du juge compétent des ambassadeurs, p. 100; d'autres écrits dans VAN OMPTEDA, ́ Litteratur des E. V. R., p. 571.

(c) On est même autorisé à faire arrêter un tel ministre pour dettes. V. JÆGER, Ob ein Souverain berechtigt sey fremde Gesandten arrestiren zu lassen, dans SCHOTT, Juristisches Wochenblatt, t. I, p. 173; PUTTMANN, Quæstionum illustrium de jure cambiali decas, cap. II. (d) Exemple mémorable du comte de Wartensleben, ministre des

En temps de guerre, on se croit obligé de laisser jouir d'une inviolabilité entière les ministres des puissances avec lesquelles on n'est point en guerre, et qu'on rencontre chez l'ennemi (e); mais il n'est pas contraire au droit des gens de faire arrêter des ministres qui passent sans permission sur le territoire d'un État dont le chef est en guerre avec leur gouvernement (f).

[Il ne faut pas confondre les rapports qui s'établissent entre l'agent diplomatique et le gouvernement auprès duquel il est accrédité et ceux qui s'établissent entre cet agent diplomatique et de tierces puissances. Pour ces dernières, il n'y a, malgré les réserves faites par notre auteur, aucune obligation d'observer visà-vis de lui d'autres procédés que les procédés ordinaires vis-à-vis des étrangers en général, et notamment vis-à-vis des étrangers appartenant à la puissance qu'il représente. Le respect mutuel que se doivent les États suffit pour leur inspirer les procédés dont ils doivent user dans ce cas, mais, ajoute HEFFTER, le Droit international public, traduction de M. Bergson, § 207, «< ils n'ont

états généraux des Provinces-Unies près des cercles du Haut et du BasRhin, arrêté à Cassel comme exécuteur testamentaire de feu la baronne de Goertz, dans mes Erzählungen merkwürd. Fälle, t. I, p. 170.

(e) L'arrestation du marquis de Monti par les Russes, lors de la prise de Dantzick, en 1733, ne portait point atteinte à la règle reconnue alors par la Russie. V. les écrits sur cette affaire dans ROUSSET, Recueil de Mémoires, t. IX, p. 464; FABER, Europäische Staatscanzeley, t. LXV, p. 591-616; d'autres, indiqués dans VAN OMPTEDA, Litteratur, t. II. p. 572.

(f) MOSER, Versuch, t. IV, p. 120. Sur l'arrestation du maréchal de Bellisle, passant par Elbingerode en 1744, V. J.-W. VAN GOEBEL OU SCHEID. S'il est permis de faire arrêter un ambassadeur qui passe sans passeports par les États de ceux avec lesquels son maître est en guerre, 1745, in-4; Neue Sammlung von Staatsschriften nach dem Ableben Carls VII, b. 1, p. 179. TREUER. Gründlicher Beweis dass esnicht wider dass Wölkerrecht sey, etc., dans Neue Sammlung von Staatsschriften, n. d. a., cap. vò; b. 1, p. 34, 912, 957; et mon Erzählungen merkwurd. Fälle, t. I, p. 152.

jamais reconnu l'inviolabilité d'un ministre étranger qui se trouve en dehors du territoire où il est envoyé. Ils ont au contraire, en toute occasion, maintenu le principe qu'ils n'étaient pas tenus de respecter le caractère public d'un ministre, dès qu'il se trouvait en conflit avec leurs propres droits. Un gouvernement a quelquefois fait arrêter, lors du passage sur son territoire, le ministre d'un souverain avec lequel il était en guerre. D'autres fois, l'arrestation d'un ministre a été prononcée à cause de dettes personnelles ou d'engagements civils. L'arrestation du maréchal de Bellisle en 1744 et celle du comte de Wartensleben en 1763 fournissent à cet égard des exemples mémorables. Il n'existe non plus aucun doute qu'un ministre étranger ne puisse être arrêté, poursuivi et puni à raison de crimes commis par lui dans le territoire d'une tierce puissance. » V. dans WHEATON, ‚Éléments du droit international, le tableau des controverses soulevées au sujet des immunités des ministres en passage à travers le territoire d'un État autre que celui auprès duquel il est accrédité et les autorités invoquées par ce publiciste.

Pinheiro-Ferreira ajoute cette observation : « M. de Martens ne pose pas la question dans son véritable jour; car la circonstance de ne pas avoir de permission suffit seule pour jeter sur l'envoyé un faux reflet qui embrouille la question dont on s'occupe, sans conduire à la solution de celle qu'on avait véritablement en vue de proposer.

«En effet, la question ne saurait être de savoir si l'envoyé de l'une des deux puissances belligérantes peut traverser le territoire de son ennemi,' mais si celui-ci est autorisé à lui refuser cette permission.

>>> L'agent diplomatique est, dans la société politique des nations, ce que le magistrat civil est vis-à-vis des citoyens dans chaque gouvernement. Dès que son caractère fécial est constaté, on ne saurait, dans l'intérêt général, lui refuser nulle part la liberté la plus entière. C'est un ministre de paix, et l'état de guerre où peut se trouver le souverain des pays qu'il traverse, soit avec son gouvernement, soit avec celui auquel il est adressé, ne peut être un motif pour qu'on l'arrête dans l'exercice de ses hautes fonctions: vous pouvez lui refuser le passage par vos États, si vous avez quelque raison de supposer que sa mission est contraire à vos intérêts; vous pouvez prendre toutes les précautions que la

prudence vous suggérera pour qu'il ne puisse prendre chez vous des informations qui vous deviendraient nuisibles; mais vous ne pourriez l'empêcher absolument de se rendre à sa destination, sans nuire à ceux qui peut-être ont fondé de justes espérances sur le résultat de sa mission; vous attenteriez au droit d'un ou de plusieurs membres de la grande société dont vous faites partie; par là vous enfreindriez dans un de ses points les plus importants, les efforts pour mettre un terme aux horreurs de la guerre, le droit des nations, ce droit sacré sous la protection duquel le ministre public se rendait à sa destination. » CH. V.]

8 248.

II. Quant aux biens du Ministre.

Moins encore un tel ministre peut-il prétendre à l'immunité de droits pour les biens qu'il transporte ou fait passer par des États tiers (a); et ce qui se pratique, soit en vertu d'un usage particulier et réciproque de quelques États, soit par des motifs de déférence que de faibles États aiment à témoigner aux réquisitions des grandes puissances, ne suffit pas pour établir sur ces exemples particuliers l'existence d'un usage général.

Il est plus rare encore qu'il soit question de défrayer un tel ministre à son passage, bien que la chose ne soit pas sans exemple, au moins à l'égard des ministres extraordinaires des États barbaresques.

(a) Les biens meubles des ministres envoyés aux assemblées de l'Empire étaient exempts de droits par toute l'Allemagne. V. Capit. imp. de 1711, art. 8, 11. Plaintes amères de l'électeur bavaro-palatin au sujet des abus qui en résultaient pour les environs de Ratisbonne ; V. MOSER, Kleine Schriften, t. IV, p. 43.

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