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temps de guerre pour assurer l'échange des dépêches, par terre et par mer, entre agents diplomatiques.

« M. de Martens, ajoute Pinheiro-Ferreira, a sans doute pensé qu'il suffisait de se borner à rapporter les usages adoptés par toutes ou par quelques-unes des nations, sans en témoigner son approbation, pour que le lecteur dût croire qu'il les blâmait.

» Il aurait peut-être raison s'il mettait une différence dans la manière de rapporter les bons et les mauvais usages; mais, en racontant indifféremment les uns et les autres, les lecteurs, et surtout la jeunesse à laquelle son ouvrage est spécialement destiné, ne sauraient distinguer lesquels il approuve et lesquels il condamne.

» Nous croyons qu'il désapprouvait, comme un véritable attentat au droit des nations et des hommes, l'usage qu'il mentionne dans cet alinéa, de se saisir, en temps de guerre, des malles des courriers, à moins qu'il n'y ait entre les nations belligérantes une convention expresse et contraire. Nous entendons parler des courriers porteurs de la correspondance générale, car, pour celle du gouvernement, on ne saurait mettre en doute qu'en sa qualité de moyen de guerre l'ennemi est en droit de s'en saisir. >>

CH. V.]

LIVRE VIII.

DE LA DÉFENSE ET DE LA POURSUITE DES DROITS ENTRE LES NATIONS PAR DES VOIES DE FAIT.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA PREUVE PRÉALABLE.

251.- De la preuve entre les États souverains.

Les États souverains eux-mêmes, lorsqu'ils se plaignent de la lésion de leurs droits primitifs ou acquis, et qu'elle n'est pas manifeste, ne peuvent se dispenser d'en apporter la preuve à la partie dont ils exigent une satisfaction, avant d'avoir recours à des voies de fait; c'est-à-dire, ils doivent mettre tellement en son jour le fait sur lequel ils se fondent, tant celui sur lequel repose leur droit, lorsqu'il s'agit d'un droit acquis, que celui qui renferme la lésion dont ils demandent la réparation, qu'il ne reste plus de motifs raisonnables d'en douter (certitude morale).

Le moyen de preuve le plus usité dans les affaires des nations, c'est celui des documents tirés des archives. Les témoins, le serment, ne sont guère employés que dans les cas où une affaire privée dans son origine devient une af

faire de nations qui épousent les intérêts de leurs sujets (a). On ne saurait non plus exclure les preuves artificielles.

Par une suite naturelle de l'égalité des droits des nations, la foi des archives est la même pour tous les États; et si les versions différent, ou si le sens d'un article est ambigu, le défaut d'un juge supérieur fait que chacune suit sa version et son interprétation, consulte ses propres lumières sur la suffisance ou l'insuffisance de sa preuve, et se conduit en conséquence. Ce mal, quelque grand qu'il soit, est inséparable de l'état naturel qui subsiste chez les nations, tant qu'elles ne sont pas convenues de soumettre leurs différends à la décision d'un juge.

252. De la Preuve devant un Juge compromissaire.

Mais, comme sans déroger à leur souveraineté deux États peuvent convenir, dans un cas individuel, soit d'abandonner la décision à des juges compromissaires choisis de part et d'autre (a), soit de la remettre entre les mains d'une tierce puissance; de même il serait très-compatible avec la souveraineté d'États confédérés, tels que ceux qui forment la Confédération germanique, de convenir d'un tribunal permanent, à leur nomination, pour décider les disputes élevées entre eux, ou celles pour lesquelles il n'existe aucun autre juge devant lequel leurs sujets réciproques auraient pu porter leurs plaintes.

(a) V., par exemple, les plaintes du gouvernement anglais contre le gouvernement de Saint-Eustache, en 1776.

(a) Exemple mémorable du traité de paix de Paris, du 30 mai 1814, art. 20, et les conventions séparées, en conformité, du 20 novembre 1815, dans mon Nouveau Recueil, t. II, p. 107 et 117. V. d'autres exemples modernes à la suite de l'acte du congrès de Vienne, dans mon Nouveau Recueil, t. IV, p. 207, 225, 263.

Et, dans la position où l'Allemagne se trouve, depuis que, d'un côté, les anciens tribunaux de l'Empire, devant lesquels ces causes pouvaient être portées, ont cessé avec la dissolution de l'Empire même (b), et que, d'un autre côté, les membres de la Confédération ont promis par le pacte fédéral (c) de ne pas se faire la guerre et de ne pas poursuivre leurs prétentions par des voies de fait, mais de les porter à la diète, la formation d'un tel tribunal semble être une suite naturelle de ce que la diète elle-même n'est point propre à faire les fonctions de juge.

Dans tous ces cas où il existe un juge entre deux ou plusieurs États, ce n'est plus à la partie adverse seule, c'est au juge que la preuve doit être apportée, et c'est à lui à décider si les moyens produits suffisent pour établir la certitude juridique.

(b) Sur les preuves apportées devant les tribunaux de l'Empire, V. les écrits cités dans PUTTER, Litteratur des deutschen Staatsrechts, t. III, p. 202 et suiv.

(c) Acte de la Confédération, art. 4. Dans presque toutes les confédérations permanentes entre des États souverains, on a senti la nécessité d'aviser aux moyens de terminer paisiblement les différends qui pouvaient s'élever entre les membres. Sur les anciennes Provinces-Unies des PaysBas, V. l'acte de l'union d'Utrecht de 1597, art. 16, dans SCHMAUSS, Corp. jur. gent., t. I, p. 391; sur la Suisse, dans son état actuel, le pacte fédéral du 7 août 1815, art. 5, dans mon Nouveau Recueil, t. IV, p. 173; sur les États-Unis de l'Amérique, la constitution de 1787, art. 3, sect. VI, dans mon Recueil a, t. III, p. 89; b, t. IV, p. 300.

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Dans la règle, lors même que le grief est manifeste ou prouvé, on doit s'efforcer d'en obtenir le redressement à l'amiable, soit par des représentations, soit en sollicitant les bons offices d'une tierce puissance; mais il n'y a point d'obligation naturelle pour une nation envers une autre de se relâcher de ses droits par transaction, ou, le cas de traités excepté, d'en abandonner la décision à un juge compromissaire de sorte que, si les représentations ou les bons offices n'ont point le succès désiré, il ne reste entre les puissances souveraines que les voies de fait. Mais il y a plusieurs grades de voies de fait, et l'usage qu'on est autorisé à en faire dépend non-seulement de l'étendue du but qu'on se propose et des moyens nécessaires pour l'atteindre, mais aussi de la nature du fait dont on se plaint; et d'après que celui-ci blesse ou nos droits proprement dits, ou seulement les règles de l'équité, de l'humanité, de la politesse, etc., il peut être question pour nous de représailles ou de simples rétorsions.

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